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« A arrêté et arrête qu'elle sera, par l'intermédiaire de l'agent de la commune, mandée à la séance prochaine pour y recevoir de l'administration, par l'organe du président, une semonce sur son fanatisme, et qu'il lui sera fait expresse défense, sous peine d'être traduite au tribunal correctionnel, de ne plus, à l'avenir, paraître en public sous aucun costume religieux. »

La séance suivante eut lieu le 25 pluviôse,-six jours après. Mme Rettéré se présenta devant l'assemblée avec une attitude qui déplut aux autorités. Lecture lui fut donnée de la décision du 18 pluviôse. Elle prétendit n'avoir « point paru en public sous son ancien costume, mais seulement en noir avec une bonnette de taffetas noir. » Le commissaire du directoire exécutif, malgré cette prétention et « vu l'affectation de cette citoyenne à prendre les jours de grande fête du culte catholique un costume noir qui se rapproche tant de l'habillement du ci-devant ordre,» requit l'exécution de l'arrêté la concernant. Et l'administration, après en avoir délibéré, fit alors défense à Me Rettéré « de ne plus à l'avenir paraître en public les jours de fêtes catholiques avec aucun habillement du ci-devant ordre religieux, en lui observant que la robe noire qu'elle a prétendu ne pas être le costume de la ci-devant communauté, pouvait être portée comme un autre habillement, mais sans affectation de jour. »

En cette circonstance, Mme Rettéré était accompagnée de Mme Lollier, qui, elle aussi, avait été « mandée » à la séance, non pour avoir porté un costume prohibé, mais pour avoir réclamé, alors qu'elle devait être payée par la république, un salaire aux parents d'enfants qu'elle instruisait.

Comme Mme Rettéré, Mme Lollier prit, pour se justifier, des manières que ses juges trouvèrent inadmissibles; et le procès-verbal de la séance en fit même

mention dans ces termes tout à la fois curieux et menaçants:

<< Le commissaire du directoire exécutif, choqué du ton de raillerie et d'insolence desdites ci-devant sœurs, leur a recommandé d'être à l'avenir plus respectueuses envers les autorités constituées. »

Mme Rettéré et Mme Lollier avaient déjà traversé des temps difficiles et pénibles; elles avaient subi plus d'une humiliation de la part des autorités constituées; » néanmoins, cette nouvelle épreuve leur était réservée, et elles la supportèrent avec l'expérience qu'elles avaient acquise; aussi, lorsque leur communauté fut rétablie en 1817, à Soissons, en devinrent-elles successivement supérieures. C'est là d'ailleurs qu'elles moururent Mme Rettéré, le 6 octobre 1827, à l'âge de 56 ans, et Mme Lollier le 21 août 1852, à l'âge de 87 ans, laissant toutes deux la réputation de supérieures aimées et respectées. Chacune d'elles a son portrait au pastel à la maison-mère, portrait ressemblant, dit-on, mais rien de plus.

II.

LES DERNIÈRES BÉNÉDICTINES DE BRAINE.

Les bénédictines du prieuré conventuel de NotreDame de Braine, ordre de Saint-Benoît, sont demeurées, jusqu'à présent, dans l'oubli le plus complet, à part leurs supérieures, dont M. Prioux s'est un peu occupé dans son histoire du pays brainois (1); mais, à l'aide de pièces non encore explorées, et tout en regrettant de n'avoir pas celles nécessaires pour faire revivre entiè

(1) Nous connaissons ainsi Mme Marguerite de Bouillon, sœur du comte Henri-Robert de la Marck; M de Bourlon, sœur de l'évêque de ce nom; Me Gilbert des Voisins; M de Broglie; Me Le Métayer de la Haye le Comte; M d'Espaux, et Mme de Lions

rement le prieuré de Notre-Dame, nous allons connaître, tant par leurs noms que par quelques-uns de leurs actes, toutes les religieuses qui appartenaient à ce couvent lors de sa suppression.

En 1201, une haute et puissante dame de Braine, nommée Agnès de Baudiment, avait fondé un hôpital dans cette ville, et, en 1647, Henri-Robert de la Marck, comte de Braine, duc de Bouillon, avait transformé cet hôpital en un monastère, celui des bénédictines de Notre-Dame.

Durant près d'un siècle et demi, des religieuses se succédèrent là sans bruit, sans éclat, comme il convient à de saintes recluses; elles y vécurent de certains biens seigneuriaux dont elles ne devaient avoir que l'usufruit et dont, en réalité, elles disposaient plus largement; mais vint la révolution de 1789, et ce fut comme le glas de leur prieuré. Les biens du clergé furent mis à la disposition de la nation, les dîmes furent supprimées, inventaire fut fait, le 12 juillet 1790, de ce que possédait le couvent de Notre-Dame, et les titres de propriété de ce monastère, au nombre de 83, furent enlevés aux bénédictines le 13 octobre suivant.

