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berine et Albani. L'abbé Marini, bibliothécaire du Vatican, en possédait personnellement un volume : c'était la correspondance de Peiresc avec Jean Selden. Le garde de la Barberine, Compagnoni, évêque d'Osimo, écrivait, il y a plus de cent ans, au prélat Vignoni, évêque de Carpentras, que, pendant qu'il était à la tête de la bibliothèque, il avait réuni, en deux volumes lui appartenant en propre, des lettres de divers savants à Peiresc. Au temps de Louis XIV, un avocat au Parlement d'Aix, nommé Sibon, en avait dix volumes de la main de cet homme illustre, ou écrites sous sa dictée par ses secrétaires, Lord Buchan possédait également plusieurs volumes de lettres de ce savant, ou qui lui étaient adressées. Le comte de Trimond en céda quatre volumes au président de Saint-Vincens, son ami. On en retrouve encore deux recueils dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale de Vienne, au fonds du comte de Hohendorf, aide de camp du prince Eugène de Savoie, auquel ce prince avait donné le vol, et qui avait une magnifique bibliothèque de manuscrits et d'imprimés (1). J'en ai aussi deux volumes. Où n'en trouve-t-on pas?

Lorsqu'en face de ces montagnes de correspondances encyclopédiques, on songe que Peiresc, conseiller au

(1) On a un catalogue de la bibliothèque de ce Curieux, sous ce titre : Bibliotheca hohendorfiana, ou Catalogue de la bibliothèque de feu M. George-Guillaume, baron de Hohendorf, dans son vivant colonel des cuirassiers au service de Sa Majesté Impériale et Catholique, gouverneur de la ville et de la châtellenie de Courtrai, et commandant des gardes à cheval de Son Altesse Sérénissime le prince Eugène de Savoye, etc., etc., etc. A la Haye, chez Abraham de Hondt, 1720. Deux vol. in-8°.

TOME II.

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Il en reste

encore

un grand nombre.

Peiresc naturalise

en Europe des plantes étrangères.

Parlement de Provence, et remplissant avec scrupule ses fonctions de magistrature, ne s'était point retiré des intérêts du siècle; quand on sait qu'il avait un observatoire sur les tours de Beaugensier; qu'il avait des médailles, des jardins botaniques, des collections de portraits, une bibliothèque considérable pour le temps, et où il entretenait à sa solde un relieur, un sculpteur et un peintre; quand on se souvient qu'il mit au jour des livres oubliés, des manuscrits perdus, et qu'il entretenait en Europe, en Asie, en Égypte et dans le nouveau monde des courtiers de science, de littérature et d'art, tels que Pierre Lombard, Samson, le Père Minuti, Minime, etc., chargés de fouiller la Bibliothèque du Roi à Paris, la Bibliothèque Ambrosienne à Milan, celles du Vatican et de l'Escurial, et de recueillir par tout le monde des antiquités ou des objets d'histoire naturelle; quand on se rappelle qu'il trouvait encore le temps d'aider Henri-Auguste Loménie de Brienne à augmenter les grandes collections de lettres originales de princes et d'ambassadeurs, d'instructions, d'ordonnances royales, formées par son père, notre imagination s'étonne et notre paresse s'épouvante. Ah! si l'homme savait le prix d'une minute et le rapport des secondes aux idées et aux choses!

C'est à cet infatigable Peiresc qu'on doit l'introduction et la naturalisation en France du jasmin de l'Inde et de celui d'Arabie; du grand jasmin d'Amérique ou gaïac à fleurs rouges; du lilas de Perse et du laurierrose; du styrax, du gingembre et du lentisque; de la nèfle et de la cerise sans noyau, enfin de plusieurs espèces de vignes rares de Tunis, de Smyrne, de Da

mas, de Sidon, de la Nouvelle-France. L'éducation des végétaux, comme celle des hommes, exige un dévouement qu'une sorte de passion peut seule inspirer : il avait cette passion comme il avait celle des lettres. Sans doute, au milieu de tant de soins et d'immenses dépenses, il dépassa les ressources de son patrimoine. Mais que lui importait de dévorer sa vie et sa fortune? Il était utile. Il se livrait donc sans regret à ses entraînements comme tant d'autres dont le renom a survécu à leurs richesses: comme Fabrot, le doyen des professeurs en droit à l'Université d'Aix; comme Bernard Palissy, brûlant ses meubles pour triompher de la science et de l'art; comme jadis Platon, essuyant tant de remontrances de sa famille pour avoir, malgré sa détresse, payé très-cher les écrits autographes du pythagoricien Philolaüs.

