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La Procession, également au Louvre, est comparable aux bons Flamands. C'est un évêque suivi du clergé qui porte le saint-ciboire. Les ajustements, les chapes ornementés sont peints avec un soin infini sans tomber dans l'absolutisme du détail. On remarque surtout avec intérêt les tètes naïves des jeunes enfants de chœur.

Je n'ai malheureusement pas vu le portrait de CinqMars, qui longtemps a été perdu dans l'océan des portraits du musée de Versailles; plus tard, l'œuvre de Lenain fut rapportée dans la collection du Palais-Royal qui appartenait à Louis-Philippe. Là, le 24 février 1848, j'assistais en simple curieux au pillage du Palais-Royal, sans me douter qu'à deux pas de moi, dans une galerie parallèle, on crevait à coups de baïonnette la toile du peintre Laonnois, fait d'autant plus regrettable que son œuvre n'est rien moins que majeure.

Viennent maintenant les tableaux des Lenain qui sont déposés dans les églises de Paris, un à Saint-Etienne-duMont, un à la paroisse Saint-Laurent, et un concédé au Couvent-du-Temple, le 15 mars 1817.

Ce sont trois grandes toiles représentant la Nativité de la Vierge, la Visitation et la Présentation au Temple, qu'il est très-fâcheux de voir perdues dans les églises. A l'exception de Saint-Etienne-du-Mont, les étrangers et les artistes ne vont jamais dans ces monuments situés au milieu des faubourgs. Quant à Saint-Etienne-du-Mont, la chapelle qui renferme le tableau de Lenain est toujours fermée; justement, c'est le plus remarquable. Comme type de la peinture religieuse des Lenain, il est fort supérieur à l'Adoraiion des Bergers qui est au Louvre. Un jour viendra peut-être où un grand classement de tableaux pourra permettre à l'administration des Musées de s'entendre avec la ville de Paris et de faire des échanges avec les églises de Paris et de la Province et même

d'envoyer dans le chef-lieu du département une toile au moins du peintre qui y est né.

Ainsi, le Couvent-du-Temple est une chapelle qui n'ouvre que le dimanche. La Présentation au Temple, des Lenain, personne ne s'en inquiète; ne serait-il pas plus important de voir ce tableau à Laon, à Soissons ou à Saint-Quentin, soit dans un musée, soit dans une des bibliothèques de la ville?

Le Musée du Louvre possède aussi dans sa riche collection de dessins, un dessin au crayon de Lenain, représentant une vieille femme assise. Quoique les dessins de maîtres soient matière discutable, celui-là n'a pas besoin d'être signé. Dessiné d'une façon simple et modeste, il est réellement d'un des Lenain.

C'est le seul dessin de nos compatriotes que je sache. M. Arsène Houssaye m'a bien montré un jour une sanguine, prétendue de Lenain; mais rien dans les physionomies, rien dans la manière ne m'a paru appuyer cette opinion.

A l'exposition de la Société des artistes de 1847 ou 4848, un amateur avait bien voulu prêter un tableau de Lenain qu'on appelle généralement Intérieur de Ferme. Celui-là était extraordinaire par l'âpreté de la couleur; il était même peint d'un ton presque unique, en camaïeu grisâtre, et seules les têtes des personnages étaient rehaussées légèrement de rouge. Quoique sortant toutà-fait de la manière habituelle des Lenain, ce tableau était dans leurs, principes; celui-là seulement pouvait être attribué, si on en connaissait d'autres dans cette façon de peindre, à un des frères de Louis Lenain.

Les catalogues de collections particulières donnent quelques descriptions de tableaux de nos compatriotes, qui sont vendus aujourd'hui et passés dans des mains inconnues.

Voici ce que j'ai pu trouver jusqu'ici :

Catalogue de tableaux de Mgr. le duc de Choiseul. Le tableau représentant un Maréchal et sa forge fut vendu 1,008 livres à Boileau (J.-F.), peintre de S. A. Mgr. le duc d'Orléans, rédacteur du catalogue.

Dans le même cabinet Choiseul se trouvait un autre tableau représentant une Famille à table; la mère paraît gronder un de ses enfants. Une servante apporte un plat et derrière la compagnie se voit un valet qui tient une bouteille. La lumière qui frappe sur la table éclaire tout le sujet et y fait un très bel effet. Il fut vendu 2,300 livres à Ménageot, ce peintre du Directoire qu'on accusait de peindre les tableaux de Mme Lebrun.

Même cabinet. Portrait d'un jeune garçon vu de troisquarts et coiffé en cheveux plats, ajusté d'un corsage dans le costume du temps.

Catalogue des tableaux du cabinet de feu M. d'Ennery. Ecuyer, par Milioti, 1786.