Cependant, les autorités de Braine trouvèrent que les religieuses de Notre-Dame étaient encore trop bien partagées; ils se plaignirent, à ce sujet, à un comité ecclésiastique, celui de l'assemblée nationale; leur plainte fut accueillie, et les sœurs réclamèrent, contre la situation difficile qui leur était faite, à Messieurs du directoire du département de l'Aisne, à Laon.

<< Ont l'honneur de vous représenter (écrivirent-elles) les prieur perpétuelle et religieuses de Notre-Dame de Braine, district de Soissons, que le peu de revenu de leur maison les a toujours nécessité de dépenser d'avance le revenu à échoir chaque année, que n'ayant rien à recevoir sur les revenus de 1790 et leurs fermiers ayant défense de les payer, les fournisseurs leur

refusant tout crédit, il leur a été dit, Messieurs, que par un décret l'assemblée nationale vous avait autorisé à aller au secours des pauvres communautés, la nôtre est sûrement dans ce cas.

« Ce considéré, Messieurs, il vous plaise ordonner que les suppliantes seront secourues jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à leur subsistance, et feré justice. »

Mais cette réclamation n'eut point d'écho dans le chef-lieu, alors tout nouveau, du département de l'Aisne, et il fallut songer à un autre moyen. L'inventaire des biens avait été fait par un administrateur du directoire du district de Soissons, M. Boujot, assisté de M. Bression, greffier de la châtellenie de Vailly. Cet administrateur avait, dans cette circonstance délicate, fait preuve d'excellents procédés. La supérieure se souvint de lui; elle lui fit en conséquence écrire (car elle ne savait plus guère que signer) la lettre que voici :

<< A Braine, ce 5 novembre 90.

« J'ay été ainsy que ma comunauté Monsieur sy flaté de tout ce que vous avé mis dhonnete dans vos procedés vis à vis de nous lors de notre invantaire et l'enlèvement cruelle de nos titres que cela me donne la confiance de vous demandé Monsieur la permission de madresser a vous pour choses que gignore ou dont je doute ne voulant rien faire qui ocmente nos malheures.

« Dite moi donc Monsieur sy je puis vandre quelque chose pour aidé ma communauté à vivre. J'ay des chevaux qui me devienne inutil n'ayant plus la jouissance de nos revenus, il y a encore beaucoup de petites choses qui pourais nous aidé s'il nous était permis d'en disposé. Je ne ferai rien sans votre avis et je me flate que vous voudrez bien ne me le pas refusé. Pouraige espéré aussy Monsieu que vous voudriez bien vous intéresser en notre faveur pour qu'on ne nous sursage pas come on le fait, vous savée le peut de bien que

nous avont et on nous fait payer pour Braine seule 433 livres 17 sols 6 deniers de taille et 375 livres 4 sols 9 deniers de vintienne. Vous conviendrés Monsieur que cela est exorbitant, je remais tous nos intérais entre vos mains Monsieur, il ne peuve être mieux. Conaisant votre justice et votre humanité nous atendont tout de vos bontés et je puis vous assurer que la reconaissance sera aussy longue que nos vie. J'ai l'honneur d'être, Monsieur votre très-humble et très-obéissante servante.

« (Signé) des Lions des paulx prieure perpétuelle de Notre-Dame de Braine.

Ayant reçu cette lettre, M. Boujot la présenta au directoire de son district. Le directoire consulta un comité ecclésiastique établi à Soissons; puis il se réunit le 14 novembre et statua en ces termes :

« Le directoire du district de Soissons, vu la lettre de la sœur Deslions Despaux, cy-devant prieure perpétuelle du couvent des religieuses de Notre-Dame de Braine, en forme de requête adressée par elle à M. Boujot, l'un de ses membres, ladite lettre étant à fin d'être autorisée à vendre des chevaux et autres objets pour aider à vivre lesdites religieuses, et encore à fin de modération d'impositions; après avoir entendu le rapporteur de son comité ecclésiastique et ouï sur ce son procureur syndic, a arrêté et arrête qu'à la diligence du procureur syndic du district, il sera, par MM. Quinquet et Boujot, commissaires nommés à cet effet, ou par la municipalité de Braine qu'ils délégueront, si bon leur semble, procédé à la vente des chevaux dudit couvent, si mesdits commissaires le jugent convenable, comme aussi à la vente des autres objets qui leur seront désignés s'ils estiment qu'ils peuvent être vendus, et que le prix de ladite vente sera versé par les adjudicataires dans la caisse du district, au terme qui leur sera fixé par lesdits commissaires, sauf auxdites religieuses à se

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