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soixante-six livres treize sols six deniers), ont prêté le même serment.

Ce tableau constate aussi que MM. Claude Deliége, né le 12 mars 1744, vicaire épiscopal, jouissant d'une pensión de 1,000 fr.; François-Thomas Verneaux, né le 15 octobre 1737, religieux bénédictin et curé de D'huizel, jouissant d'une pension de 1,000 fr.; PierreJoseph Fouquet, né le 21 septembre 1743, religieux bénédictin et curé de Perles, jouissant d'une pension de 1,000 fr.; Jacques-Christophe Harmand, né le 21 mai 1733, religieux prémontré du Val-Chrétien, jouissant d'une pension de 1,000 fr.; Jean-Baptiste Cotinard, né le 13 octobre 1758, curé de Cuiry, jouissant d'une pension de 800 fr.; et Pierre-Antoine Joly, né le 26 septembre 1756, curé de Retheuil, jouissant d'une pension de 800 fr, ont non seulement prêté serment à la liberté et à l'égalité, avec haine à la royauté, mais se sont tous mariés et demeurent à Braine.

A leur exemple, quelques bénédictines auraient-elles aussi contracté mariage? Rien ne m'autorise à le croire. Le même tableau ne nous apprend plus que la mort de quelques-unes d'entre elles, et c'est par cette simple mention, mise en regard du nom de l'ancienne sœur Legrand : « La pension de la citoyenne Legrand n'était, en l'an II, que de 500 fr.; mais plusieurs des ci-devant religieuses de sa communauté étant mortes,

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en vertu du titre 2 des décrets rendus en 1790 sur les pensions des religieuses, qui veulent que le traitement de celles mortes reflue jusqu'à concurrence de 700 fr. sur celles qui ne les avaient pas, elle a été portée, par arrêté du département du 4 prairial an V, au tableau des pensionnaires, fait audit an V, à la somme de 700 fr. »

Quant à Mme de Lions, la supérieure, elle se retira au village de Limé, en la société, je crois, de Mme Davy, de Mme François, de Mme Charlier, de Mme Servais

et de Mme Folliard (1), et elle y termina son existence le 2 septembre 1794, à l'âge de 81 ans 2 mois et 16 jours. Elle descendait des seigneurs d'Epaux; elle était l'une des trois filles de Charles-Adolphe de Lions, comte d'Epaux, colonel de dragons, et d'Antoinette Potier de Novion, lesquels lui avaient donné 4,000 livres au moment où elle avait fait profession. Et lorsque j'ai dit qu'elle ne savait plus guère que signer, j'aurais pu ajouter, comme circonstances atténuantes, qu'elle était presque octogénaire et qu'elle perdait la vue; j'aurais même pu dire aussi que, à en juger par l'auteur du Nobiliaire de Picardie (Haudicquer de Blancourt) et par l'auteur du Dictionnaire historique du département de l'Aisne (Maximilien Melleville), elle ne savait pas ou ne savait plus l'orthographe de sou nom. Les seigneurs d'Epaux, ses ancêtres, s'appelaient en effet de Lions, et non des Lions, comme elle signa dans ses derniers jours.

Trois ans avant sa mort, sur un avis de la municipalité de Braine, le district constatait que du couvent de Notre-Dame dépendaient une maison, une grange, des terres, des vignes, des prés et d'autres héritages; mais, le 1er août 1793, un état général des maisons et domaines nationaux affermés dans le district de Soissons était fait et arrêté en séance par les administrateurs de ce district et ne désignait plus, comme biens restants du ci-devant couvent de Notre-Dame de Braine, que les suivants :

1• Un jardin et une serre loués pour un an, le 2 mars 1793, à Mathieu Poinsart, de Braine, moyennant 225 livres ;

2o Une basse cour, aussi louée pour un an, au nommé

1) Me Folliard est morte le 28 fructidor, an iv.

Nicolas - Sébastien Copineau, demeurant à Braine, moyennant 70 livres;

3o L'église de Notre-Dame, également louée pour un an, à Antoine Fournet, citoyen de Braine, moyennant 45 livres.

Que devinrent ces biens dans la suite des temps? L'église, dont le clocher contenait jadis quatre cloches, avait été fermée aux bénédictines le 16 avril 1791 par le maire et les officiers municipaux, agissant en exécution d'un arrêté du directoire du département de l'Aisne, en date du 14 du même mois; elle fut réouverte plus tard et fut affectée au culte catholique jusqu'en 1837. Le surplus, ainsi que des cloîtres qui faisaient partie du couvent, fut converti, vers 1814, en un dépôt d'étalons, lequel à son tour, a été supprimé au profit de la ville de Compiègne, par décret du 29 mai 1875.

