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HISTORIQUES INÉDITS

TIRES

DES COLLECTIONS MANUSCRITES

DE LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE

ET DES ARCHIVES OU DES BIBLIOTHÈQUES DES DÉPARTEMENTS.

PREMIÈRE PARTIE.

RAPPORTS, NOTICES ET INVENTAIRES

ADRESSÉS AU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE PAR MM. LES CORRESPONDANTS DU COMITÉ DES MONUMENTS ÉCRITS, JUSQU'A LA FIN DE L'ANNÉE 1842.

DÉPARTEMENT DE L'AISNE.

RAPPORT DE M. ERNEST DE CHAUVENET,
A M. LE PRÉFET DE L'AISNE,

SUR LES ARCHIVES DE LA VILLE DE SAINT-QUENTIN.

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Monsieur le Préfet, vous me faites l'honneur de me demander un rapport exact et détaillé sur la situation des archives de la ville de Saint-Quentin et sur les documents qu'elles contiennent.

Je m'empresse de déférer autant que possible à votre désir, en vous transmettant les renseignements que j'ai recueillis jusqu'à ce moment :

T. II.

Ire PARTIE.

a

mais ces renseignements ne seront pas aussi complets que vous paraissez le souhaiter. Le peu de temps en effet qu'il m'a été loisible de donner au classement des archives, a été presque entièrement employé par un travail pour ainsi dire mécanique.

Il m'a fallu rassembler des feuilles de parchemin cousues autrefois à la suite les unes des autres, et qui se trouvaient maintenant disjointes et éparses çà et là; puis comparer les écritures, les chiffres, et quelquefois leurs totaux, pour parvenir au rétablissement de certaines portions des comptes rendus par les argentiers, les commis aux tailles, aux aides, aux prisées et inventaires, depuis 1260 jusque vers 1400, de sorte que tous les documents anciens ne me sont pas connus.

Sous le mérite de ces observations, je vais répondre aux deux questions que vous avez bien voulu m'adresser.

Situation. Ce que je viens de dire vous fait déjà pressentir, Monsieur le Préfet, que les archives ne sont pas dans un état satisfaisant de

conservation.

Il me paraît même à peu près établi que l'ordre et la méthode n'ont jamais présidé aux dépôts des chartes, titres et autres documents de l'ancien hôtel de ville, et qu'on s'est contenté de copier sur un cartulaire les pièces qui paraissaient les plus importantes; ainsi on ne voit pas que dans les temps antérieurs au XVIIe siècle, on ait mis sur le dos des pièces ni cote ni indication sommaire de ce qu'elles contiennent. J'en excepte les comptes. Quant à ceux-ci, une circonstance qui se représente d'une manière constante et uniforme sur les feuilles, vient, selon moi, révéler la méthode employée alors pour leur rangement.

C'est qu'en effet on remarque sur toutes les feuilles un trou dont les bords sont rongés et agrandis par la rouille. J'en tire la conséquence qu'après avoir été pliées et roulées, ces sortes de pièces étaient accrochées successivement à un morceau de fer, tel qu'une branche ou un clou, et que c'était à cette place qu'elles devaient désormais rester fixées.

C'est encore de nos jours le moyen employé par les pharmaciens pour conserver sur leurs comptoirs, les ordonnances de la semaine ou du mois.

Rien donc ne vient indiquer un classement méthodique.

C'est seulement vers 1750 que l'on voit un ancien mayeur, Quentin

Rohart, s'occuper de mettre en ordre les documents que renfermaient les archives. A cet effet il copia le cartulaire, ajouta à ce recueil quelques pièces, et fit à sa copie une table alphabétique.

Cette table, que j'appellerai le premier inventaire, peut servir à faire reconnaître la présence actuelle des pièces qui y sont portées; mais elle ne peut être d'aucune utilité pour la recherche de tous les documents déposés aux archives, car Rohart a négligé complétement les pièces historiques.

Sa copie est faite, en outre, sans égard à l'ordre chronologique, si bien qu'à côté d'un arrêt du grand conseil de 1663, on trouve inséré le titre d'une fondation de béguinage de 1334.

Robart a fait un deuxième inventaire de tous les titres, chartes, etc., renfermés dans la tour de l'hôtel de ville, mais cet inventaire ne comprend que les titres survenus dans l'intervalle de 1559 à 1744.

Il existe encore un registre en deux volumes, fait en 1778 par Nicolas de Grandmaison, archiviste de la ville. Il est intitulé: « Inventaire de « tous les titres et papiers concernant le domaine et généralement tous <«<les droits utiles et honorifiques de la ville. »

Grandmaison examina chaque pièce, porta au dos en quelques mots le contenu et la date, puis, ayant adopté un certain classement de matières, rangea les documents qu'il avait sous la main par armoire, liasse et numéro, et inscrivit ces indications sur chacune de ces pièces.

Malheureusement il s'est borné à faire des généralités, des catégories, au lieu de rédiger un état détaillé et succinct de chaque document. Son travail sous ce rapport n'est donc que superficiel. Grandmaison eut de plus le tort de réunir dans les mêmes armoires et liasses, des pièces de nature entièrement distinctes.

