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au peuple qui la conservait précieusement comme un remède souverain contre les maladies, comme un spécifique infaillible contre les maléfices.

« Le gui, dit Taliésin, c'est le rameau pur qui gué« rit tout (1). »

Dans les forêts se tenaient non-seulement les solennités religieuses, mais encore les assemblées populaires, c'étaient les lieux de réunion.

On choisissait un vallon, ouvert à l'orient autant que possible; on y dressait les blocs de grès en dolmen, ou debout comme les men-hirs. Parfois on rangeait ces grès en allées, en cercles, etc.

Autour des Dolmens, on enterrait les morts. De nombreux tumuli existent dans les forêts antiques.

Dans la forêt de Villers-Cotterêts on en a retrouvé au lieudit la Vente des Tombes, du côté du Puits des Sarrazins et dans le désert des sables de la Tour du Grain (2), près Gondreville.

Il doit encore en exister aux environs de la Pierre Clouise et dans cette vallée au milieu de laquelle se trouve ce gros grès du lieudit la Grotte, qui pourrait bien être un monument druidique.

Autour de cette masse singulière par sa forme, se dresse une multitude de pierres debout qui doivent être des tumuli ou tombelles celtiques.

Une autre preuve de l'authenticité de ces monuments résulte des découvertes faites dans les environs.

En octobre 1863, on a trouvé au bord de la forêt et non loin de la Pierre Clouise, une rouelle que l'on considère comme la monnaie primitive des Gaulois.

(1) Nous avons cherché à démontrer que la fête de la Pierre Clouise, qui se célèbre le premier dimanche de carême, n'est que la continuation perpétuée jusqu'à nos jours de la fête du Gui. (V. notre hist. de Villers-Cotterêts, p. 124.)

(2) Hericart de Thury, hist. d'un Vieux Chêne, p. 1.

Et dans un jardin du village d'Haramont, à quelques pas du même endroit, on a découvert une pièce d'or bien conservée, représentant d'un côté un cheval et de l'autre des astres, des croissants, des rondelles, des épis, etc., que M. Barthélemy pense appartenir aux Remy.

A Pommiers, M. Vauvillé a mis à jour également plusieurs monnaies gauloises.

L'établissement du christianisme chassa les dieux et les déesses des bois et des chênes sacrés; l'amadryade des Romains, la querculane au front couronné de verdure, se transformèrent en fées, en démons. Les sylphes, les elfes, les gnômes et autres esprits infernaux peuplèrent les grands bois.

La nuit, les fantômes hantaient les hauteurs; le chasseur maudit, le chasseur noir parcourait la forêt sombre, entouré de sa meute terrible.

Ici c'est le meneur de loup, ailleurs la Mesnie Hellequin.

Toujours une légende effrayante, répétée par la tradition et à laquelle les populations superstitieuses avaient la plus ferme croyance.

Qui pourrait raconter ces curieuses légendes dont plusieurs sont parvenues jusqu'à nous, comme un dernier écho des siècles passés ?

Après la conquête, les Romains ayant fondé un grand nombre de villes et de villages, il fallut nécessairement faire de nombreux abattis.

Ce fut le premier démembrement de ces immenses forêts druidiques auprès desquelles nos forêts actuelles, même les plus considérables, ne sont que des petits

bois.

Les principales essences étaient le chêne, quercus, l'érable, acer, le bouleau, betula, le hêtre, fagus,

l'orme, ulmus, le saule, salix, c'est-à-dire les arbres que l'on rencontre aujourd'hui encore.

Les Romains ont laissé de nombreuses traces de leur séjour dans nos forêts. Sans parler de la villa gallo-romaine, découverte dans la forêt de Compiègne, que M. de Roucy a décrite avec tant de soin et dont il a recueilli les restes curieux mis à jour, nous pouvons signaler des témoins évidents de la présence d'une colonie, sinon romaine, du moins gallo-romaine.

Des fouilles faites, il y a dix ans, au sommet de la route du Faîte, entre Villers-Cotterêts et Vivières, au lieudit le Houssois, pour tirer les pierres nécessaires à l'entretien des routes, ont mis, par hasard, à jour des tuiles à rebord et des tuiles creuses, imbrices et tegula, des médailles romaines en bronze, en grande quantité (environ 1,500) des empereurs Antonin, Maximus, Tétricus et autres; des ustensiles, des vases et des débris de poteries de toutes sortes, ainsi que des fondations d'un certain nombre d'habitations.

