je les doy avoir au cueur et en mémoire. Et vous prie chèrement, mon oncle, que vueillez tousjours avoir moy et mon fait, tant à la seureté de ma personne que autrement, pour espiciallement recommandé, et me tenir lieu de bon père; car pour tel, s'il vous plaist, je vous tiens et reppute, et en vous ay la singulière espérance de la ressource de mon fait et de mon recours et reffuge à ma nécessité. Et, mon oncle, vous vous povez tenir certain que, tant que je vivray, je sois conclut de vous amer et faire plaisir et service comme vostre filz, et ainsi que j'eusse voulu faire pour feu monseigneur le roy mon père, dont Dieu ait l'âme ; et tousjours pourrez faire de moy et des biens que Dieu me donnera comme de vostre propre : ainsi que ces choses et autres touchans mes affaires et les matières pour lesquelles avez envoyé devers moy, j'ay dit plus à plain audit seigneur de Humbercourt pour le vous dire. Et pour le présent, mon oncle, ne vous escry plus largement, fors que je vous pri que souvant me faittes savoir de voz nouvelles, avecques, se chose vous plaist que je puisse, pour l'acomplir de très bon cueur, au plaisir du benoist Filz de Dieu, qui vous doint très bonne vie et longue et acomplissement de tout ce que désirez. Escript à Vannes, le xx jour de février. De la main du prince: Vostre nepveu, CHARLES; contresigné, Droin. Au dos: A mon très cher et très amé oncle, le duc de Bourgoigne. 126. RÉPONSE DU DUC DE NORMANDIE AUX ENVOYÉS DU COMTE DE CHAROLLAIS '. Remerciments et félicitations au comte de Charollais. la reprise du duché de Normandie. Plaintes contre le roi, au sujet de Faux prétextes de cette violence. - Mauvaise foi de toutes les négociations entamées depuis. - Prise de Rouen. - Le Dauphiné, puis le Roussillon tour-à-tour proposés au prince. Il demande le Berry avec le Poitou, ou bien la Champagne avec le Vermandois. - Son intention formelle de poursuivre le droit que lui assurent les traités. — Intérêt qu'ont les pairs de France à soutenir sa cause. FÉVRIER. J'ay receu les lettres que mon frère de Charrolois m'a escript, et ay esté très joyeux de sçavoir de ses bonnes nouvelles et de ce que à son 'D'après une copie moderne, DUPUY, t. 762. grant honneur et louange il est venu à chief de la guerre des Liégeois '; car de son bien et prospérité j'ay singulière joye et plaisir, et seroye aussi dolent de luy veoir ennuy ou desplaisir en ses affaires comme ez miens propres. Et de la bonne et amiable visitacion qu'il m'a fait faire par vous, du desplaisir qu'il a de ma nécessité, aussi du désir qu'il a de la pacificacion des matières et à ce que je demeure paisible en mon appanaige, semblablement de son bon vouloir et grant amour, lequel non seulement de présent je congnois, mais dès piéçà l'ay bien congneu et apperceu par effect, je le remercye très affectueusement et auray à jamais en mon cueur les grans honneurs, biens et plaisirs qu'il m'a faictz: dont je me répute perpétuelment tenu et obligé à luy, et le pry et requiers que au bien desdictes matières il se veulle employer, et tant faire que les traictez et appoinctemens faitz devant Paris entre le roy et les seigneurs, soient entretenus et gardez sans enfraindre, tant envers les seigneurs, touchant les choses qui leur ont esté appoinctées, que envers moy, touchant mondit appanaige. . Et quant à ce que mons. de Charrolois désire sçavoir la cause qui peult avoir meu le roy de ainsi venir contre moy, véritablement il n'y a quelconque cause raisonnable; car de ma part j'ay désiré et désire servir et obeyr le roy très humblement, et depuis lesditz traictez, luy ay tousjours offert très humblement service. Or n'ay fait ne vouldroye faire ne pourchasser chose qui luy doye desplaire, ne dont il puisse avoir occasion de me débouter par force et voye de fait de la