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⚫ pieuses dont il existe de nombreux monuments, il eut de graves difficultés avec la plupart des prélats de la province.

En 1174, Henri prenait part à l'invasion de la Normandie par Louis VII, et cinq ans plus tard il s'embarquait de nouveau pour la terre sainte, prenait part à une campagne peu fructueuse à la suite de laquelle il restait quelque temps prisonnier des Turcs, puis enfin rentrait en France où il mourait, le 16 mars 1181, à Troyes, peu de semaines après son retour.

Les nombreux documents contemporains recueillis et étudiés par M. d'Arbois de Jubainville sont analysés et classés à la fin du volume sur le plan du « Catalogue des actes de Philippe-Auguste » : ils sont suivis de quatrevingt-treize chartes inédites. Ces monuments ont permis à l'auteur de reconstituer l'état politique et administratif de la Champagne sous l'influence de Henri le Libéral : il donne ainsi des détails précieux pour le diplomatiste et pour l'historien sur le conseil du comte, déjà composé de ses grands officiers, de ses barons, d'ecclésiastiques et de bourgeois; sur la justice, l'histoire littéraire, le servage, les foires et marchés, les finances, etc.: ces paragraphes, sans faire regretter le temps passé, établissent néanmoins que la Champagne du douzième siècle était loin d'être livrée à cette barbarie contre laquelle déclame une certaine école, par un effort incroyable d'imagination.

J'ai à faire, maintenant, un reproche à mon savant confrère : je le fais d'autant plus hardiment qu'il montre à mon égard une bienveillance presque exagérée lorsqu'il me fait l'honneur de mentionner mes modestes travaux ma reconnaissance pour sa courtoisie lui est un sûr garant que je ne veux pas lui chercher une simple chicane. Pourquoi M. d'Arbois de Jubainville passe-t-il aussi sommairement sur l'histoire des anciennes communes champenoises? Mon confrère semble adopter sans restriction le système historique qui voit dans les communes et les libertés communales une concession bénévole ou forcée du seigneur supérieur. Aujourd'hui ce système est discuté, et les objections qui sont présentées méritent d'être combattues ou confirmées par les recherches des savants de province. Loin de moi la pensée de nier formellement la création de communes par les souverains ou par les seigneurs : mais j'aimerais savoir si en Champagne, comme dans d'autres provinces, les prétendues concessions de priviléges communaux ne sont pas souvent de simples reconnaissances, par écrit, d'anciennes libertés conservées traditionnellement de temps immémorial. Bien entendu que ces reconnaissances n'avaient lieu que dans le but de réaliser des bénéfices fiscaux. Longtemps on a cru que les communes étaient le produit du réveil du peuple réclamant ses droits à la tyrannie féodale: cette idée a, je crois, un peu vieilli. Si dans mon observation il se trouve quelque chose de vrai, M. d'Arbois de Jubainville, dans un de ses premiers volumes, nous donnera un chapitre sur les communes champenoises; et il sera traité avec ces détails et cette érudition patiente qui, sur bien d'autres questions, lui ont déjà fait faire de véritables découvertes. A. DE B.

ÉTUDES HISTORIQUES sur la ville de Bayonne, par Jules Balasque, avec la collaboration d'É. Dulaurens, archiviste de la ville. - Bayonne, Lasserre, 1862, in-8°, t. Ier.

Sans diminuer en rien le mérite et la bonne réputation des travaux de Compaigne, du chanoine Veillet et de Bailac, on peut dire qu'un bon livre sur Bayonne manquait encore, et qu'il ne s'était pas rencontré un érudit patient et scrupuleux sur les sources à employer pour recueillir les faits intéressant les origines municipales de la ville de Bayonne. Cette lacune est aujourd'hui comblée, grâce à M. Balasque, juge au tribunal de Bayonne, et à son collaborateur M. Dulaurens, archiviste de la ville. Les auteurs ont pensé avec raison qu'il ne suffisait pas de mettre en ordre les archives de leur cité, ils en ont extrait les pièces les plus importantes, et c'est avec ces documents qu'ils donnent au public le premier volume des Études historiques, qui contient le récit des événements accomplis à Bayonne depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1216.

