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«< maines engagés ; mais je ne le pousserai pas plus loin, et je l'adresserai <<< au Directoire tel qu'il est. Je me proposais d'en faire un autre sur les << titres primitifs qui peuvent assurer à la nation la perception ou le ra<< chat des droits féodaux. Ces recherches étaient commandées par dif<«<férentes lois et désirées par l'administration des domaines; mais <«< comme elles doivent porter sur des pièces qui, ayant le malheur << d'être anciennes et d'écriture gothique, sont annihilées par votre << lettre du 27 février, elles deviennent désormais inutiles et impos« sibles.

<< Vous conviendrez, je crois, citoyen ministre, que votre ordre << destructeur va priver la république de ressources pécuniaires bien << nécessaires dans les circonstances actuelles. Il est vrai que la suppres«<sion des archives, et même des bibliothèques nationales, peut l'en << dédommager par la vente des papiers, parchemins et livres, et par << celle des bâtiments qu'occupaient ces établissements gothiques; elle «< profitera encore des traitements de garde, et il ne lui coûtera, pour remplacer tout cela, que quelques exemplaires de la déclaration des << droits de l'homme. Assurément c'est une belle invention que la subs<< titution de la déclaration des droits aux chartes, aux titres et aux « livres. Vous faites de cette déclaration la science universelle; et je <«< ne sais, citoyen ministre, comment les pauvres hommes pourront << reconnaître une découverte aussi importante.

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Garat eut alors le mérite de ne point s'offenser de la hardiesse du commis des archives. Un peu ébranlé par les raisons solides et peutêtre par l'accent d'indignation de Ropra, il écrivit en ces termes aux administrateurs du département:

«Paris, le 15 mars 1793, an II.

« Le ministre de l'intérieur par intérim aux citoyens administrateurs << du département du Nord.

<< Je vous fais passer une lettre du citoyen Ropra, relativement à la <«< conservation de vieux papiers qu'il croit être de la plus grande im<< portance; je vous prie de lui demander communication de ma lettre

* du 27 février, à laquelle répond celle de cet archiviste, et de vous « procurer, soit par lui, soit par vous-mêmes, des éclaircissements qui << vous mettent à portée de me faire parvenir sur cet objet votre avis, << dont je désire éclairer mon opinion avant d'asseoir définitivement << aucune résolution à cet égard.

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Les administrateurs du Directoire du département séant à Douai prirent l'avis des administrateurs du district de Lille, que ceux-ci donnèrent dans les termes suivants :

Lille, le 3 juillet 1793, an II.

<< Les administrateurs du Directoire du district de Lille, aux admi

<< nistrateurs du Directoire du département du Nord.

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Citoyens, nous vous renvoyons la lettre du ministre de l'intérieur, << en date du 15 mars dernier, ainsi que celle écrite, le 2 du même mois, à ce ministre par le citoyen Ropra, en réponse à la sienne du «< 27 février précédent, dont nous joignons ici une copie certifiée « dudit Ropra.

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« Nous pensons que la conservation des archives de la chambre des << comptes de cette ville, qui fait l'objet de ces différentes lettres, ne « peut qu'être avantageuse à la république, en général, et aux habi<< tants de notre département, et des départements voisins en particu<«<lier. Pour vous en convaincre, citoyens administrateurs, nous nous << bornerons à vous observer qu'après que ce dépôt sera purgé de la «< masse énorme de registres, titres et pièces qui ont été jugés inutiles « par vos commissaires et celui de la comptabilité, il sera encore con« sidérable; voici, en bref, l'énumération des différentes espèces de <<< titres dont il sera composé.

« Les comptes des domaines nationaux dans les ci-devant provinces << de Flandre, Hainaut, Artois et Cambrésis; ceux des recettes générales << de Flandre, Artois et Hainaut.

« Ces comptes sont intéressants en ce qu'ils peuvent faire connaître <<< les domaines nationaux qui ont été arrentés ou engagés.

« Ce dépôt renferme encore plusieurs cartulaires et quatre-vingts

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registres, dits des chartes, qui contiennent, entre autres, des lettres << d'arrentement, d'inféodation, éclissement de fiefs et autres titres primitifs propres à assurer à la nation ou aux particuliers la perception des droits féodaux. Des dénombrements antérieurs à la réunion de la << ville de Lille à l'empire français, et tous les dénombrements originaux <«< reçus par le bureau des finances de Lille. Il n'est pas inutile de <«< remarquer que les expéditions de ces dénombrements qui étaient «< conservées au bureau des finances, ont été supprimées par vos com<«< missaires, au mois d'octobre dernier.

<«< Enfin, les archives des anciens souverains des Pays-Bas se trouvent << dans ce dépôt, et, si ces archives sont indifférentes du côté du profit qu'elles peuvent produire, elles sont infiniment intéressantes du côté << des lumières qu'elles peuvent répandre dans l'histoire.

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« Nous espérons que vous jugerez comme nous que ce dépôt mérite « d'être conservé; nous vous prions d'engager le ministre à prendre les « mesures nécessaires pour cet effet. Veuillez bien, citoyens adminis<< trateurs, rappeler au ministre qu'il doit fixer le traitement du garde

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de ces archives; il y a plus de quatre mois que nous vous avons <«< adressé notre avis à ce sujet. Si on veut retirer de ce dépôt l'utilité << dont il est susceptible, il est nécessaire d'y rétablir l'ordre qui a été << totalement dérangé par le bombardement, et on ne peut y parvenir « que par un travail long, pénible, rebutant et dispendieux; or on ne << doit pas exiger du citoyen Ropra qu'il entreprenne cette opération, << tant qu'il sera incertain sur son sort et même sur l'existence du dépôt <<< dont on lui a confié la garde. » (Suivent les signatures.)

