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M. Théodore Lorin, dont la modestie égale l'érudition, veut bien ajouter à sa gracieuse lettre d'envoi : « Si, comme on me l'a dit, la Société est dans l'intention de rédiger un vocabulaire des mots particuliers au patois picard, je pourrais donner quelques renseignements à celui de ses membres qui serait chargé de ce soin. ›

Un membre offre l'effigie en cire de Lieu-Restauré, ancienne abbaye de Prémontré, à quelque distance de VillersCotterêts, et dépendant de la commune de Vez.

COMMUNICATIONS.

M. l'abbé Lecomte présente : 1o au nom de M. de Labretesche, une épée en bronze trouvée à Paars en creusant un fossé; cet objet gisait dans la grève, à côté d'un squelette humain et d'ossements de cheval.

Cette découverte a eu lieu près d'une villa romaine. 2o Une poterie noire, trouvée près d'une espèce de tumulus, désignée sous le nom d'ancien cimetière.

M. de Laprairie ne croit pas que ces vases ou poteries noires, qu'on rencontre assez ordinairement dans les fouilles de cimetières, soient antérieures au 14e siècle.

Quant à l'épée, qui est assez longue, à deux tranchants et renflée vers le milieu, la Société trouve qu'elle est d'un travail trop fiui pour qu'on puisse l'attribuer aux Gaulois.

M. Destrez ne croit pas que cette perfection du travail, dans les œuvres d'art, soit un motif suffisant de lui attribuer une autre origine. Il trouve qu'en fait de civilisation et d'industrie, les Gaulois étaient bien plus avancés que nous le pensons. Il suffit de lire les commentaires de César pour savoir que ce peuple, qu'on dépeint comme primitif et très-arriéré, connaissait, non-sculement la manière de combattre, et par conséquent les différentes espèces d'armes, mais encore les combinaisons des con

leurs et l'emploi des métaux, puisqu'il portait des habits. brochés d'or, des étoffes teintes de diverses couleurs.

M. Betbeder ajoute que les Romains ne se servaient pas du bronze, mais du cuivre. Il est donc porté à croire que cette épée est d'origine gallo-romaine.

M. Parisot, curé de Saint-Vaast, admet volontiers que, quand les Romains ont envahi nos contrées, ils ont dû rencontrer sur leur route non-seulement une puissante confédération de peuples disposés à défendre couragensement leurs territoires, mais des nations dont le commerce et le génie industriel, surtout guerrier, avaient dů se développer, Il ne serait donc pas étonnant que cette distinction qu'on cherche à établir entre les Gaulois et les Romains, soit moins considérable qu'on ne le croit généralement.

M. Lecomte annonce que la commune de Vasseny, canton de Braisne, vient de voter 3,000 francs pour la consolidation de son intéressant clocher. Ce vote honore la commune de Vasseny, et semble promettre à la commission de surveillance, pour les monuments historiques, que ses études et ses démarches ne seront pas sans résultat. Espérons que le gouvernement lui viendra en aide pour assurer la conservation d'un édifice qu'il a classé lui-même au nombre des objets d'art.

M. Lecomte informe la Société qu'on vient de découvrir quelques tombes en pierres dans le cimetière de Merval. Bruyères a aussi un cimetière, connu sous le nom de cimetière des Aveugles, où l'on a trouvé quelques monnaies des empereurs.

M. Lecomte donne ensuite lecture d'un travail complet sur l'église d'Andelain, canton de La Fère.

Eglise d'Andelain (près La Fère.)

Messieurs, sur des renseignements qui m'étaient par

venus, j'avais signalé à votre zèle, il y a peu de mois, les vitraux de l'église d'Andelain. L'effrayante activité que déploie le vandalisme, dans la destruction des choses d'art, m'avait fait penser qu'il serait urgent d'aller reconnaître l'état de ces verrières, de m'assurer de leur importance, et de prendre les moyens nécessaires pour les sauver de leur ruine. Je suis heureux de pouvoir rendre compte aujourd'hui, à la Société, d'une excursion que j'ai eu récemment occasion d'y faire moi-même.

L'aspect du petit village d'Andelain, dont la population n'excède pas deux cents habitants, m'a paru d'abord rassurant pour la conservation de nos vitraux; c'est l'aspect d'un pays riche. Outre plusieurs fermes, une fabrique d'alun et de couperose y entretient un air d'abondance et de prospérité. Chemins parfaitement entretenus, babitations saines et presqu'élégantes, tout paraît en éloigner l'idée de misère et d'indigence. Heureux augure pour l'avenir de notre église, quand le zèle de sa conservation et de son embellissement sera venu à l'esprit et au cœur des habitants!

