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DOCUMENTS ORIGINAUX

CONTRAT D'ÉCHANGE ENTRE LE ROI ET M. LE COMTE DE BELLE-ISLE (2 octobre 1718).

Nous ne savons si cette pièce est inédite. Dans tous les cas, en raison de son importance, nous croyons devoir la donner ici. Mais quelques explications sont d'abord nécessaires. On sait que Belle-Isle est une petite île des côtes de l'Océan, au midi de la Bretagne, où elle forme aujourd'hui un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Lorient. Elle a environ 24 kilomètres de long sur 8 de large. Elle appartenait autrefois à l'abbaye de SainteCroix de Quimperlé, puis tomba en 1572 dans la maison de Retz. Le célèbre surintendant Fouquet l'acheta d'un duc de ce nom pour la somme d'environ 1,370,000 livres, et y fit construire des fortifications, ce qui plus tard lui fut imputé à crime dans son fameux procès, bien qu'il n'eût agi qu'avec l'autorisation du roi. Belle-Isle était une des retraites qu'il aurait cherché à se ménager. Elle revint par la suite à son petit-fils, Charles-Louis-Auguste, qui releva la fortune de sa maison et fut le célèbre maréchal de Belle-Isle sous Louis XV. Mais cette île, munie d'une bonne citadelle et formant comme un poste avancé de la Bretagne, était trop importante pour que l'Etat ne songeât pas tôt ou tard à s'en rendre possesseur. C'est ce qui eut lieu enfin, en 1718, par l'acte qu'on va lire. Le comte de Belle-Isle reçut en échange plusieurs comtés ou seigneuries, entre autres celle de Montoire, qui depuis six ans avait fait retour à la couronne avec le duché de Vendôme dont elle faisait partie. Quelques années après, le comte de Belle-Isle revendit la terre de Montoire à un M. Desnoyers de Lorme, homme de fortune, comme l'appelle l'abbé Simon, qui nous a raconté ses singulières aventures (Histoire de

Pardeuant les conseillers du Roy, notaires à

soussignez, furent présens très haut et très puiss gneur monseigneur Marc René de Voyer de P marquis d'Argenson, cheualier, garde des sce France, ministre d'Etat, ayant la direction et l'a tration principale des finances du Roy, haut et p seigneur messire Louis Urbain Lefèvre de Cau Conseiller d'Etat ordinaire, haut et puissant s messire Michel Robert Le Pelletier des Forts, Co d'Etat ordinaire et au Conseil de Finance, haut sant seigneur messire Claude Le Blanc, Secrétair et des commandements et finances, ayant le dépar de la guerre, tous commissaires députez par le l'effet de passer le présent contrat, tant par ar Conseil d'Etat du Roy, sa majesté y estant, du vi du mois de septembre dernier que par lettres p dudit jour signées Louis et plus bas Phelipeaux, collationnées desquels arrest et lettres patentes s

meurées jointes à la minutte des présentes, d'une part, Et haut et puissant seigneur messire Charles - LouisAuguste Fouquet, cheuallier comte de Belle Isle, maréchal des camps et armées du Roy, maistre de camp général des dragons de France, demeurant à Paris, rue et faubourg Saint Jacques, paroisse Saint Jacques du Haut pas d'autre part, Lesquels ont dit que Sa Majesté désirant pour le bien de son seruice et l'interest de l'Etat de consommer l'échange de la terre et marquisat de Belle Isle projetté par les rois ses prédécesseurs et de réunir à son domaine la propriété d'une place aussy importante, Saditte majesté a fait proposer audit Seigneur comte de Belle Isle de céder et abandonner à Sa majesté ladite terre et seigneurie de Belle Isle, à titre d'échange en luy cédant en récompense et contrechange dicelle les domaines, terres et seigneuries et comté de Gisors, Andely et Vernon, Longueüil, Auuillar, Beaucaire et Montoire ', la rente de Treize mille liures due pour la pezade2

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Gisors, les Andelys et Vernon sont en Normandie, aujourd'hui dans le département de l'Eure. Les Andelys forment un chef-lieu d'arrondissement, les deux autres des chefs-lieux de canton. Il y a plusieurs localités du nom de Longueil. Il s'agit sans doute ici de celle qui est de l'arrondissement de Dieppe (Seine-Inférieure). Auvillars (Gascogne) est aujourd'hui un chef-lieu de canton, arrondissement de Moissac (Tarn-et-Garonde). Beaucaire (Bas-Languedoc), aujourd'hui chef-lieu de canton, arrondissement de Nimes (Gard). Montoire, cheflieu de canton, arrondissement de Vendôme.

