LA RANÇON D'OLIVIER DE COËTIVY SEIGNEUR DE TAILLEBOURG ET SÉNÉCHAL DE GUYENNE 1451-1477. Les pièces qui suivent, classées sous les n° I-XVII et d'après leur ordre chronologique, ont été découvertes, isolément et à d'assez longs intervalles, dans le chartrier du duc de La Trémoille et en partie par lui-même. Si elles ne forment pas un dossier complet, on y trouve des détails plus nombreux qu'il n'en a peut-être encore été réuni sur un fait aussi fréquent, au xve siècle, que digne d'intérêt, la rançon d'un prisonnier de guerre 1. Celui auquel se rapportent nos documents a été le plus grand et riche personnage de la Saintonge, l'un des plus dévoués conseillers et capitaines de Charles VII. En lui faisant épouser la seconde des filles qu'il avait eues de la belle Agnès (25 novembre 1458), le roi lui donna notamment les deux seigneuries de Royan et de Mornac. A la première conquête de la Guyenne (juin 1451), il l'avait nommé grand sénéchal de cette province. Olivier de Coëtivy tomba au pouvoir des Anglais le 23 octobre 1. Quoique nous ayons imprimé les pièces n° VI et IX, il a paru indispensable de les comprendre dans le dossier, d'autant plus qu'elles sont courtes. Toutes les autres sont inédites. 2. Bibliothèque de l'Ecole des chartes, 3a série, vol. I, p. 481, 482. de l'année suivante, lorsque, regrettant les avantages commerciaux et communaux dont il jouissait sous les descendants d'Aliénor d'Aquitaine, et n'étant pas contenu par une garnison suffisante, Bordeaux ouvrit ses portes au célèbre Talbot1. Envoyé en Angleterre, Coëtivy y resta prisonnier plus de deux ans. Talbot l'avait enlevé à l'écuyer auquel le sénéchal s'était rendu, par suite de la trahison d'un marchand et bourgeois, de la maison de campagne duquel il espérait gagner la Saintonge en traversant la Gironde. Après la mort du vieux général anglais, à la bataille de Castillon (17 octobre 1453), que suivit de près la deuxième et définitive réduction de la Guyenne, les démarches du seigneur de Taillebourg rencontrèrent moins d'obstacles et d'exigences de la part du nouveau comte de Shrewsbury. Par traité en date du 15 mai 1454, no I, la rançon fut fixée à 6,000 nobles d'or (12,000 écus), une douzaine de pièces d'argenterie, du poids de 100 marcs, plus un coursier bon et souffisant. Il était aussi stipulé qu'un sauf-conduit pour deux navires, de trois cents tonneaux chacun, chargés pour le compte de Talbot, lui serait délivré par le roi de France; le tout, probablement, sans préjudice des frais de détention et d'entretien du prisonnier. Coëtivy ayant donné les cautions exigées comme garantie du paiement de sa finance, nos II et IV, put enfin quitter l'Angleterre. Dès son retour, au commencement de janvier 1455, nouveau style, il fut rétabli dans les fonctions de sénéchal de Guyenne, dont Charles VII avait doublé les gages, no V. Sous les nos VI, VIII, IX, X et XI, sont imprimées les pièces qui relatent des paiements faits à Jean Talbot, deuxième du nom, ainsi que deux lettres-missives par lesquelles il se plaint de leur retard. On voit au post-scriptum de la dernière qu'il écrivait le français d'une façon peu intelligible. Ces deux lettres, datées seulement du 22 juillet, et que nous croyons de l'année 1458, étant les dernières où il soit parlé de la rançon due au comte de Shrewsbury, nous allons constater à quel point en était alors l'accomplissement des conditions portées au traité du 15 mai 1454. Les sauf-conduits du roi de France pour deux navires avaient été délivrés en août 1455 et avril 1456, nos VI et VIII. 1. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, vol. III, p. 227-229. Sur les 6,000 nobles d'Angleterre valant 12,000 écus d'or de France (seule monnaie dont nous parlerons dorénavant, pour éviter toute confusion), 1,800 écus avaient été acquittés avant la mise en liberté de Coëtivy, au moyen de la délivrance de l'obligation originale contractée par Jean Ormond, frère du comte de Wiltshire, envers l'illustre bâtard d'Orléans, comte de Dunois. Le reste de la somme devait être versé comme il suit, ou à peu près: 2,200 écus le 1er septembre 1455; 4,000 écus le 1er mai 1456, et 4,000 écus le 1er janvier 1457; total: 10,200 écus. La quittance du 12 juillet 1455, no