seigneurie qui m'a esté baillée pour mon appanaige, par le consentement et advis des seigneurs du sang, approuvé et auctorisé par la court de Parlement, par la Chambre des comptes et partout ailleurs où il appartient, si solennellement qu'il est possible, et dont il m'a receu à foy et hommage; et par ce moyen a repris la duchié de Berry, laquelle je luy ay libéralment fait délivrer, ainsi que j'avoye promis: pourquoy il ne peut avoir cause ne fondement de me avoir ainsy violentement déboutté de mon appanaige. Et est bien dure et estrange chose de me Le traité avec les Liégeois est du 26 janvier 1466. Jacques Duclercq, liv. V, ch. 55. laisser du tout desnué, sans terre, seigneurie, revenue ne provision quelzconques. Et ne allègue le roy autre couleur fors qu'il a escript en divers lieux que lesditz seigneurs du sang s'estoient eslevez envers luy, et moy avecques eulx, et que pour esviter le dangier de sa personne, par crainte et force, il avoit esté contrainct de me baillier la duchié de Normandye et de passer et accorder auditz seigneurs pluseurs autres choses contre sa voulenté; lesquelles il dit qu'il ne doit et n'eust oncques entencion de tenir ne acomplir; mais dès lors avoit protesté au contraire, et depuis l'accord les avoit révocquez. Laquelle couleur ne peult estre raisonnable, veu que c'est traicté de paix, contre lequel crainte, doubte ne force ne peult alléguer. Et aussi, depuis tous lesditz traictez et après que tous les seigneurs furent départiz, le roy en démonstrant la continuacion de son consentement, bailla ses lettres de commission et ordonna ung commissaire de par luy pour aller avecques un autre que monseigneur de Charrolois y envoya, pour me mectre en possession de mon appanaige; et encores après envoya le seigneur de Treynel, à présent chancellier de France, jusques à Pontoise devers moy, pour me faire jurer de garder et entretenir lesditz traictez; ce que j'ay fait libéralement, et de ma part les ay entretenus et gardez sans enfraindre; mais ce nonobstant, sans quelque chose me notiffier ne quelque sommacion me faire ou faire faire, le roy, par voye de fait et puissance d'armes et à grant force d'artillerye, est venu me oster mon appanaige, et là où l'on a peu trouver de mes serviteurs, en a fait pluseurs mourir sans cause; et en toutes manières a tenu si très durs et estranges termes que, considérées les choses du temps passé, j'ay bien eu et ay évidente cause d'avoir grant crainte et doubte de ma per sonne. Et pour ce que le roy avoit fait dire qu'il estoit content que le duc de Bretaigne et monseigneur de Bourbon advisassent sur ceste matière, pour le désir que j'avoye et ay de me entretenir tousjours en la bonne grâce du roy et avoir mon droict par doulceur, je fus content de tenir et croire ce que ledit duc de Bretaigne, monseigneur de Calabre, monseigneur de Charrolois et monseigneur de Bourbon en diroient; mais oncques le roy ne voult que mondit seigneur de Calabre ne mondit seigneur de Charrolois s'en entremeissent: dont je fus très desplaisant. Et quant je ne peuz obtenir que les quatre seigneurs dessus nommez y besongnassent, voyant que le duc, ouquel j'ay bien parfaicte confiance, en devoit estre l'un, à la parfin, pour crainte et doubte de l'évident péril de ma personne, me condescendy que le duc et mondit seigneur de Bourbon s'en entremeissent; et combien que du costé du mondit cousin le duc de Bretaigne et mon frère de roy, et aussi par Bourbon eust esté ouvert de me bailler le païs de Daulphiné et fournir jusques à certaine somme de deniers par an, par manière de provision, en attendant qu'on eust plus à plain discuté de mon appanaige, plusieurs ouvertures ayant esté faictes pour disposer les matières à doulceur et à paix, ce néantmoins, le roy, quant il a veu que je m'y condescendoye, n'en