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2 La Pezade était, dans le principe, un droit dû au seigneur pour le maintien de la paix publique ou trêve de Dieu. Il était encore appelé commun de paix parce qu'il était dû par tous les habitants, laïques ou ecclésiastiques, et capitation, parce qu'il se prélevait par tête. Il existait particulièrement dans le comté de Rodez et dans le diocèse d'Alby, où il était passé à l'état de rente annuelle due au roi. (Ducange, Commune, et D. Vaissette, Histoire de Languedoc. t. IV, Preuves, p. 236.)

promettent, pour et au nom de Sadite majesté, de tous troubles et empeschemens généralleme conques audit Seigneur Comte de Belle Isle ce a pour luy, ses hoirs, successeurs, et ayans cause, nialement, à perpétuité et à titre de propriét mutable comme vray et loyal échange et non ra à prix d'argent, les domaines, terres, fiefs, seig bois, rentes et droits cy après scauoir. Les d terres, fiefs, seigneuries et comté de Gisors, A Vernon, auec le bois appelé le buisson bleu d de la Maitrise de lions 2, contenant enuiron neu pens en trois triages situé près la porte de l

La Leude était en général un impôt qui se payai marchandises. En Languedoc on appelait ainsi une péage pris sur les choses qui étaient importées à To des étrangers. (Ducange, Leuda. Robert de Hesseln, I universel de la France article Belle Isle.)

2 Lions ou Lions-la-Forêt, petite ville, chef-lieu de département de l'Eure, arrondissement des Andelys.

Gisors et éloigné de la forest denuiron deux lieuës, consistans lesdites terres, fiefs et seigneuries au domaine fieffé et non fieffé, droit de trauers et péage, tant par eau que par terre, droit de hallage, minage, mesurage, foüage et monéage', cens et rentes en deniers, grains, volailles, bacs, passages, notariats et générallement tous les domaines et droits dépendans desdites terres et seigneuries exprimées ou non exprimées; le tout réuny à la couronne par le déceds de Monsieur le duc de Berry; Le domaine, terre, fief et seigneurie de Longueuil, consistant en moulins, terres labourables, prairies, notariats et autres domaines et droits auec toutes les paroisses quy en dépendent quy sont actuellement dans la main du Roy et quy ont fait partye de l'ancienne chastellenie de Longueüil par démembrement du duché de Longueuille reüny à la couronne par le déceds du dernier duc de Longueuille; Le domaine, terre et seigneurie dauvillar situé à six lieües de Montauban, généralité d'Auch, consistant en un vieux château, au droit de boüade dans l'étendue de laditte terre et seigneurie, au droit de Saumade2, droit de passage sur la rivière de Garonne aux

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Hallage, droit que le roi ou les seigneurs levaient sur toutes les marchandises étalées dans les halles et foires. Minage, droit prélevé sur les grains qui se vendaient au marché. - Fouage et monéage sont expliqués par la Coutume de Normandie, art. 76: « Le Roy pour droict de monnéage peut prendre 12 deniers de trois en trois ans sur chacun feu pour son Monnéage et Foüage qui luy fut octroyé anciennement pour ne changer la monnoye. » On voit que fouage vient de focus, focagium.

2 La boüade ou bohade, usitée surtout dans le midi, consistait en ce que les sujets ou tenants du seigneur étaient obligés de lui fournir une paire de bœufs pour le transport de son vin: « Vinade entière, dit la Coutume de la Marche, art. 140, est entendue de deux paires de bœufz & une charrette; & droict de vouade est d'vne paire de bœufz ou d'une charrette.» La Saumade, en latin saumáta, était la charge d'un cheval, d'une bête de somme. Voir Ducange.

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