Deux meules de moulins à bras, mola manuaria ou trusatilis, ont été recueillies depuis. L'ouverture d'un puits était encore très visible sur le bord du chemin.

Ces fondations s'étendent sur une longueur de plus de 500 mètres, depuis la tour Réaumont et tout le long de la route du Faîte jusqu'auprès de la Croix Morel.

Il devait y avoir là une colonie assez importante qui, selon toute probabilité, a été entièrement détruite lors de l'invasion des Normands.

Comment s'appelait cette agglomération d'habitants? L'endroit a conservé le nom de Houssois.

La colonie du Houssois se trouvait sur le passage d'une voie romaine qui devait suivre à peu près ce que l'on appelle aujourd'hui la route du Faîte.

D'autres chemins traversaient encore la forêt; nous

en avons donné la nomenclature dans notre Histoire de Villers-Cotterêts, p. 128 (1).

Les grandes invasions des barbares des v et vi siècles eurent pour effet d'arrêter les défrichements.

Les Goths, les Francs, les Burgondes sortaient des forêts de la Germanie et trouvaient dans nos bois un abri contre les vents et la pluie; leurs bestiaux, porcs, moutons, chèvres y paturaient à loisir; le gibier leur fournissait une chasse abondante.

Loin de songer à détruire les forêts, ils étaient plutôt portés à les agrandir.

Leur respect pour les arbres était aussi grand que chez les peuplades celtiques.

La loi salique étendait sur les produits sylvestres une protection efficace.

Ainsi celui qui avait coupé ou brûlé des arbres propres aux constructions ou au chauffage, payait 15 sous d'amende (2).

On payait aussi 15 sous pour avoir volé un porc de deux ans (3).

Pour montrer l'importance de cette amende, il suffit de dire qu'il n'en coûtait que 30 sous à celui qui frappait un homme à la tête assez fortement pour en faire sortir trois os (4).

A cette époque, les forêts n'étaient point des propriétés particulières, elles étaient indivises, communes, sylva communes; chacun y exerçait un droit d'usage.

(1) Voir aussi Héricart de Thury, hist. d'un vieux chêne, p. 1, qui constate la découverte de silex taillés, de débris d'armes en bronze et en fer et de médailles romaines des Trajan et Antonin.

(2) Si quis in Sylva materiamen alienum aut incenderit aut capulaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur. (Lex salica, C. XXIV, 27).

(3) Si quis porcum binum furaverit, DC. dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura. (Id.)

(4) Même loi, C. II, 2 12.

Elles formaient entre chaque pagus, entre chaque peuplade, des frontières naturelles, des marches, espaces neutres laissées incultes où la végétation poussait en liberté.

Plus tard, les forêts ayant perdu leur caractère de marches, tombèrent au pouvoir des seigneurs; alors les habitants du voisinage n'ont plus qu'un droit d'usage assez limité (1).

La loi des Burgondes, postérieure à la loi salique, permettait de ramasser le « mort-bois et le bois mort gisant » (2) et même frappait de 6 sous d'amende le propriétaire qui aurait empêché cet usage.

Par contre, on ne pouvait abattre un arbre sur pied et portant fruit.

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Sous les Carlovingiens nous voyons surgir un nouveau droit forestier.

Le roi se réserve certaines forêts pour son usage personnel, afin d'y jouir du plaisir de la chasse.

Plusieurs capitulaires de Charlemagne et de Louisle-Débonnaire concernent la régie des forêts royales.

Les officiers chargés de ces régies s'appelaient forestarii (3). Les grandes forêts du nord de la Gaule faisaient partie du domaine royal, mais elles n'avaient déjà plus cette immense étendue dont nous avons parlé.

La vaste forêt des sylvanectes avait été défrichée en partie, coupée, morcelée, et des tronçons divers

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(2) Le mort-bois s'entendait des branches sèches restées sur les arbres vifs, et le bois mort comprenait les branches tombées sur le sol.

(3) Capitul. ann. 808; ann. 813, 8 18 et 19.

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