a riens voulu tenir ne accepter. Quant je me condescendy à en croire mon cousin le duc de Bretaigne et mon frère de Bourbon, le roy parmy ce donna trefves et abstinences de guerre pour certains jours et me donna seureté pour aller de Rouen jusques à Honnefleur, où estoit le duc, pour retourner seurement audit lieu de Rouen, sans me vouloir bailler autre lieu seur pour mon retour, et promist expressément par ses lettres patentes que, durant lesdittes trefves et seurté, il n'entreprendroit quelque chose sur laditte ville de Rouen ne autres lieux du païs de Normendie: nonobstant laquelle promesse, dès le propre jour que je fus party de Rouen, qui n'estoit que le commencement desdittes trefves et seurté, le roy fist entrer les gens d'armes dedans et me osta laditte ville. Et à ceste cause me suis retraict ou pays du duc, car je n'avoye plus lieu où je peusse seurement retourner, se le duc ne m'eust recueilly et aydié à ce besoing. Depuis ces choses, le roy a envoyé devers le duc l'évesque d'Évreux et l'Admiral, par lesquelz il a fait offrir de me baillier par provision le conté de Roussillon et le me faire valloir soixante mille livres par an, pourveu que je ne me tendroye avecques le duc ne avecques mons. de Charrollois, mais iroye demourer audit Roussillon. Laquelle offre n'a pas samblé raisonnable, veu que le roy ne tient ledit conté que par forme de gagière, où encores il y a de bien grandes difficultez, et que c'est une chose en guerre et en débat contre le roy d'Arragon, contre la cité de Barselonne et les Cathelans et contre le roy dom Pedro de Portugal', qui est avecques eulx; et fauldroit pour la garder grant nombre de gens de guerre, lesquelz je ne pourroye soustenir. Et n'est pas mon cas de m'occuper au fait du Roussillon; mais de tout mon pouvoir veux et désire me emploier et occuper au service du roy et du royaulme, comme je suis tenu. Aussy c'est ung lieu hors des limites du royaulme, loing de tous mes parens et amis, et mesmement de ceulx en qui j'ay ma principale fiance. Et pour ce que les gens du roy demandoient que de ma part feussent faictes aucunes ouvertures, pour tousjours me mectre en mon devoir, ay fait ouvrir que, en attendant qu'on eust dedans certain temps préfix, discuté avecques ceulx qu'il appartient du droit de mon appanaige ou de la récompense d'icellui, je seroye content de prandre par provision la duchié de Berry et les contés de Poictou et de Xaintonge, ou, se ceste voie ne plaisoit à monseigneur, seroye content de prandre par provision, comme dict est, laditte duchié de Berry, le conté de Champaigne et bailliage de Vermandois, hors ce que tient mons. de Charrollois, à quoy je ne vouldroye en riens touchier. Et ce qui me mouvoit à ce, estoit principalement pour le désir que j'ay d'estre auprès du duc ou de mondit seigneur de Charrollois. Lesquelles ouvertures ne sont pas excessives; et quant le plaisir du roy sera de me offrir provision raisonnable et où je voye clèrement ma seurté, en attendant qu'on ait discuté de mon droict, tousjours je me mectray en mon devoir et me conduiray en toute sincérité et obéyssance envers le roy, et tellement qu'on congnoistra que j'ay désir de le servir et le royaulme, de tout mon pouvoir. Et touteffois n'est pas mon entencion de desroguer à mon droict ne en riens me départir des traictez de paix faitz devant Paris entre le roy et les seigneurs du sang, qui ont esté si solennellement approuvez par la court de Parlement et autrement, que mieulx ne pourroit estre 2. C'est-à-dire l'infant de Portugal que les Catalans, soulevés contre le roi d'Aragon, avaient choisi pour chef. Le parlement, ainsi que la chambre des comptes, avait protesté secrètement contre les traités. Voy. les Additions à Philippe de Commines par Lenglet du Fresnoy, t. II, p. 511 et 512. |