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Sur le rétablissement de l'Abbaye de Saint-Martin à Tournai

MAISON - MÈRE DE SAINT-AMAND

ET SUR CE TRAVAIL

Iste sanctus Eligius inter præclara cœnobia quæ per Galliam construxit, etiam ecclesiam S. Martini Tornacensis in loco ubi nunc restaurata est, edificavit. Chron. d'Hérim, n° 93.

Vers la fin du onzième siècle, la ville de Toul possédait un professeur de belles-lettres, distingué par sa science et sa brillante manière d'enseigner, il était originaire d'Orléans et se nommait Odon. Sa réputation parvint à Tournai, où le chapitre de la cathédrale le demanda, pour lui confier la jeunesse du pays. Il accepta ce poste important, ses vertus lui gagnèrent vite l'estime générale, et à son titre d'écolâtre se joignit bientôt celui de chanoine. Cousin dans son histoire de Tournai en parle ainsi : « Son renom << était si grand, qu'il avait des escholiers non seule<<ment de Flandre, de Normandie et de Bourgogne, << mais encore d'Italie et de Saxe, lesquels il instruisoit soigneusement en la piété, les conduisait «<luy-même à l'église en nombre presque de deux cens, marchants avec gravité et modestie, quand ⚫ c'eussent été des religieux des mieux réglés du monde (1). » Odon, expliquant un jour le quatrième livre de Boëce, sur la consolation de la philosophie, où il parle du libre arbitre, corrobora sa démonstration par l'ouvrage de Saint-Augustin sur le même

(1) Hist. de Tournai par Cousin, T. 3. C. 28. Il était désigné sous le nom d'Ecolâtre, et signa dans la donation de l'autel de Weruy en 1090, s. Odonis scolastici. Odon se change aussi en Odard (ibid).

sujet. La pensée du grand docteur, comparant l'âme qui perd sa dignité, et reste dans le monde occupée à des futilités, à un esclave qui travaille à curer un égout, le saisit si fortement, qu'il sacrifia son ẻminente position, pour se consacrer plus intimement à Dieu.

En compagnie de cinq de ses disciples, il vint trouver l'évêque, et lui demanda de se retirer dans un monastère, ruiné par les Normands et abandonné depuis 200 ans. Ce lieu, jadis florissant, provenait de l'abbaye fondée par Saint-Eloi, en l'honneur de Saint-Martin de Tours (1), il appartenait à un avoué nommé Raoul, qui le céda volontiers aux nouveaux religieux. Le dimanche suivant 1er mai 1902, jour 42 1042 des SS. apôtres Philippe et Jacques, l'évêque Radbod, accompagné du Chapitre et d'une grande foule de peuple, conduisit processionnellement Odon et ses compagnons dans leur pauvre demeure, la leur livrant libre et exempt de tous droits, pour y servir Dieu en habits de chanoine, sous la règle de SaintAugustin (2).

La détermination du célèbre écholâtre produisit dans le monde une profonde impression, on venait le visiter de toutes parts, et malgré les privations nombreuses imposées par les exigences d'une première installation, les novices augmentaient chaque jour. Plusieurs nouveaux arrivés, pensant mener dans ce lieu, la vie de chanoine, plus douce que celle des religieux, ne purent résister aux rigueurs de la règle et l'abandonnèrent. Ce fut un coup sensible au cœur d'Odon. Au milieu de son affliction, il reçut la visite de l'abbé Haimeric, qui lui conseilla de quitter l'habit blanc des chanoines; « si vous avez complètement rompu avec le siècle, prenez le costume noir des religieux, lui dit-il, ceux qui viendront à vous,

(1) Ce monastère avait été fondé en 650 par Saint-Eloi, sur le lieu, où la radition rapportait que Saint-Martin avait prêché et opéré des miracles. Hist. de Tournai, par Cousin, t. 1. c. 32 t. 2. c. 20. Chronique d'Hérim., numéros 43, 93. Gall. christ. t 3. col. 273.

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(2) Hist. de Tourn. t. 3. c. 28. Heriman place cette entrée la veille de mai.

seront pleinement éclairés, sur votre vie intérieure. » Ces paroles plurent tellement à Odon et à ses compagnons, que le lendemain celui qui les avait prononcées, revêtait de la robe noire, les douze clercs de Saint-Martin. Depuis ce jour il n'y eut plus de chanoines réguliers de Saint-Augustin dans cette abbaye, mais des religieux de Cluny, première branche de Saint-Benoit (1). Ceci se passait l'année de la Restauration de Saint-Martin en 1093.

A cette époque l'esprit religieux prenait un essort considérable, de nombreux couvents surgissaient partout du sol de la France, c'était l'ère monastique la plus riche en vertus prodigieuses, en œuvres extraordinaires. Cet esprit pénétrait les masses, se manifestait en public, comme dans l'intimité du foyer domestique. Le fait suivant le prouve assez, et son principal acteur obtiendra bientôt notre prieuré, pour son abbaye. Alors vivait à Tournai un jeune ménage, admiré par ses sentiments élevés et sa généreuse piété. Il se composait de ce même Raoul, l'avoué, qui avait abandonné ses droits sur les ruines de l'abbaye de Saint-Martin, son épouse s'appelait Mainsende. Leur commun désir était de mettre en pratique les conseils évangéliques, de quitter le monde en consacrant à Dieu leurs enfants. L'aîné, âgé de 7 ans, s'était enfui déjà plusieurs fois, près de l'abbé de Saint-Martin, et malgré la tendresse et la mobilité de cet âge, malgré les efforts de son père pour éprouver sa vocation, il demeurait ferme dans sa résolution.

Un an après le départ du jeune Thierry, Raoul pressé de plus en plus par la grâce, exécuta son projet avec Mainsende, et vinrent s'offrir à l'abbé accompagnés des deux autres enfants, Walter et Hériman ; ce dernier devint un jour abbé et laissa la précieuse

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(1 Dans tout le ressort de l'archevêché de Reims, dit Hérim,, no 79, il ne se trouve que trois maisons soumises à la règle de Cluny Celles d'Aquicinensis (2), d'Affligeniensis et la nôtre; car alors Cluny était la plus sainte des religions, Citeaux et Prémontré n'étaient pas encore nés. Hist. de Cousin. t. 3, c. 30.

(2) Anschaint ou Anchin, ancienne abbaye de Bénéd. diocèse de Cambrai, dans une île de la Sarpe.

de personnes et de lieux, rend son emploi facile ; les amateurs d'histoire locale pourront y puiser de nombreux renseignements.

Un certain nombre de chartes possède encore des sceaux. Leur publication était d'un intérêt spécial pour nos pays. Nous en offrons une collection fort belle, et par le nombre, et par le mérite de l'artiste, M. Alexandre Duflot, qui les a gravés. Les vues du prieuré sont aussi dues au mêine burin.

Le lecteur rencontrera beaucoup de fautes dans cet écrit, nous le prions d'user d'indulgence et de nous tenir compte de notre bonne volonté.

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