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« Dans ce temps une excessive famine se fit sentir sur toute la province, et plusieurs moururent de faim (1). Le comte Charles défendit la fabrication de la bière dans la Flandre, à cause du manque d'avoine, disant qu'il valait mieux que les riches bussent de l'eau, plutôt que les pauvres ne périssent par la faim. L'abbé Ségard, de notre monastère, touché de compassion par tant d'infortunes, fit vendre les calices d'argent et d'autres ornements, afin de venir en aide aux malheureux. Peu de temps après trépassa le seigneur Raoul de Normandie, prieur de notre maison de S. Amand, située dans le noyonnais. Il fut inhumé dans le cloître près l'entrée de l'église par Théodoric abbé de S. Eloi de Noyon, qui l'aimait extrêmement, à cause de sa profonde religion (2).

On ne peut passer sous silence le récit d'Hériman sur les derniers instants de Raoul, le prévôt, son père. Nous lui devons un souvenir particulier, puisque c'est à sa demande que l'évêque de Noyon céda le prieuré à l'abbaye de S. Martin.

«Aussitôt que la mort du prieur de Machemont, fut connue, continue la chronique, Raoul notre prévot en fut très affligé et ressentit en même temps tout le poids d'une grave infirmité. Nous eûmes tous alors, un témoignage admirable, de son ardent amour pour notre maison, et de la grandeur et de la force de son âme en proie aux souffrances. A peine eut-il reçu l'extrême-onction des mains de son abbé, au milieu de ses frères en pleurs, qu'il sollicita de ses quatre fils, d'être placé sur un cilice à terre. Voulant, à l'exemple du glorieux S. Martin, reposer trois ou quatre jours sur la cendre et le cilice. Théodoric, son frère, le plus riche de la ville, apprenant l'extrémité où il se trouvait, vint incontinent le visiter, il ne put retenir d'abondantes larmes, en le voyant étendu si durement. Mais ce religieux, à l'âme si grande et si fortement trempée, lui parla avec zèle, du détachement et du mépris des richesses.

(1) Ce fléau eut lieu en 1125. Le prieur Raoul ayant été nommé 1103 et étant mort peu après la famine, a dû rester 23 ans à Machemont (2) Les religieux de S. Eloi étaient aussi des bénédictins. Levas.

en

Après quoi il trépassa le dimanche avant Noël pendant le chant des matines, à l'heure où S. Martin quitta ce monde. »

L'abbé Ségard voulut l'inhumer dans le chapitre, par honneur pour le dévouement de cet ardent religieux, qui avait contribué presque seul, au rétablissement de l'abbaye. Ces enfants, se conformant au sentiment de leur père, demandèrent que sa tombe fut semblable à celle des autres religieux, et qu'euxmêmes, après leur mort, reposassent auprès de celui qui leur avait appris à faire un si noble emploi de la vie. Ainsi mourut cet homme adonné pendant trente ans à toutes les vertus d'un bon religieux, faisant à Dieu le sacrifice complet de tout ce qui coûte le plus au cœur humain. Mainsende, sa femme, le suivit douze ans après. Ses quatre fils, déposèrent ses restes vénérés auprès de leur père; souvent ils venaient prier avec ferveur pour le repos de leurs âmes, demandant à Dieu de maintenir dans leurs cœurs, les rares et sublimes vertus dont ils étaient héritiers.

II. Foulques (1).

Le chapitre de Noyon possédait en 1130, la plus grande partie des terres de la vallée de Montigny environ 120 mines ou 40 hectares. Les habitants jouissaient de ce fonds moyennant une redevance annuelle, payée par les dîmes, etc. Ce vallon n'était séparé du prieuré que par une colline. Comme les chanoines se rendaient souvent à Saint-Amand, pour y goûter les douceurs de la solitude, y raviver leur piété, y passer même les dernières années de leur vie, ils eurent la pensée d'augmenter les ressources du nouveau monastère. Depuis la sentence du concile de Beauvais, qui réglait le différend entre le prieuré

(1) Ce nom figure parmi les signataires de la donation de la terre de Devincourt. Ch. de 1140. S. Falconis prioris. Il devait ètre le prieur de S. Amand, sans quoi le don de l'abbé de S. Médard, eut manqué d'acceptant. Il a été impossible de trouver l'entrée et la sortie des prieurs, aussitôt que leurs noms paraissent dans une Charte, ils sont mentionnés. Celui de Foulque ne figure qu'en 1140, mais son successeur est si rapproché de cette date, qu'il a dû venir après Raoul.

et le chapitre, sur l'aleu de Lassigny, la bonne harmonie n'avait cessé de régner. C'est pourquoi, en 1130, le don de la propriété des vallées de Montigny fut décidé par les chanoines, et offert à l'abbé de SaintMartin, de Tournai, pour participer aux prières et bonnes œuvres de la communauté.

Par le contrat, le prieur percevait les cens des terres et la dîme des arbres fruitiers, à charge de payer annuellement douze deniers, au donateur, à la nativité de Saint-Jean; si au jour dit cette redevance n'était soldée, on laissait un délai de quinze jours, après lequel il y avait amende de douze sous. Ce terme écoulé, le chapitre rentrait dans sa propriété, jusqu'à ce que l'amende et le cens fussent acquittés. Cette charte fut revêtue du sceau du chapitre et des signatures de ses principaux dignitaires. Aussitôt que Gautier devint abbé de Saint-Martin, il pria l'évêque d'affirmer cette donation, ce que fit Simon dans une charte de 1137. Ce document montre que les revenus de cette terre, étaient affectés au camérier de l'évêché, et pour en rappeler le souvenir, le cens payé par les religieux recevait la même destination. Le prélat réduisit à six deniers le cens payable à la Saint-Remi. Redevance légère, maintenue bien plus pour perpétuer l'origine du bienfait, que pour créer une charge.

L'année même (1130), on la vallée de Montigny, fut offerte à Saint-Amand, Mainsende lui donnait un moulin qu'elle possédait à Tracy, au hameau d'Ollencourt. Cet acte consenti par ses enfants, reçut l'approbation de l'évêque de Noyon. Mainsende ne devait être autre que l'épouse si distinguée de Raoul d'Osmont, celui qui demanda Saint-Amand à l'évêque Baudry. Cette femme était entrée en religion dans sa propre demeure, devenue le premier couvent de bénédictines de Tournai. Elle y mourut quelques années après, se recommandant, corps et âme, à SaintAmand (1).

Nous verrons bientôt son moulin être le sujet d'une

(1) Chron. d'hérim. C. 68.

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