Le premier objet qui frappa mes regards, en entrant dans ce village, fut un calvaire en pierre dure, élevé sur la place, et portant la date de 1585. Je serais cruel de ne pas vous en dire un mot. Il se compose d'un fût de colonne très élancé, reposant sur un large piédestal carré; le fût se trouve interrompu, à un mètre du socle, par un renflement où se trouve entaillé l'image de la sainte Vierge assise, tenant dans ses bras l'enfant Jésus. Deux cherubins ailés, agenouillés à ses côtés, recommandent à la protection de Marie la famille dont ils tiennent le blason sous les pieds. La colonne est aujourd'hui terminée par une manière de chapiteau, composée d'oves simples et surmontée d'une croix en fer. Ces deux parties sont modernes et remplacent la continuation du fùt formant une croix arrondie, et portant d'un côté le

Christ, et de l'autre la Vierge qui tient entre ses bras son divin fils. Un ornement à jour décore les angles de la croix. On peut voir cette partie du calvaire à l'église, dans la chapelle Saint-Nicolas. Elle est posée à terre et adossée à une muraille. Je crois qu'il serait possible de la replacer où elle était.

L'église d'An lelain, toute entière du style flamboyant, n'est remarquable à l'extérieur ni par un élégant clo. cher, car le campanille en ardoise qui s'efforce à l'extrémité de la nef de sortir du toit n'est rien moins que gracieux, ni recommandable par l'antiquité de la nef dont les murs n'offrent aucun caractère digne d'attention, ni même originale ou curieuse dans aucune de ses parties extérieures. Un sanctuaire pentagone, à fenêtres partagées de meneaux prismatiques et deux chapelles servant de transept, ornées toutes deux de fenêtres flan.boyantes, larges, à l'ogive un peu écrasée, forment toute la richesse architecturale de l'église d'Andelain à l'extérieur.

Quant à l'intérieur, l'église ne ressemble pas mal à un intérieur de cave, tant est grande l'humidité du sol, la fraîcheur qui vous saisit en entrant, et la couleur verdâtre qui couvre ses murailles. Mais au milieu de ces éléments de destruction, que de richesses accumulées viennent frapper les regards d'un observateur attentif! On s'aperçoit tout d'abord que sous les multiples couches du badigeon, toutes les murailles, depuis le sanctuaire jusqu'aux extrémités des chapelles et de la nef, étaient littéralement enluminées et peintes de personnages, de sujets bibliques et de légendes de saints. Il est encore facile de reconnaître, à travers les déchirures du badigeon, un saint Denis à l'entrée du sanctuaire; ailleurs un saint Nicolas, et plus loin quelques saints couronnés. Bien que ces peintures ne semblent pas mieux disposées que la légende de saint Autoine, à Coucy-la

Ville, il ne faut pas douter cependant, si l'on en juge par ce qui reste dans l'église en sculpture et en peinture, que cette décoration peinte n'ait été confiée à quelqu'artiste habile, car à ces peintures voilées, nous n'avons pas seulement à joindre les vitraux qui ornaient toutes les fenêtres, et dont la seule verrière qui existe fait tant regretter celles qui sont brisées; mais nous devons peupler, par la pensée, cette église de ces nombreuses statues de saints dont la plus grande partie a déjà disparu. Il faut se figurer un sanctuaire, un chœur, deux vastes chapelles, et jusqu'à la sacristie presqu'entièrement converte de pavés émaillés, mais dout malheureusement l'émail a considérablement souffert de l'humidité. II faut y suspendre un admirab e calvaire en bois, creuser des piscines à pinacles merveilleusement ouvragées, dresser un maître-autel du plus beau style moderne, et enfin couvrir tout l'édifice d'une voûte ogivale en bois disposée en berceau, et dont l'effet est si gracieux qu'on oublie presque l'humidité des murailles. Certes, je voudrais bien que les ennemis de ces sortes de voûtes si élégantes allassent un peu étudier celles d'Andelain. Je répondrais d'avance de leur conversion. Aussi, je ne m'étonne nullement de la prédilection marquée de nos pères pour ces genres de planchers lorsque, parfois, ils ne pouvaient faire de voûtes en pierres.

Tant d'objets d'étude m'ont déterminé à prendre note de ce qui pouvait nous être utile pour l'appréciation et la conservation des monuments.

Je ne reviens pas sur les peintures à fresque. Tant qu'on n'aura que les ressources locales pour détacher les couches de chaux qui les couvrent, on devra se résigner à ne les voir qu'à travers leur linceuil; mais on ne peut assez regretter le mauvais goût qui nous a privés de tant de chefs-d'œuvre. Si les peintures de Coucy-la

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