« LENAIN. Une cuisine dans laquelle sont quatre > personnages dont un homme assis près d'une chemi» née, une femme aussi assise dans une grande manne » et divers ustensiles. Ce tableau a un coloris agréable; > il est du bon Nain et est en grande considération. Hau› teur 18 pouces, largeur 21 pouces 6 lignes.

Vendu 1100 fr. - Paillet.

Dans le catalogue raisonné de la galerie du cardinal Fesch, par Georges sont décrits deux tableaux des Lenain. No 375. Scène de corps-de-garde, par Louis Lenain, né à Laon en 1585, mort en 1648, maître inconnu ; il peignait l'histoire, mais sa véritable est parmi les meilleurs peintres du genre de l'école française. No 376. Le Mangeur d'huîtres, par Lenain, Antoine, frère du précédent, né à Laon en 1585, mort en 1648, maître in

connu.

Des tableaux, je passe aux gravures d'après Lenain.

La Villageoise à la fontaine, gravée par Levasseur, figures et paysage. Il y a dans cette estampe une grande et robuste femme qui puise de l'eau que ne désavouerait pas Rubens.

Le Villageois satisfait, seconde estampe qui sert de pendant, n'a pas la même valeur. La faute en est sans doute au graveur. Une grosse Flamande est assise sur l'herbe près de son enfant emmailloté; à côté d'elle un paysan tenant une espèce de mandoline conduit un âne. Le Marchand de cornes se prendrait plutôt pour un Teniers que pour un Lenain.

Vive le roi, lithographié en 1846 par Schultre. Deux petits paysans jouent aux cartes, l'un a son tricorne fortement appuyé sur les yeux et apporte une grande attention au jeu; le second se retourne vers le public et indique du doigt une quinte majeure à pique. On devine que ce tableau doit ressembler considérablement par la finesse des physionomies et la sobriété des détails aux sujets de Chardin, le joueur de tonton, par exemple; mais la manière déplorable du lithographe n'a réussi qu'à donner un pendant aux tableaux si bourgeoisement réalistes de M. Hornung: Plus heureux qu'un roi.

Dans de petits paysans, dont le caractère naïf a été altéré par le graveur Baunerenan. Dans une pauvre chau. mière un grand garçon fait danser au son de la musette une bande d'enfants. La mère est dans un coin grave et réfléchie.

Un père de famille. Il joue du flageolet entouré de cinq enfants qui l'écoutent avec admiration. Le père enveloppé d'un grand manteau a l'air d'un philosophe de l'antiquité. Les têtes des enfants sont charmantes. Gravé par Saint-Maurice.

Le Voleur pris. Ce tableau est au cabinet de M. Damery, chevalier de l'ordre royal militaire de Saint-Louis, indique l'estampe de Elleim. La cage entr'ouverte est

vide. Où est l'oiseau semblent se demander les enfants éplorés? Dans le ventre du chat, dit un d'eux qui apporte par la peau du cou le coupable mimite. Par le fond arrive à pas lents, avec un gros bâton, une petite fille qui semble pénétrée de ses graves fonctions de grand justicier.

La Fête bachique, gravée d'après le tableau original. du Nain, par J. Daullé. Un jeune garçon est assis sur un bouc que conduit une enfant. La mère dépose une couronne de pampres sur la tête du garçon. Au premier plan un grand et solide paysan dresse en l'air une cruche vide de vin et salue par ses cris le petit triomphateur.

Dans cette gravure, chose singulière, presque tous les personnages sont vêtus de haillons. Aussi le petit garçon sur le bouc, avec sa chemise déguenillée, a-t-il l'air d'un pouilleux de Murillo; il a même la physionomie des enfants espagnols. La robe de la mère est déchirée; la biaude ou veste du paysan assis n'est pas en trop bon état, et au fond du tableau un autre garçon qui grimpe à un arbre, ne remettra pas à neuf les genoux de ses culottes. Le déquenille de ce tableau m'a fort étonné, car il n'entre pas d'ordinaire dans le pinceau honnête et réservé de Lenain.

Cette gravure qui m'appartient, manque à la collection de la bibliothèque des estampes, assez mal montée du reste en maitres français. Ainsi le cabinet des estampes ne possède que sept planches gravées d'après Lenain. Il faut dire aussi qu'elles sont très rares dans le commerce parisien. Non pas qu'elles coûtent très cher, car Lenain n'est pas conuu; mais on en voit peu ou point. En supposant qu'il en sorte au jour, elles n'atteindront jamais le prix auquel se tiennent aujourd'hui les estampes d'après Chardin. La raison vient de ce que Chardin a été admirablement gravé; une collection de gravures pent rendre l'esprit de ce maître, Landis que ce que je con

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