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Un. corps politique, absolument séparé du mouvement de l'Administration, et qui ne participe point à la confection des lois; une sorte de solitaire dans l'ordre social ne pourroit conserver le droit de nommer le Chef de l'Etat s'il se trompoit une seule fois. Il faut qu'en vivant dans l'ombre et le silence, comme les oracles il en ait la science et l'infaillibilité.

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Nous étendrons cette réflexion lorsque nous considérerons bientôt le Sénat en sa qualité de Conservateur.

FIXONS, encore un moment, notre attention sur les fonctions d'Electeur dont il est revêtu.

Un Sénat, dont la Nation ne choisit aucun membre, un Sénat qui se recrute lui - même, nomme cependant tous les Fonctionnaires publics. Je le demande : son pouvoir ne rappellerat-il pas sans cesse l'interdiction du Peuple, et sa condamnation ?

Supposant, néanmoins, qu'une telle institution dût avertir la France du danger de tous les choix populaires, les gens sages ne voudroient-ils pas qu'une fois on discutât devant eux, s'il est vrai qu'un droit d'élection ne doit jamais être laissé à la Nation ?

Ne voudroient-ils pas qu'une fois on recherchât si l'intervention du Peuple, dans le choix

de ses Législateurs, cette intervention si conforme à l'esprit d'une République, ne peut être rendue paisible et régulière par aucune modification, ne peut être rendue telle par un usage habile et graduel de la propriété ?

Ou, enfin, s'il étoit démontré que rien de pareil ne peut exister en France; si l'on arrivoit à cette conviction, non par les souvenirs des abominables résultats d'un abominable désordre, mais à l'aide d'une réflexion éclairée : alors les gens sages ne voudroient-ils pas encore qu'on examinât devant eux, si, la Nation une fois exclue de ses droits naturels, elle doit être contente et glorieuse d'une oligarchie bourgeoise, où le nom de République est simplement conservé, d'une oligarchie bourgeoise rangée autour d'un Maître; et si nulle autre forme de Gouvernement n'assureroit aussi bien sa liberté ; si nulle autre ne lui permettroit, à plus de titres, d'être fière de sa constitution sociale et de son état politique?

Ce sont-là des questions que nous avons dessein de traiter, et notre sujet nous y conduira; mais nous devons auparavant achever l'examen de la Constitution.

Nous avons, en ce moment, à considérer le Sénat sous le nom de CONSERVATEUR que le Législateur lui a donné.

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Le titre est pompeux ; mais la première idéc qui se présente, en étudiant l'organisation de ce Sénat, c'est qu'on lui a décerné une autorité absolument désassortie avec ses moyens réels. Je ne sais même s'il a jamais existé un corps politique combiné d'une manière moins propre à en faire un Conservateur de la Constitution sociale.

Il est, en apparence, au-dessus de tous les pouvoirs ; il doit surveiller les actes de la Législature et du Gouvernement; il a il a, pour éminente prérogative, le droit d'annuller les décrets, les proclamations, tous les commandemens suprêmes: et quand on cherche de quelle force ce Sénat est investi, pour exercer une autorité si violente, une mission si hasardeuse, on n'en aperçoit aucune; tout est sur le papier, rien en réalité.

Mais a-t-on fait autre chose dans les diverses Constitutions françaises qui se sont succédées depuis la révolution ; et à commencer de la première, où l'on avoit élevé un pouvoir Royal, parfaitement bien décrit, mais dénué de tous moyens nécessaires pour remplir son but? On connoît deux puissances politiques.

les

L'une, qui dépend de la force militaire, et dont le Gouvernement dispose, ou sous le nom de Gendarmes et de Maréchaussées pour le main

tien de l'ordre intérieur, ou sous la forme de troupes réglées pour le service de la

guerre. L'autre puissance naît de l'opinion, et s'entretient par elle: son circuit n'est pas tracé, ses limites ne sont pas fixées ; mais elle épouvante, en laissant ignorer ce qu'elle peut devenir.

Le Sénat Conservateur n'a pour soutien aucune de ces deux puissances. Toute la force, civile ou guerrière, est entre les mains du Gouvernement; et le Sénat ne peut former aucune alliance avec l'opinion publique, puisqu'il est assujetti, par

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, par la Constitution, à une vie absolument obscure. Ses séances se passent sans témoin, et il ne s'assemble que pour choisir les Tribuns et les Législateurs, et pour nommer ses propres membres il fait tout cela par ballottes et par scrutins ; et le résultat, au moment où le public en a connoissance est un fait isolé qu'aucun raisonnement, aucune justification n'accompagnent. Il n'est donc extérieurement uni aux intérêts publics par aucune pensée ; et l'on ne peut, conséquemment, s'associer à lui par aucune affection, par aucune reconnoissance. C'est un être abstrait qui ne doit jamais se montrer sous une forme animée, et dont les opérations seront, avec le temps, tellement monotones, qu'on finira par les confondre avec les chances du hasard.

Comment un Sénat, dénué de tous les moyens qui aident à conquérir l'opinion, de tous les moyens même qui entretiennent, d'une manière universelle, la notoriété de son existence; comment un tel Sénat oseroit-il annuller, tout-àcoup, les actes du Gouvernement? A qui s'adresseroit-il? Seroit-ce aux armées ? elles se demanderoient qui est ce Sénat. Seroit-ce aux Gendarmes civils? ils iroient prendre l'ordre du Consul ou de ses Ministres. Seroit-ce à la Nation? Ne sait-on pas que le peuple ne reçoit un sentiment, n'acquiert une croyance, que par l'effet d'une longue habitude?

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Le Sénat donc, on doit s'y attendre, ne sera ni Conservateur ni assaillant il ne le sera pas, du moins, de lui-même, et avec ses propres la vopar moyens; car tout ce qu'il fera de lonté et avec l'appui du Gouvernement, n'appartiendra pas à son essence; et un grand exemple, en ce genre, est déjà donné. Ce n'est pas de sa propre force, et, moins encore, de par son autorité constitutionnelle, qu'il a banni, sans les entendre, cent cinquante Citoyens audelà des mers.

Sans doute, si le Sénat tenoit du pacte social un pouvoir de ce genre, et s'il avoit reçu, en

même temps, les moyens suffisans pour l'exercer, tout ce que nous avons dit sur l'insigni

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