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à blanc, resserreront ces voûtes disjointes; un peu d'argent fermera les fenêtres et le reste.

Mais que feront Mézy-Moulins, que fera l'Etat; c'est de cette question, il me semble, qu'il serait bon de nous inquiéter. Il serait surtout important que M. l'architecte du département, qui a dû envoyer des plans, devis, vues, notice de ce monument au ministère de l'intérieur, voulût bien presser cette restauration auprès du conseil municipal et des ministres qui accorderaient sans doute quelques secours.

Vraiment, quand nos pères nous ont laissé de si beaux monuments de leur piété, il y a de la honte à leurs enfants de les laisser périr.

La parole est à M. Decamp pour quelques communications qu'il désire faire à la Société.

MESSIEURS,

Quelques affaires m'ayant dernièrement appelé dans le nord du département de l'Aisne, je n'ai pas voulu perdre l'occasion qui s'offrait si naturellement d'y faire quelques explorations dans le sens de nos chères études archéologiques. J'avais d'abord eu l'intention de rédiger une statistique monumentale du canton d'Aubenton où je me rendais, mais des circonstances indépendantes de ma volonté m'ayant mis dans l'impossibilité de compléter ce travail, au moins pour le moment, je vous demande la permission de vous soumettre quelques courtes observations glanées çà et là à la hâte, et pour lesquelles je réclame, par conséquent, toute votre indulgence.

Vous connaissez déjà, Messieurs, le nom de M. Bretagne par une notice intéressante qu'il a bien voulu adresser à la Société sur un denier du roi Robert, frappé à Soissons dans le 11° siècle. Vous aviez, avec raison,

désiré le dessin de cette monnaie, afin de le joindre au mémoire de M. Bretagne, et notre savant numismate, que j'ai eu l'occasion de voir à Laon, s'est empressé de me le remettre. Il m'a donné en outre l'empreinte d'un sceau de l'ancienne abbaye de Lieu-Restauré qu'il possède dans sa collection. Ce sceau en cuivre, d'un diamètre de trois centimètres, représente au centre une crosse d'abbé soutenue par un bras, revêtu d'habits pontificaux; à droite de cette crosse est une fleur de lis de la forme de celles des 13 et 14° siècles, et à gauche une rose composée de cinq feuilles. A l'entour, on lit l'inscription suivante :

† S. ABBIS. LOCI. RESTAVR. AD. CAS.

Ce sceau devra figurer un jour dans la collection des sceaux historiques de notre pays, que la société publiera certainement quand elle pourra le faire d'une manière complète.

De Laon, je me suis rendu aux fermes de Clermont, canton de Rozoy, où vous savez qu'une magnifique trouvaille de près de onze cents médailles romaines a été faite l'été dernier. J'ai été assez heureux pour en re trouver une cinquantaine toutes en argent, et d'une conservation parfaite. Elles appartiennent à différents empereurs et impératrices depuis l'année 140 jusqu'à 265 de Jésus Christ. Comme aucune de ces médailles ne m'a présenté de type nouveau, j'ai cru que leur description serait inutile dans la publication de notre Bulletin; je l'ai faite cependant pour la déposer manuscrite aux archives de la Société. Toutes ces médailles, dont les revers d'ailleurs sont extrêmement variés, se répartissent de la manière suivante: Un Antonin-le-Pieux, quatre Sévère, deux Jeta, deux Alexandre Sévère, un Julia Mammoa, mère d'Alexandre Sévère, trois Gordien III, trois Philippe-l'Ancien, un Philippe-le-Jeune, un Heren

nius, un Gallus, un Volusien, quatre Valérien le père, douze Galien, quatre Salonina, femme de Galien, trois Valérien-le-Jeune.

J'ai également rapporté de ce pays quelques autres médailles qui ne manquent pas non plus d'intérêt. Une pièce d'or de trois grammes et demi; d'un côté une figure d'évêque, revêtu d'habits pontificaux, crossé et mitré. On y lit l'inscription suivante :

SANCT. BERTIN. EPIS.

Au revers, les armes de l'évêque avec la légende :
MON. RODLP. EPIS. TRAIET.

(Monnaie de Rodolphe, évêque d'Utrech).

Cette pièce a été trouvée, par un laboureur, dans les environs de Montcornet. Une monnaie celtibérienne en bronze, d'un assez grand module, représentant d'un côté un cheval ailé, effacé, avec une légende en caractères illisibles, et de l'autre avec une figure casquée, anguleuse. Plusieurs pièces des rois Charles VIII, Charles IX, François Ier, etc., et quelques autres jetons du chapitre de Cambrai. Mais tout cela devra faire le sujet d'une note postérieure.

