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Lenain fait partie d'une école mixte qui relève plutôt des peintres tourmentés que des peintres calmes. Aimant la famille, ces hommes peignent la famille; plaignant les pauvres, ils ne s'attachent qu'aux gueux; admirant la nature, ils deviennent les historiens des arbres; ceux d'un esprit plus rapetissé ne comprennent que la nature morte, les fleurs.

A cette école appartiennent encore ceux qui sont influencés par leur époque et dont le pinceau dit toute l'époque, comme Watteau et Boucher disent la galanterie et la débauche. Mais Lenain est du groupe de ces maîtres qu'on appelle niaisement peintres de genre. Ce sont des historiens.

Teniers, Ostade, Goya, Daumier, Holbein, Chardin en apprennent plus sur les mœurs de leur temps avec leurs portraits, leurs buveurs, leurs filles et leurs bourgeois que bien des gros livres.

Je ne sais si ces quelques lignes seront bien claires pour la foule. Quand je me comprends, je crois que tout le monde me comprend. Peut-être trouvera-t-on que j'ai été secouer bien des grands noms pour arriver à Lenain. Il le fallait. La connaissance brutale de la peinture n'est rien. Chacun y arrive, brocanteurs, Auvergnats, marchands de tableaux, vendeurs de curiosités, d'objets empaillés et de bric-a-brac.

Mais c'est la connaissance morale qui est la seule importante dans ces questions..

C'est en vertu de cette connaissance morale que j'affirme le portrait de Lenain du musée du Puy; il ne contrarie en rien les scènes d'intérieur, les scènes villageoises du peintre Laonnois. Il les affirme et il est affirmé par elles,

Maintenant je passe aux preuves physiques, qui seules ne pourraient amener qu'à des présumés.

Le portrait fut acheté en 1822 par M. le vicomte de

Becdelièvre, peintre amateur, à une fameuse vente faite à Paris par l'expert du Louvre, nommé Henry et un marchand de tableaux, Lebrun, le mari de Mme Vigée Lebrun. Malheureusement ces deux brocanteurs sont morts; le fil des renseignements est cassé. Je ne peux plus dire que ce que je tiens de l'acheteur lui-même, M. de Becdelièvre. D'après la version des marchands, ce portrait venait d'une galerie particulière d'Angers, pillée à la révolution en 1793. Henry et Lebrun comprirent le portrait de Lenain dans un envoi considérable fait à l'empereur de Russie qui les avait chargés d'une commande de six cent mille francs de tableaux; mais les marchands ayant outrepassé de beaucoup ce chiffre, la Russie renvoya un grand nombre de toiles. Parmi ces toiles se trouvait le portrait de Lenain; et c'est à la vente de cet excédant que fut acheté pour le musée du Puy le portrait du peintre français.

C'est sans doute de cet envoi des marchands français que faisait partie une œuvre de Lenain qui se voit encore dans la galerie de l'Hermitage, à Saint-Pétersbourg.

L'on ne trouve pas seulement dans les salons et boudoirs de Catherine II, dit M. Viardot, les quelques noms illustres de notre ancienne école, ni même ceux des » artistes secondaires qui ont laissé sinon de la renom› mée, au moins quelque réputation, tels que Vouët, › Lafosse, Santerre, Labyre, les Vanloo... C'est encore » une foule absolument nouvelle, des gens morts de toutes façons dont personne ne parle plus, dont per» sonne n'avait peut-être parlé!... Lenain, Lemoine, › Desportes, Pater, Chardin.

› Si j'en connais pas un, je veux être pendu !... Il faut » aller en Russie pour apprendre seulement leurs noms. » Et voilà comment on écrit la peinture! Pauvre M. Viardot qui a imprimé des espèces de guide-âne pour tous les musées de l'Europe! Il ne connaît ni Chardin, ni Des

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portes, ni Pater, ni Lenain. « Il veut être pendu. » Il a raison, il le mérite. Mais aussi il a quelque estime pour Vouet, Lafosse, Santerre, Labyre. Les dix lignes de M. Viardot ont l'air d'être écrites par un aveugle qui marcherait sur la tête les pieds en l'air. Il cite quatre maîtres de la pleine décadence de l'art dont les toiles sont grandes, mais grandes d'effronterie et d'impuissance; et il faut aller en Russie pour apprendre les noms de Chardin, l'homme qui eut assez de force pour être réaliste en pleine vanlootade; Desportes, le Sneyders de l'école française; Pater, ce charmant continuateur de Watteau; enfin LENAIN, maître sérieux et convaincu dont l'influence sera toujours grande et profitable. Relativement à Chardin, je n'ose pas parler à M. Viardot des salons de Diderot; il les prendrait pour des appartements; mais si M.Viardot était jamais entré dans l'atelier d'Eugène Delacroix, il y aurait vu unc copie de Lenain faite au Louvre par l'illustre peintre dans sa jeunesse.