IX, constate le paiement de 1,200 écus. Le règlement de compte fait au commencement de 1458, n° X, dut aboutir à une autre quittance d'environ 4,300 écus. Or, comme le 22 juillet suivant, no XI, Talbot ne réclamait que 1,200 écus, il avait dû recevoir, de la fin de 1456 à celle de 1457, 3,500 écus, de l'acquit desquels les anciennes archives de Taillebourg n'ont pas conservé de traces. Aucun écrit ne relate le paiement de ces 1,200 écus, de la douzaine de vaisselle, du coursier, ni des frais de captivité, dont le remboursement eut sans doute lieu avant que Coëtivy quittât l'Angleterre. L'article second d'un Inventoire des lettres de messire Olivier de Coettivy... touchant le fait de monseigneur de Candalle, dont il est parlé plus bas, montre comment eut lieu cette libération, dans la huitaine qui précéda le mariage de la fille naturelle de Charles VII avec le seigneur de Taillebourg. << Par autres lettres du Roy, signées de sa main et aussi << signées J. de la Loëre, de date du vje jour de novembre l'an << mil CCCCLVIII, auxquelles est attachée la vérification de messrs << les Trésoriers de France, de date du xiiije jour de novembre << ledit an, qui consentent l'entérinement d'icelles..., appert que << le Roy donna audit messire Olivier la somme de xvjm escus, « pour lui aider à payer sa finance, et м escus pour soy acquiter << de certaines choses en quoy il étoit tenu audit mess Olivier; << et manda à messrs les Trésoriers le faire païer desdits xvijTM « escus. » Revenant à l'énumération de nos pièces, nous dirons que les nos III et XIII concernent les engagements de Coëtivy et de son frère envers les princes et seigneurs qui l'avaient cautionné, ainsi que le règlement de compte avec l'un de ces derniers. Au no XIV est reproduit l'acte par lequel l'écuyer Brutailhs, qui avait fait le sénéchal prisonnier à la campagne d'Arnaud Bec, renonce à toute revendication au sujet de la belle proie dont l'avait dépouillé le vieux Talbot. Cette renonciation, plus profitable encore à l'honneur qu'à la bourse du seigneur de Taillebourg, résultait d'une décision prise spontanément par Charles VII. Parmi les prisonniers faits à la bataille de Castillon, ou plutôt dans la ville, s'était trouvé Jean de Foix, comte de Candalle et chevalier de la Jarretière. Le roi l'envoya de suite au château de Taillebourg, afin que sa rançon contribuât à acquitter celle de Coëtivy. Neuf mois après son retour, celui-ci fit avec le comte de Candalle un traité que Charles VII confirma le 6 novembre 1455, n° VII, autorisant en outre le sénéchal de Guyenne à délivrer au prisonnier et à ses gens des sauf-conduits pour qu'ils aillent rechercher les garanties nécessaires au paiement de la finance. Le jour de sa mise en liberté (30 janvier 1460, nouveau style), après s'être reconnu débiteur de 23,850 écus, Jean de Foix s'oblige, n° XII, à faire délivrer à Coëtivy un abandon formel et complet des prétentions de l'écuyer Brutailhs, qu'il qualifie son serviteur. La quittance originale de celui-ci, no XIV, porte la date du 6 octobre suivant. Sur cette dernière somme, il était encore dû au seigneur de Taillebourg 18,000 écus lors de la mort de Charles VII (22 juillet 1461). Animé d'une haine profonde contre tous ceux qui avaient fidèlement servi son père, Louis XI ne se contenta pas de destituer le sénéchal de Guyenne, de lui enlever sa compagnie de cinquante lances et de le dépouiller des seigneuries données en dot à sa femme, Marie de Valois. Les bons Français étant devenus odieux, le comte de Candalle ne pouvait manquer d'être en faveur. On le vit bien dès le 16 novembre 1461 et au même mois de 1463, nos XV et XVI, lorsque Louis XI contraignit le seigneur de Taillebourg à se dessaisir de toutes les garanties relatives à la dette de Jean de Foix. Pendant plus de quinze ans, le roi ne répondit que par de vaines promesses à d'incessantes réclamations; puis la longanimité et aussi les services de son beau-frère le ramenèrent à de meilleurs sentiments. Par lettres-patentes du 27 février 1478, nouveau style, no XVII, après avoir exprimé son regret que des charges lourdes et continues ne lui aient pas permis de payer les susdits 18,000 écus, Louis XI engage, jusqu'au remboursement de cette somme, |