Il paraît que le ministre ne répondit plus, et que les archives furent épargnées. On prit un terme moyen entre leur destruction totale et leur entière conservation. D'après un ordre supérieur, il se fit un triage de titres et de papiers qu'on jugea inutiles; on vendit à l'encan une masse considérable de parchemins qui produisit une somme de 80,000 francs (en assignats peut-être), et l'on envoya à l'arsenal, pour le service militaire, 300 voitures de papiers.

PHILIBERT-JOSEPH PORET. 1794-1817. Au mois de pluviôse an 11, Ropra fut placé dans un bureau, à Paris, et l'administration du district de Lille confia provisoirement le dépôt à M. Philibert-Joseph

Poret, né à Tournai, ancien bénédictin de la congrégation de SaintMaur, successivement archiviste de Saint-Valery-sur-Somme et de Samer en Boulonnais. Cette nomination fut régularisée par un décret de la Convention en date du 18 messidor an III.

Le nouvel archiviste était à peine en fonctions, que des commissaires se présentèrent dans les salles de l'établissement pour biffer tous les écussons, chiffres ou devises qui pouvaient s'y trouver. Afin d'opérer plus à l'aise, ils bouleversèrent tout. Un quidam, qui se disait commandant de la citadelle, intervint au milieu de ce désordre, s'empara des armoires et boiseries qui garnissaient les greniers, et jeta au vent les papiers qui lui tombèrent sous la main. M. Poret s'efforçait de réparer tous ces désordres, quand le comité révolutionnaire de Lille jugea à propos de venir prendre possession du local de la chambre des comptes; alors il fallut faire place à ce redoutable tribunal : de là nouvelle confusion, nouveaux dégâts.

Au mois de nivôse an II, ce fut une commission militaire ou conseil de guerre, qui s'installa à son tour au milieu de ces tristes archives.

Le dépôt resta dans les bâtiments de la chambre des comptes jusqu'en l'an v, époque où cet édifice fut vendu en exécution de la loi du 28 ventôse an iv. L'acquéreur, qui avait hâte de tirer parti des matériaux, commença par démolir la grande salle des Archives: ce qui nécessita encore un déplacement précipité et confus. Bientôt après, les archives furent transportées, Dieu sait comment, dans les greniers de l'hôtel de ville, où elles demeurèrent ignoblement entassées jusqu'en 1807. Durant cet intervalle, un décret transféra de Douai à Lille le chef-lieu du département, de sorte qu'aux archives nationales de la chambre des comptes, vinrent se joindre tous les dépôts qui composaient la collection départementale, c'est-à-dire les provenances des anciens établissements religieux, les papiers des intendances diverses, ceux des administrations modernes. En 1807, cette masse de documents de tout âge et de toute nature vint s'établir dans le vaste et vieux bâtiment du Lombard.

En octobre et novembre 1812, M. Dupré, commissaire impérial, vint rechercher dans nos archives tout ce qui paraissait de nature à

pouvoir enrichir le dépôt national. Nous avons l'inventaire des pièces, registres et liasses dont le commissaire proposait de dépouiller le département du Nord. Son projet ne tendait à rien moins qu'à nous enlever la presque totalité des archives de la chambre des comptes et celles des établissements religieux. Il était question aussi de transporter à Paris tous les procès-verbaux d'adjudication des domaines

nationaux.

L'abbé Poret donna au dépôt des soins éclairés et efficaces; mais ses travaux, tout estimables qu'ils sont, ne peuvent être comparés à ceux des Godefroy, ses savants prédécesseurs. Il mourut le 29 septembre 1817. N'oublions pas de dire ici que M. Bottin, qui fut longtemps secrétaire-général de la préfecture du Nord, ne cessa jamais d'appeler l'attention de l'autorité sur ces archives, dont il savait apprécier toute l'importance. On trouvera dans les pièces justificatives la preuve de sa louable sollicitude à cet égard.

§ II. ÉTAT DES ARCHIVES DE L'ANCIENNE CHAMBRE DES COMPTES

DE LILLE.

La chambre des comptes formait huit divisions, savoir: -La chambre des finances; -La chambre d'Artois; - La chambre de Namur; La petite chambre de Flandre; La longue chambre de Flandre; La chambre de Hainaut; - La chambre des villes de Flandre; - La tour des chartes.

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Suivant Denis Godefroy, tous les registres contenus dans les diverses chambres pouvaient être évalués à 10,000 environ, sans y comprendre les liasses d'ordonnances, mandements, lettres et acquits qui sont en quelque sorte innombrables.

ARCHIVES PARTICULIÈRES DES COMTES DE FLANDre.

Outre les titres qui appartenaient à la chambre des comptes proprement dite, on avait réuni dans le même dépôt les archives particulières des souverains du pays, comtes de Flandre et ducs de Bourgogne. Ces archives, qui d'abord avaient été placées dans les châteaux de Lille

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