III.

DEUX ÉMIGRÉS DU VILLAGE DE TANNIÈRES.

Vers la fin du règne de Louis XVI, le petit village de Tannières comptait au nombre de ses principaux habitants un jeune homme et une jeune femme récemment unis par le mariage et portant le nom historique de Hédouville.

Le mari était prénommé Louis-Théodore-Basile. Il dépassait de quelques mois l'âge de majorité; il avait une taille de cinq pieds trois pouces; et, d'après un signalement de l'époque, son visage était rond et légèrement taché de petite vérole, ses cheveux châtains et coupés courts, son front petit, ses yeux gros et à fleur

de tête, son nez retroussé et pointu, sa bouche grande et son menton petit.

La femme était née Jeanne-Elisabeth Canelle de la Lobbe, ou plutôt, et selon sa signature, Canelle seulement. Elle allait atteindre sa vingt-huitième année ; elle avait une taille de quatre pieds onze pouces, les cheveux et sourcils châtains, les yeux blancs, le nez long, la bouche grande, le menton court, le front ouvert, le visage pâle et maigre.

Et, comme pour compléter ces portraits, assurément plus ressemblants que flattés, M. de Hédouville faisait connaître, que, depuis plus de quatre ans, sa femme était attaquée d'un mal de jambe, » qu'il avait peu de fortune et que lui et Mme de Hédouville étaient <bons patriotes. »

Au mois de mars 1792, alors que s'affirmait encore l'émigration de la noblesse et du clergé, M. de Hédouville quitta Tannières, avec sa femme, non pour émigrer, dit-il, mais pour aller, sur le conseil de M. Manchouart, docteur en médecine et maître en pharmacie à Laon, faire prendre les eaux d'Aix-la-Chapelle à Mme de Hédouville.

Tous deux restèrent dans cette dernière ville tant que la saison des bains le permit, et même un peu plus tard, c'est-à-dire jusque vers la fin d'octobre. Ils revinrent ensuite en France, et, en entrant dans le département des Ardennes, au premier endroit bordant la frontière, à Margut, ils se firent délivrer, le 26 de ce mois, chacun un laissez-passer, ou certificat invitant à leur prêter aide et assistance en cas de besoin.

De retour à Tannières, ils apprirent qu'ils étaient considérés comme émigrés et que les scellés avaient été apposés, « par prudence, dans leur habitation, depuis le 11 octobre. Aussitôt ils prirent la plume et protestèrent par écrit auprès des citoyens adininistrateurs du district de Soissons. » Ils ne s'étaient ab

sentés, affirmèrent-ils, que pour cause de maladie bien notoire et pour se rendre dans une ville neutre et non suspecte; ils espéraient à leur rentrée à Tannières ne trouver aucune espèce de désagrément, leur << civisme et leur patriotisme étant bien connus; » et ils avaient, au contraire, rencontré les scellés sur leurs effets. Bref, ils demandaient la levée de ces scellés, qui, suivant eux, ne pouvaient subsister ni en fait, ni en droit.

Cette pétition terminée, Mme de Hédouville se munit d'un certificat du docteur Manchouart constatant sa maladie, d'un certificat des maire et officiers municipaux de la commune de Tannières (1) attestant que les citoyens Hédouville » avaient toujours habité Tannières et s'y étaient toujours comportés « comme de bons citoyens, » enfin des deux laissez-passer qui avaient été délivrés à son mari et à elle, le 26 octobre, à Margut. Puis elle partit pour Soissons, dans la matinée du 10 novembre, avec le sieur Jean-Baptiste Plomet, maître d'école et secrétaire-greffier de Tannières.

Elle pensait, elle espérait que toutes les pièces en sa possession détruiraient la prévention d'émigration dont son mari et elle étaient l'objet, et, par suite, qu'ils aboutiraient à la levée des scellés apposés en leur demeure. Elle fit donc remettre (sans doute par M. Plomet) ces pièces au directoire du district de Soissons, qui avait pour président le citoyen Ménard, pour membres les citoyens Floquet, Macadré, Jumeaux, Lecerf, et pour procureur syndic le citoyen J.-F. Paillet. Mais elle avait espéré en vain, car, statuant le jour même, sous forme d'arrêté, le directoire prenait la décision suivante contre elle et son mari, que l'on croyait venus ensemble à Soissons.

(1) Etaient maire le sieur le Blanc, officiers municipaux Joseph el Abraham Antoine.

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