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lorsque parut l'édit du 18 juillet 1585, qu'Henri III avait fait publier en sa présence au palais, et par lequel il révoquait les précédents édits de pacification, et intimait à tous ses sujets huguenots l'ordre d'abjurer le protestantisme ou de vider le royaume, elle résolut de se retirer à Sedan, où elle mourut dans la suite. C'est probablement en vue de ce départ, qu'au mois de novembre 1585 elle fit donation en avancement d'hoirie, à son fils, Louis Servin, de tout ce qu'elle possédait dans la terre de Pinoches, tant de son patrimoine que de ses acquêts, avec abandon de l'usufruit qu'elle s'était précédemment réservé.

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Louis Servin paraît n'être pas resté bien longtemps à Vendôme, auprès de sa mère. Celle-ci ne tarda pas à l'envoyer à Orléans, pour étudier le droit civil sous François Bauduin, jurisconsulte renommé, qui avait un instant penché vers la réforme, et qui était assez avant dans les bonnes grâces d'Antoine de Bourbon pour que ce prince lui confiât l'éducation d'un fils naturel 2 qu'il avait de la belle du Rouet. Il ne s'était guère écoulé plus d'une année lorsque Servin prit sa licence ; mais l'exiguïté de ses ressources ne lui permettant pas de prolonger son séjour à Orléans, il résolut de tenter la carrière du barreau du parlement, et vint à Paris, où il commença par faire maigre figure, car toute la fortune de la famille consistait dans une partie de la terre de Pinoches, qui donnait au plus deux ou trois cents

L'acte fut passé le 16 novembre 1585 en la maison seigneuriale de Mellay (sic) par devant Maître Co... Blondeau, notaire juré en la Cour de Vendôme, en présence de Thomas Maraitz, verdier du seigneur de Mellay, demeurant à Rochambeau, paroisse de Thauré (sic), de Maximilien de la Cour, fétissier, et de Jean Bermonay, homme de bras. Louis Servin, Ec., seigneur de Pinoches, avocat à la cour du parlement, n'était pas présent; il se fit représenter par un mandataire, suivant procuration par lui donnée en son domicile, rue du Battouaire.

2 Charles de Bourbon, évêque de Lectoure et archevêque de Rouen.

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avait plus étudié les lettres à Ge Orléans. Il avait même, à en croin une opinion peu juste sur sa prof pensé que la meilleure preuve que avocat de son talent était de parle traiter dans des plaidoyers quelqu rapportant tout ce qu'il savait avo ce sujet. Il semait à profusion da citations grecques et latines, et, pou relief encore, il en fit même en h

Il sentait, néanmoins, combien il travaillait dans ce but. Une pensé comprendre le profit qu'il pourrait des gens éclairés, et il chercha à société des beaux esprits qui vivai tels que M. l'avocat du roi d'Esp conseiller au parlement, M. Houllier des Aides, MM. Pithou, Lefèvre, H veillant auteur de la lettre de 1617 admis qu'à cause de la légèreté promettait quelque agrément, et rience, dont on s'amusait parfois

en lui faisant croire des choses imaginaires ou impossibles. C'est ainsi qu'on l'envoyait chez les libraires demander des livres qui n'avaient jamais existé, et qu'un jour on le fit aller au faubourg Saint-Honoré pour y voir une canne chaussée d'escarpins blancs qui dansait merveilleusement bien el en mesure, au son du violon, toute sorte de danses et particulièrement les branles du Poitou. Une autre fois, on lui avait persuadé qu'un petit mulet, dont l'abbé d'Elbène se servait pour aller par la ville, n'avait pas besoin d'écurie, et que la nuit il couchait sur une perche avec les oiseaux.

On a quelque peine à comprendre que de pareilles plaisanteries aient pu réussir auprès d'un homme, qu'en raison de la carrière qu'il a fournie, on ne peut supposer avoir été très-naïf ni très-crédule. Mais il était jeune alors, et mettait peut-être de la complaisance à se prêter aux amusements de graves personnages, dont l'appui pouvait lui être d'un grand secours pour se faire une place au barreau.

C'est sans doute au palais qu'il fit connaissance de l'avocat Duhamel, qui, devinant un mérite réel sous l'enveloppe imparfaité d'un talent encore sans maturité, lui donna sa fille en mariage. Servin alla habiter dès lors avec son beau-père, et, dans les relations de la vie commune, celui-ci, aidé de Jacob Duval, autre avocat de talent, qui avait épousé une de ses nièces, eut de fréquentes occasions de lui faire de judicieuses observations sur sa manière de plaider, et de lui donner d'utiles conseils. Servin eut le bon esprit d'en tenir compte, et réussit à transformer son talent de la façon la plus heureuse.

