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dit-on, de réciter ses pièces à Athènes, monté sur un cheval. La pièce, généralement pourvue de plus de verve que de correction, déplaisait-elle, un coup d'éperon emportait la scène et l'auteur en un autre lieu. Plus tard, il se fit justice et détruisit plusieurs de ses Anaxandridès manuscrits. Chaméléon raconte, en effet, dans Athénée, que le jour où l'une des comédies d'Anaxandridès ne réussissait pas, le poëte résigné la donnait au droguiste pour la débiter par morceaux (1).

donnait

au droguiste

les feuilles

de ses pièces

qui ne réussissaient pas.

Respect des Chinois

pour

le papier écrit

Les anciens faisaient pis encore : ils réalisaient avec le papier ce que traite ex professo, par ordre de matières, un savant livre de Rabelais, et ce qui donne le parfum à la piquante épigramme lancée par Piron contre les Beaunois. Catulle traite aussi crûment les Annales de Volusius (2); et le grave Sénèque frappe du même ostracisme, mais à mots couverts, les pages ennuyeuses d'un autre annaliste.... « Quam ponderosi sint et quid vocentur (3).

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Loin, bien loin de là aux usages de la Chine. Agir de la sorte serait sacrilége.

Le respect du Chinois pour le papier écrit ou imprimé est absolu. Voyant dans l'art de parler aux ou imprimé. yeux par des caractères un don venu d'en haut, l'écriture à la main et l'impression, en tant que moyens de reproduction de la pensée, sont pour lui chose sacrée. D'où il suit que l'art de faire de l'encre, de même que tous les arts qui ont rapport aux sciences, est honorable à la Chine, où ce n'est que par les sciences que

(1) ATHEN., 1. IX, p. 374 de l'édition de Casaubon.

(2) CATULLI Carm. XXXVI.

(3) SENEC., Epist. 93. Ad Lucilium.

l'on

s'élève aux dignités (1). Dès lors, une feuille écrite ou imprimée, fût-elle trouvée dans la rue, ne sera jamais foulée aux pieds ni employée à envelopper un paquet: on la recueille avec égard.; et dans le vestibule de chaque maison se trouve une cassolette à parfums, destinée à recevoir et à brûler les papiers, soit manuscrits, soit imprimés, devenus inutiles ou trouvés. Le thé, ainsi que tous les autres objets de commerce que la Chine envoie en Europe, ne sont jamais empaquetés que dans du papier blanc. C'est encore du papier blanc que les portefaix chinois emploient pour envelopper et porter les fardeaux de peu de poids. Ainsi encore, les mouchoirs étant à la Chine un objet de montre et de luxe extérieur, comme ils le sont pour nos femmes, tout grand dignitaire est suivi d'un valet qui, dans les visites de cérémonie, lui tient son crachoir et lui présente de petits papiers toutes les fois qu'il a besoin de se moucher. Ces papiers sont blancs, jamais écrits ni imprimés. Ainsi, chez nous, on peut jeter à sa guise l'argent par les fenêtres, jamais le pain, symbole vénéré par le peuple; respect que partagent les nations de l'Orient. On connaît, par exemple, ces fêtes instituées sous Louis XIV, aux Échelles du Levant, par un gentilhomme nommé de Gastines, chargé par le ministère de la marine de l'inspection des consulats en Orient. Ces fêtes, célébrées à nos quatre grandes solennités religieuses et à la fête du souverain, consistaient en une procession de tous les Français et protégés de France, qui

(1) Voir Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, par le père DU HALDE. Vol. Ier, p. 135. Paris, 1735, in-fol.

Respect égal

au respect

pour le pain.

