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l'ai déjà fait observer, il peut être instrument dans les mains du fort.

Rien n'étoit plus obscu, plus contesté, que les droits politiques du Parlement de Paris. Ces droits lui appartenoient, selon quelques Jurisconsultes, par une substitution traditionnelle aux pouvoirs des États-Genéraux; et, selon d'autres, il n'étoit qu'une Cour de judicature, appelée à rendre authentiques, par un enregis trement, les lois et les volontés du Monarque.

Quelle différence, au premier aspect, entre cette Constitution vague ou indéterminée, et le titre neuf et bien prononcé du Sénat Conservateur ! Cependant le Parlement de Paris étoit à lui seul, au milieu du royaume, une plus forte garantie contre les abus du pouvoir, que ne pourra jamais l'être le Sénat Conservateur. Et pourquoi ? c'est qu'il étoit en possession de moyens actifs et meilleurs en autorité, qu'un simple titre Constitutionnel; c'est qu'il rassembloit autour de lui l'opinion par la notoriété et la publicité de ses remontrances ; c'est qu'on avoit besoin de lui pour l'enregistrement paisible des impôts; c'est qu'il pouvoit lancer des arrêts d'accusation, des arrêts de prise de corps; c'est qu'il ameutoit la Nation, et embarrassoit le Gouvernement par la suspension de la justice: grand moyen de force, et dont on a beaucoup abusé.

Mais si le Sénat Conservateur se refusoit à l'exercice du seul pouvoir qui lui est attribué, à l'élection périodique des fonctionnaires publics, les anciens resteroient en place, et l'on se moqueroit de cette résolution.

Répétons-le donc, en terminant nos remarques sur le sujet que nous discutons: Le Sénat Conservateur n'est aucunement préparé, par son organisation, à cette autorité que la Constitution lui décerne, à cette clameur de haro qui doit, tout à coup, sortir de son sein, après une longue habitude de silence, après avoir été long-temps étranger aux débats politiques et aux affaires journalières de la Nation. Et dans une telle situation, il ne lui faudroit pas moins qu'une milice aérienne pour se faire obéir, s'il s'avisoit d'annuller les actes du Pouvoir Exécutif ; pour se faire obéir, sans aucun des moyens actifs qui entretiennent le respect, soumettent l'opinion, et surmontent les résistances. Nous n'avons connu dans l'histoire que les Aruspices, dont l'autorité isolée et sans rapport habituel avec les affaires sociales, arrêta néanmoins en plusieurs circonstances les résolutions du Gouvernement; mais ils avoient précisément cette milice aérienne dont nous venons de parler; ils l'avoient dans l'autorité de la Religion.

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Aussi, entre les différentes louanges qu'on décerne, avec justice, à la Constitution d'Angleterre, on devroit sur-tout faire ressortir une disposition conservatrice de l'harmonie universelle je veux parler du rapport exact établi entre les prérogatives accordées à chacun des pouvoirs, et les moyens de défense et de garantie qui accompagnent ces prérogatives; au lieu dans la Constitution Française, les séparations semblent marquées par de simples traits que le temps effacera. Le Sénat Conservateur sur-tout est une pure spéculation de l'esprit ; mais les idées abstraites, toutes vastes qu'elles soient par leur essence, toutes fières qu'elles paroissent de leur indépendance, ne sont pas moins traduites en captives devant les plus humbles vérités pratiques.

que,

Pouvoir Législatif.

CE Pouvoir est attribué, par la Constitution à deux Assemblées politiques ; l'une désignée sous le nom de Tribunat, l'autre sous le nom de Corps Législatif.

La première est composée de cent personnes, âgées au moins de 25 ans ; la seconde de 300 personnes, âgées au moins de trente.

Le Gouvernement doit proposer toutes les

lois, le Tribunat les examine, les accepte ou les rejette; le Corps Législatif prononce, et par scrutins sans aucune discussion publique ni secrète sans jamais demander un éclaircissement, sans jamais parler.

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Une interdiction aussi singulière, et dont il n'existe aucun modèle, entretiendra le desir continuel de se voir affranchi d'un honteux lien ; et la Nation, qui aime à entendre parler de ses affaires, et qui en a le droit dans une République, favorisera le vœu des Législateurs, dès que les circonstances le permettront. Leur silence, leur absolu silence, quoiqu'ordonné par la Constitution, annonce, plus que tout autre signe, la présence d'un maître.

Cependant ce parfait silence, qui paroît si commode à l'autorité suprême, et qui semble un gage de tranquillité, ne pourroit-il pas devenir embarrassant, si un esprit d'opposition venoit à se répandre dans l'Assemblée Législative ?

On en connoîtroit le progrès, en comptant les suffrages habituellement contraires au vœu du Gouvernement; mais on ne pourroit apprécier les motifs du mécontentement, faute d'un développement par la parole; on ne pourroit en découvrir le foyer; et, dans l'incertitude alarmante où l'on seroit jeté, dans l'impossibilité où

l'on se trouveroit d'employer à propos les moyens de persuasion ou d'entraînement, on recourroit d'autant plus vîte aux ressources expéditives de la puissance.

ON cherche, en vain, l'esprit d'une République dans la plupart des dispositions constitutionnelles dont nous avons fait l'examen jusqu'à présent; et on ne le reconnoît pas mieux à un privilège incompatible avec l'existence d'une Représentation Nationale, et dont nous allons parler.

Le Gouvernement seul, par une attribution exclusive, doit proposer toutes les lois.

Les Anglais se croiroient perdus, comme hommes libres, si l'exercice d'un pareil droit étoit enlevé à leur Parlement, si la prérogative la plus importante et la plus civique sortoit jamais de ses mains : le Monarque, lui-même, n'y participe qu'indirectement, et par la médiation des Membres de la Chambre haute et de la Chambre des Communes, qui sont en même temps ses

Ministres.

Les Représentans de la Nation, qui, de toutes les parties d'un Royaume ou d'une République, viennent se réunir tous les ans dans la capitale, et qui se rapprochent encore de leurs foyers pendant l'ajournement des sessions

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