Les bons résultats de cette journée n'étaient, pour ainsi dire, Messieurs, que le prélude de découvertes non moins importantes.

Le lendemain j'étais à La Hérie, petite commune du canton d'Hirson, et là encore quelle moisson il y aurait à faire! Au nord de ce village, on franchit une colline assez élevée d'où l'œil s'étend au loin sur le pays d'alentour, et jusque par delà les frontières de la Belgique. Le plateau, qui couronne le monticule d'une étendue de plusieurs centaines de mètres, est jonché de débris de constructions romaines. Il porte, dans le pays, le nom

de Terva, ville de Terva, chemin de Terva. Une chaussée romaine, facile à reconnaître y aboutit, et se dirige vers la Belgique. Dans les longues guerres que les Romains eurent à soutenir contre les Belges, si valeureux au dire de César, Terva par sa position élevée a dû être un poste d'une haute importance, et c'est du reste ce que semblent indiquer les nombreux vestiges d'antiquités dont le sol est couvert. On y voit une énorme quantité de fragments de pierres, de tuiles, de poteries, de cubes de mosaïques, et chaque jour la charrue y met à découvert des parties de constructions souterraines, au milieu desquelles apparaissent des armures rouillées et un grand nombre de médailles enterrées là depuis près de vingt siècles. Sans répéter sur Terva ce qu'en a dit l'année dernière un observateur zélé, M. Piette, dans la première partie de la Thiérache, je veux appeler votre attention sur quelques objets que j'en ai rapportés moi-même. C'est d'abord une monnaie gauloise en bronze d'une assez belle conservation; mais, comme toutes les pièces de ces temps reculés, elle est couverte de signes barbares et difficiles à expliquer. Je n'entreprendrai donc pas cette besogne au-dessus de mes forces. En fait de médailles romaines, j'ai trouvé quelques consulaires qui auront besoin d'être déterminées d'une manière exacte, puis un Antonin-le-Pieux et un Caracalla en argent. Les médailles romaines sont du reste extrêmement nombreuses à Terva.

Les poteries ressemblent à celles qu'on rencontre partout où il y avait des établissements romains. Elles sont grises, noires, rougeâtres; mais on aime surtout à y retrouver cette belle poterie rouge, si fine et si brillante que nous connaissons tous. J'en ai recueilli un fragment sur lequel, comme sur un tableau d'histoire naturelle, on a représenté les animaux de la Création; on y distingue encore un lion, un cheval, un cerf, un écureuil, etc.

Sur un autre débris, on lit deux fois répété et imprimé en creux le mot grec apo (par). Ce mot devait être suivi du nom de l'ouvrier qui avait confectionné ce vase, ou la substance qu'il contenait.

Quant aux mosaïques elles devaient être très considérables, à en juger par la grande quantité de petits cubes qu'on y rencontre. Je ne sais si le cuivre était quelquefois employé dans la construction des mosaïques, mais au milieu des cubes de pierre j'en ai trouvé un de ce métal.

J'ai aussi vu à Terva le fond d'une citerne dont le sol et les parois étaient composés de larges tuiles entées les unes dans les autres, et noyées dans un ciment d'une dureté impénétrable.

J'ai encore visité une autre localité où se trouvent de nombreux restes de l'occupation romaine, constructions, vases, médailles, etc.; c'est sur le terroir d'Any, canton d'Aubenton. Mais cette commune, déjà si remarquable par sa vieille église du 11° siècle et par les ruines de ses anciens châteaux, méritera quelque jour un chapitre à part.

Ici se bornent, Messieurs, les communications que j'avais à vous faire aujourd'hui; permettez-moi d'y ajouter quelques courtes réflexions, qui ne seront peutêtre pas sans à-propos.

Vous venez de voir ce que peut produire la moindre excursion dans un pays comme le nôtre. Que de richesses s'offrent partout aux recherches de l'archéologue! Quelle satisfaction pour sou avidité! Mais, aussi, disons-le, quels serrements de cœur il éprouve bien souvent en voyant tant de trésors inappréciables disséminés, perdus, brisés, anéantis par des mains ignorantes et barbares. Eh quoi! encore de semblables profanations quand, de toutes parts, l'amour de l'antiquité fait tant de prosélytes et rend, pour ainsi dire, la vie à tant de ruines. Au moins,

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