Respect

de

d'Assise

venaient, en corps de nation, prendre le consul à son hôtel, pour l'accompagner au service divin et le reconduire ensuite à sa résidence. Occasions politiques de resserrer les liens de la nationalité française, et de la relever aux yeux des populations locales, curieuses de tout ce qui jette de l'éclat, ces solennités, qu'on appelle les Gastines, du nom du fondateur, se sont perpétuées de nos jours, telles qu'elles se passaient sous le grand roi. Un jour, à Alep, un des janissaires de l'escorte, qui ne se dérangeraient pas pour un monde, vint à apercevoir un morceau de pain tombé sur la route; vite il descendit de cheval pour ramasser ce pain et le poser en dehors du chemin avec précaution. Chose remarquable! le même respect pour l'écriture, saint François ce pain de la pensée, était professé par saint François d'Assise, dont l'histoire est si édifiante, la légende si touchante et si miraculeuse, et qui florissait dans les premières années du treizième siècle (saint François d'Assise naquit à Assise, en Ombrie, l'an 1182, et mourut le 4 octobre 1226). Rencontrait-il sur son chemin quelque lambeau d'écriture, il le relevait soigneusement, de peur de fouler aux pieds le nom du Seigneur ou quelque passage qui traitât des choses sacrées. Et comme un de ses disciples lui demandait pourquoi il recueillait avec le même scrupule les écrits des payens, il répondit : « Mon fils, c'est avec les lettres de ces écrits que se forme le très-glorieux nom de Dieu. Ce qu'il peut y avoir de bon en tout cela n'appartient pas plus aux payens qu'à tels autres hommes, mais à Dieu seul, de qui procède tout bien.—Fili, litteræ sunt ex quibus componitur gloriosissimum Dei

pour toute chose écrite.

Sur quoi

fondé.

nomen. Bonum quoque, quod ibi est, non pertinet ad paganos neque ad aliquos homines, sed ad solum Deum, cujus est bonum (1). »

Or, si la Chine a le même respect que saint François pour le moindre chiffon volant, que sera-ce donc pour l'écriture qui aura une signification réelle? Que sera-ce pour celle des aïeux?

Les aieux

chez

Les aïeux, dans le Céleste Empire, où le culte domestique est le premier des cultes, sont les dieux Lares les Chinois. de l'antiquité. Là, toute maison, palais ou chaumière, a son autel de famille, où, chaque jour, le fils pieux se prosterne et brûle des bâtons d'encens en l'honneur de ceux qui ne sont plus. Leurs autographes ne pouvaient donc manquer de devenir l'un des principaux objets de cette touchante superstition des souvenirs. La religion des ancêtres enfanta naturellement le culte des hommes utiles au bien-être ou à la gloire de la patrie, et le goût de leurs autographes devint bientôt une passion générale. L'autographe fut comme Autographes une vivante émanation de leur personne, comme une antiquité contemporaine qui doubla le respect et consacra l'hommage.

des aïeux.

Un

ou

autographe de souverain de personnage ne saurait être l'objet d'un

célèbre

En Europe, ce genre de curiosité a ses marchés, ses entrepôts, ses prix courants; en Chine, il a fait constamment l'objet, sinon d'un commerce patent proprement dit (car on n'y admet point cette expression pour les reliques des hommes célèbres), au moins d'une sorte d'appréciation vénale qui n'a jamais eu de les Chinois. limites certaines, et s'est toujours mesurée, comme en

(1) THOMAS DE CELANO, X. Cf. OEuvres d'Ozanam, t. V, pp. 50-51.

commerce avoué chez

Europe, sur la rareté, l'importance et l'état de conservation des pièces, sur la célébrité, le rang et les vertus des hommes dont elles étaient émanées.

Indépendamment du sens moral attaché à la conservation de tout écrit de personnage illustre, la partie purement graphique de la pièce, la beauté de l'écriture eut aussi son intérêt. En effet, pour peu qu'on examine le système d'écriture usité en Chine depuis la fondation de cet empire par l'empereur Fou-Hi, deux mille neuf cent cinquante-trois ans avant Jésus-Christ, suivant les traditions chinoises, plus hardies, il est vrai, que prouvées, on se rend facilement compte de des Chinois. la passion autographique dont les Chinois nous fournissent l'exemple. Déjà ils étaient un peuple calligraphe, amoureux de l'élégance dans le trait de plume en des temps où, chez les autres peuples plus ou moins civilisés du globe, on n'avait même pas de mot propre pour rendre l'idée attachée maintenant au mot autographe.

Passion

autographique

Formation

de l'écriture

chez

les Chinois.

par

le

Les auteurs les plus anciens dont la Chine possède les récits ne font pas remonter leurs écrits authentiques au delà du cinquième siècle avant notre ère. Tout ce qui est antérieur ne repose que sur des traditions ou sur des mémoires qui se sont presque tous perdus dans la grande conflagration des livres fondateur de la dynastie des Tsin, l'empereur CheHoang-Ti, cent soixante ans avant l'ère chrétienne. On s'accorde à raconter sur ces époques obscures qu'au temps où les Chinois passèrent de la vie sauvage à la vie sociale et civilisée, ils commencèrent à exprimer leurs idées au moyen de noeuds de laine ou de soie, de diverses couleurs, attachés à des cordelières

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