Un nommé Rasse des Nœuds, chirurgien du seizième siècle, ce qui était si peu de chose à cette époque, avait réuni, à force de diligence et de sagacité, un cabinet d'autographes et surtout une bibliothèque dont les connaisseurs recherchent encore les livres de bon choix, de bonne condition et chargés de notes de sa main, toujours intelligentes.

Les portefeuilles du cardinal Granvelle forment l'un des plus précieux ornements de la riche bibliothèque de la ville de Besançon, dont le conservateur, M. Weiss, fait honneur aux lettres. Le chancelier le Tellier, le président de Lamoignon, le maréchal d'Estrées, le chancelier Daguesseau, la maison de Noailles, ont laissé des cabinets considérables de papiers manuscrits qui touchent à toutes les questions de l'administration

Rasse des Nœuds.

Portefeuilles
Granvelle.

du cardinal

frères Godefroy.

publique, de la justice, de la diplomatie, de la

guerre,

Collection des de la marine, de la littérature. Les éminents jurisconsultes Godefroy, à qui l'on doit de bons livres de droit public et international et des histoires, avaient amassé des portefeuilles considérables de lettres autographes, de documents de tout genre d'un incontestable intérêt pour l'histoire de France, desque's ils ont fait eux-mêmes leur profit et qui ont fourni des lumières à plusieurs autres historiens. Cette riche collection est un des trésors de la Bibliothèque de l'Institut.

Papiers de Mazarin.

Entre les cabinets qui ont versé leurs richesses immenses et inappréciables à la Bibliothèque alors royale, et attestent que le goût des documents écrits, sans être aussi répandu qu'il l'est de nos jours, n'a jamais cessé d'être cultivé en France, il faut compter celui de M. de Loménie, acheté par le cardinal Mazarin, dont il est toujours bon de reparler en semblable matière. Cet Italien si Français, curieux de toutes les choses de l'esprit, a laissé une quantité considérable de documents disséminés en Italie et en France. Tour à tour militaire et négociateur, il intervint, au nom de Rome, dans la guerre de la succession des duchés de Mantoue et du Montferrat, s'interposa avec intrépidité, en 1630, sur le champ même de bataille, entre la France et l'Espagne, arracha la paix, négocia le traité de Cherasco, et réussit à faire donner Pignerol à la France par le duc de Savoie. Nommé vice-légat d'Avignon, goûté par Richelieu, il s'attacha désormais à la fortune de la France. Dans toutes ces vicissitudes, à une époque peu connue de sa vie, il a

semé de lettres tous ses pas diplomatiques. Ces lettres,
dont un Curieux, heureux fureteur, a recueilli des ori-
ginaux et des copies nombreuses, jetteraient une vive
lumière sur l'histoire de ces temps agités. Elles éclaire-
raient aussi d'un jour piquant les années de jeunesse
de cette âme ardente qui a payé un tribut aux passions
autres que les passions ambitieuses. Deux lettres de lui,
brûlantes comme les plus brûlautes de Saint-Preux,
existent encore dans le cartulaire intime d'une famille
romaine, et attestent qu'il avait recherché en mariage
une belle jeune personne de grande famille. Le minis-
tère des Affaires étrangères possède, reliées en plusieurs
centaines de volumes, les correspondances politiques
adressées au cardinal. Des milliers d'autres volumes
relatifs à son administration sont disséminés partout,
et la Bibliothèque impériale garde une série de ses car-
nets qui ont été l'objet d'études de M. Victor Cousin.
Un Curieux qu'il serait injuste d'oublier, amoureux
de lettres et de documents écrits, encore plus connais-
seur en livres, est cet ancien précepteur du marquis
de Coislin, Jean Balesdens, membre obscur de l'Aca-
démie française, éditeur oublié de Grégoire de Tours,
flatteur du chancelier Séguier, et dont rien n'est resté
que
de vieux livres qu'il aimait, qu'il choisissait bien,
et que recherchent encore les bibliophiles de nos jours.
Ces bons vieux livres! tout y sourit, et le dedans et le
dehors. Toujours en fruits, toujours en fleurs. Comme
ils sont de bon style, de bon commerce, de bon con-
seil! comme ils entrent sans bruit dans le vrai de l'in-
trigue et de la mascarade humaine! comme ils instrui-
sent! comme ils consolent! comme par eux on s'entend

TOME II.

29*

Le curieux
Jean
Balesdens.

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