Pour faire comprendre et prouver en même temps ce que j'avance, je cite textuellement une des divisions de son inventaire :

ARMOIRE 27.

« Cette armoire contient 237 numéros, sans y comprendre les joints, « et sont des lettres de rois, princes, gouverneurs et autres adressées <«< aux officiers municipaux pour déclaration de guerre, construction « de greniers, délivrance de roi prisonnier, logement de guerre, procès

a.

<«< contre militaire et bourgeois faute de paiement d'impôt, et généra<«<lement tout ce qui peut avoir rapport aux troupes et à la guerre. >> Cette espèce d'inventaire n'a d'ailleurs été fait que dans l'intérêt du domaine de la ville et point du tout sous le rapport historique. Je cite encore:

ARMOIRE 35, no 3.

<<< Cette liasse contient des lettres des rois, des princes, gouver<«<neurs et autres personnes de considération, utiles à conserver plus « pour l'histoire que pour les droits de la ville, raison qui m'a déter«< miné à ne point les coter, »>

Par suite de son système, Grandmaison a mis sur plusieurs liasses, telles, par exemple, que celles renfermant les quittances des argentiers et autres du xiv et du xv° siècle, « pièces inutiles à conserver. » Enfin, en 1833, M. Gronnier désirant connaître et inventorier les titres des hospices et de l'aumône commune, s'est trouvé naturellement conduit à faire en même temps un inventaire des titres et documents pouvant intéresser l'hôtel de ville de Saint-Quentin.

Ce travail, il faut le dire, est très-utile pour les établissements de bienfaisance, mais il est d'une utilité bien moindre dans la partie qui concerne l'hôtel de ville proprement dit : car M. Gronnier, au lieu de continuer à inventorier chaque pièce et à la classer selon la nature de son contenu, s'est borné à prendre le numéro des liasses de Grandmaison qui existent encore, puis à les revêtir d'une chemise sur laquelle il a écrit, après un numéro d'ordre, l'analyse des pièces les plus remarquables. Ce numéro, cette analyse, forment son inventaire.

Ce travail n'a donc pas pénétré au cœur même du mal, il a laissé sans y toucher le classement défectueux de Grandmaison.

En excluant les liasses qui se rapportent aux registres tenus depuis 559 jusqu'à nos jours pour les délibérations de la chambre, pour les sentences, le travail de M. Gronnier embrasse go liasses environ. Il reste encore beaucoup d'autres pièces anciennes qui ne sont pas enliassées.

Ainsi il demeure bien constaté que, dans l'état actuel, il n'y a pas de possibilité de se livrer dans les archives à des recherches utiles.

Voici maintenant quel est l'état matériel des archives.

Si on en juge par un certain nombre de parchemins, les archives ont été placées autrefois dans un lieu humide; il en est résulté que quelques pièces sont tombées en lambeaux, que d'autres ont été coupées par les lepismes, et que d'autres enfin, dont le parchemin a été respecté, ont perdu l'écriture qu'elles portaient.

Dans les deux premiers cas, il n'y a plus guère de remède; dans le dernier au contraire on peut raviver l'écriture par les procédés connus.

C'est à l'aide de ce moyen que j'ai eu le bonheur d'obtenir le devis du comble de la croix et du clocher de l'église de Saint-Quentin; pièce sans date, il est vrai, mais dont l'écriture, comparée à celle que l'on voit sur d'autres parchemins, indique avec précision, selon moi, la confection de 1340 à 1360.

Ainsi ont été ravivés des actes de 1316 à 1368, contenant des exécutions testamentaires. Ces pièces cousues ensemble formaient la couverture d'un livre, et l'usage en avait fait en partie disparaître l'écriture.

Aujourd'hui les archives sont déposées dans plusieurs endroits de l'hôtel de ville. La partie des archives qui a été l'objet du travail de M. Gronnier est entassée, avec des plans, des livres, etc., dans une armoire trop étroite; le petit nombre de sceaux qui existent encore en ce moment doit en souffrir, et j'ai remarqué qu'on voyait, il y a cinq à six ans, le sceau secret apposé à Londres, le 27 juin 1360, par le roi Jean, sur une quittance de 400 deniers d'or, cette somme ayant été payée par la ville pour la délivrance du roi; maintenant, par suite de l'état de gêne que je viens de signaler, le sceau est brisé en une infinité de parcelles.

Heureusement le bien renaît du mal, et j'ai hâte de dire que cet état déplorable a été justement apprécié cette année par MM. les membres de la commission du budget de la ville. Sur leur proposition, le conseil municipal a voté un crédit de cinq cents francs pour la construction d'armoires destinées aux archives; il y a donc lieu d'espérer que sous peu de temps, grâce à cette mesure, et à l'impulsion pressante de l'administration départementale, il sera possible de s'occuper facilement du classement des archives.

Encore un mot sur les sceaux des chartes.

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