Il eut moins de fidélité que ses parents pour la religion dans laquelle ils l'avaient élevé. On ne connaît ni le temps, ni les circonstances dans lesquelles il abjura le protestantisme; peut-être ce fut-il pour obéir à l'édit de 1585, car on le voit, vers ce temps, en relations avec de graves catholiques, entre autres avec le curé de Saint-Côme et Saint-Damien, qui fut un ligueur fou

gueux et l'un des prédicateurs de la faction des Seize 1. Son beau-père avait su lui concilier les bonnes grâces de ce prêtre, qui le chargea de suivre un procès, dans lequel Servin prononça, en 1586, deux plaidoyers qui eurent un certain retentissement, parce qu'il se rattachait à la cause une question d'intérêt public, celle du maintien des priviléges de l'Université contre les empiétements de la cour de Rome.

Une ancienne transaction, passée en 1345, entre l'abbé de Saint-Germain-des-Prés et l'Université, donnait à celle-ci un droit de patronage sur les cures de SaintAndré-des-Arcs, de Saint-Germain-le-Vieil et de SaintCôme et Saint-Damien. Le titulaire de cette dernière cure étant venu à mourir, l'Université avait présenté pour successeur, à la confirmation de l'évêque, Jean Hamilton, licencié de la faculté de théologie, fort docte personnage, qui avait fait l'éducation des cardinaux de Vendôme et de Joyeuse, mais Ecossais de naissance, se fondant sur les lettres patentes du mois de juin 1558, par lesquelles le roi Henri II, à l'occasion du mariage du dauphin François avec la jeune reine d'Écosse, Marie Stuart, avait confirmé d'anciens priviléges, accordant aux écoliers écossais la faculté d'être admis à tous bénéfices à l'égal des Français. Mais Jean Hamilton se voyait contester la jouissance du bénéfice par maître Pierre Tenrier, qui prétendait en avoir été pourvu par la cour de Rome, après résignation du dernier titulaire, Claude Versoris. Servin, établissant le droit de l'Université par des titres anciens et précis, démontra que sans l'assentiment et la confirmation de celle-ci, la résignation ne pouvait être valable, et qu'alors la cour de Rome n'avait pu pourvoir utilement à la vacance. Le parlement admit ce système, et adjugea recréance à Jean Hamilton, c'est-àdire le maintint dans la possession de la cure. Ce résultat causa une grande joie aux écoliers écossais, qui adres

L'un des organisateurs de la fameuse procession de la Ligue.

sèrent leurs félicitations à Servin dans plusieurs pièces de vers latins 1.

Quelque incontestable qu'ait été ce succès, il ne fut pas cependant suffisant pour attirer à notre avocat des causes qui continuaient à être rares. Pressé par le besoin de tracer sa carrière et par le sentiment de sa valeur personnelle, il s'irritait des difficultés qu'il rencontrait à marquer sa place au barreau. Il paraît avoir eu pour les vaincre moins de scrupules que d'ardeur, car, sans se préoccuper de ses antécédents, il prit parti pour la Ligue qui se développait rapidement sous les auspices des princes Lorrains. Lorsque, après la journée des Barricades (12 mai 1588), le roi, ouvertement bravé dans Paris par le duc de Guise, se fut retiré à Blois pour y convoquer les Etats, on vit Servin arriver dans cette ville coiffé d'un chapeau à longs bords, fesant le papelart, contrefesant le prudhomme et recherchant la faveur du duc de Guise, du président de Nully et des députés 2, dans l'espoir de trouver à utiliser ses talents et son activité, au milieu des communications qui allaient être nécessairement échangées entre les différents partis. Mais il avait contre lui son origine et ses antécédents, qu'il ne put faire oublier et qui firent échouer tous ses efforts.

Rebuté de ceux en qui il avait placé ses espérances, il croyait avoir perdu toute chance de succès, quand des évènements politiques, qu'll faut rappeler, lui ouvrirent inopinément une voie nouvelle. La sanglante tragédie qui s'était jouée au château de Blois, dans la matinée du 23 décembre, avait été bientôt suivie de la clôture des Etats 3, et la mort du prince de Guise était

Deux de ces pièces sont imprimées à la suite de son plaidoyer. En 1627, l'Université eut encore un procès semblable pour cette même cure contre un Normand nommé Lisot, qui en avait été pourvu par la cour de Rome. (Lettre de Guy Patin à André Falconnet du 31 mars 1667.)

2 Lettre de 1617.

315 janvier 1589.

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