Et puisque Lenaiu est un de ces hommes dont on ne parle plus, j'en parle aujourd'hui.

CHAMPFLEURY.

La Société est vivement intéressée par cette lecture. Elle serait heureuse d'avoir souvent à insérer dans son Bulletin des études de ce genre sur les hommes de lettres et les artistes du pays.

M. de Laprairie lit un mémoire sur huit médailles gauloises trouvées à Attichy (Oise.)

Messieurs, j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux huit médailles gauloises qui m'ont été vendues il y a quelques jours et qui ont été trouvées près d'Attichy. On m'a affirmé qu'il s'en découvrait fréquemment dans cette localité. C'est un fait qu'il sera bon de vérifier par la suite, parce que la constatation de circonstances de cette nature

peut avoir de l'intérêt pour l'histoire de la numismatique et pour fixer certains points de la géographie des Gaules.

Trois de ces pièces sont faites d'un alliage appelé potin; les monnaies de cette espèce sont communes. ‹ Leur › style, dit M. E. Carlier (1) indique plutôt des ouvriers que des artistes, et le procédé de leur fabrication est › un simple moulage d'un emploi très-facile. >

Le n° 1er présente des traits assez confus dans lesquels on croit distinguer d'un côté une tête très-grossière, de l'autre un lion avec une queue éuorme.

La barque à six rames que l'on voit sur le n° 2 pourrait indiquer le peuple auquel cette pièce appartenait. Son revers est orné de divers signes qui avaient sans doute un sens, mais qu'il me paraît bien difficile de retrouver aujourd'hui.

M. A. de Longperier (2) voit dans le droit du n° 3 une imitation des pièces Macédoniennes de Thessalonique et d'Amphipolis, où deux chèvres dressées sur leurs pattes se battent entre elles; le revers qui représente deux sangliers dans la même position serait lui-même une imitation de la face. On sait d'ailleurs que le sanglier était un des symboles favoris des Gaulois.

Les cinq autres médailles sont en bronze.

Le style du n° 4 annonce un art extrêmement peu avancé. Une tête grossière couverte d'un casque dont la crinière est formée de deux rangées de perles; au revers un cheval dont les jambes démesurées sont surmontées d'un corps très-mince.

Pour le no 5 même sujet, mais l'exécution est bien meilleure.

(1) Annales archéologiques, vol. vt, p. 113.

(2) Revue numismatique, EX, p. 163.

Dans le no 6 qui est remarquablement concave et convexe, la tête annonce déjà un artiste; elle est en relief, en quelque sorte comme sur un camée. Le cheval échappé qui est à son revers a le dos surmonté d'une aile qui paraît se rattacher à la hanche. Le numéro précédent porte le même ornement.

La tête du no 7 est beaucoup moins bien rendue, la bouche et le menton (qui porte un barbe touffue) sont remplacés par un vide triangulaire. Le cheval du revers au contraire est meilleur qu'aux autres pièces; l'aile a été remplacée par une espèce d'étendard qui s'attache à une sangle pressant ses flancs. Son cou et son poitrail semblent couverts d'uue armure; sous ses pieds se trouvent les lettres V CRI.

Le droit du n° 8 porte une tête assez bien rendue; autour XTIL. Au revers au lieu du cheval un animal ailé qui me paraît être la chimère des anciens; sous ses pieds un homme renversé. Au-dessus de ses ailes les deux lettres L X.

Ne pourrait-on pas voir dans plusieurs de ces têtes (1) et dans ces chevaux ailés la représentation de Minerve et de Pégase?

Les numismatistes ont rencontré souvent des Minerves sur les monnaies gauloises, et cela s'explique par la facilité avec laquelle certains peuples de la Gaule abandonnèrent leur ancienne religion pour adopter la mythologie des Grecs et des Romains.

Avec les huit pièces gauloises dont je viens de parler se trouvait une pièce de Nimes; elle porte à son droit deux têtes laurées avec les mots IMP et DIVIF. A son revers un crocodile près d'un palmier et au-dessus COL

(1) Elles portent toutes le casque. Mais je dois l'avouer, les traits de la figure sont plutôt ceux d'un homme que ceux d'une femme.

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