Des idées justes et neuves sont développées dès le commencement de l'ouvrage : Bayonne ne s'est jamais appelée Lapurdum; Bayonne fut l'une des douze cités de la Novempopulanie; il ne faut pas confondre les Vascons ou Gascons avec les Aquitains: telles sont trois bonnes thèses des premiers chapitres. L'auteur nous fait connaître ensuite d'une manière rapide et fort claire les accroissements successifs des propriétés de la cathédrale de Bayonne, les rapports des évêques et des vicomtes de Labourd. Tous ces faits, peu connus, sont très-bien mis en lumière et extraits de documents souvent inédits. Dans une histoire de Bayonne, M. Balasque devait nécessairement parler des événements politiques qui agitèrent la Guienne sous la domination anglaise; nous constatons avec plaisir qu'il l'a fait sobrement, sans oublier le but réel de son livre, et dans un style plein d'action. La vie d'Éléonore, femme répudiée de Louis le Jeune, y est particulièrement tracée de bonne main.

Dans ce volume, de 486 pages, une centaine sont consacrées aux pièces justificatives; ces documents sont tirés du Livre d'or ou cartulaire de Sainte-Marie de Bayonne et des archives de la ville. Nous nous permettrons à ce sujet deux observations: la première est motivée par la note qui accompagne la charte d'Arsius, évêque de Bayonne, à la fin du dixième siècle. Nous ignorons si le docte Oihenart a vu l'original, aujourd'hui déposé, à la préfecture de Pau, mais lorsqu'il dit que les mots Hugone Magno rege Francorum ont été ajoutés par le copiste, il veut parler, sans doute, du cartulaire dit Livre d'or; mais ces mots existent sur le titre original. Nous signalons le fait sans pouvoir l'expliquer; cet anachronisme, qui désigne Hugues Capet comme roi en 983, n'éveille-t-il pas quelque doute sur la sincérité de la pièce?

Notre seconde remarque s'applique à la Coutume de l'hostellaige, placée entre 1125 et 1170. Cette coutume est insérée en idiome gascon, il eût été nécessaire d'indiquer que ce n'est pas le texte original, mais une tra

duction du latin, comme, du reste, on l'a fait pour la charte relative à la vente du poisson (p. 142).

En résumé, c'est une histoire sérieuse de la ville de Bayonne que les auteurs ont voulu faire sous un titre modeste: ils y ont réussi.

Nous désirons vivement la prochaine apparition du second volume, qui contiendra un index géographique pour la concordance des noms de lieux anciens avec les appellations modernes. Comme le premier, il sera, nous en avons la conviction, bien accueilli du public.

P. RAYMOND.

ACADÉMIE des inscriptions et belles-lettres. Comptes rendus des séances pour l'année 1857, etc.; par M. Ernest Desjardins. Paris, 1858, t. Ier, in-8°. - Id., pour 1858, t. II; 1859, t. III; 1860, t. IV; 1861, t. V. Paris, Durand, éditeur; prix de chaque volume : 5 francs. (Paraît par livraisons mensuelles.)

La publicité, c'est-à-dire le grand jour et la participation universelle, devient progressivement la loi des institutions scientifiques. Les diverses classes de l'Institut, trop distinctes, selon nous, sous ce rapport, ont marché d'un pas inégal vers ce terme, qui nous semble devoir être assigné à chacune d'elles. L'Académie des sciences, par exemple, ouvre tous les lundis son enceinte à de nombreux assistants. Ceux-ci non-seulement lui forment un auditoire digne de l'hospitalité qu'il reçoit, mais, par des comptes rendus multipliés, ils vulgarisent, avec une grande puissance, les travaux de cette Académie. Au contraire, ou du moins bien loin de là, l'Académie française vit et fonctionne, ordinairement, dans un huis-clos sacramentel. Il est vrai que ses séances de réception, et d'autres, compensent bien par leur éclat et le retentissement qu'elles obtiennent, la modestie de ses réunions hebdomadaires... N'y a-t-il pas là un hommage indirect rendu au principe pour lequel nous plaidons ?

Au surplus, la publicité, véritablement utile, efficace et sans inconvénient, ce n'est point la publicité de l'audience, quelque précieuse ou agréable qu'elle puisse être, mais la publicité du compte rendu. L'Académie des sciences morales, rétablie en 1833, crut devoir satisfaire, dès le le premier jour, à ce besoin de notre époque. Elle n'a point eu à le regretter pour sa gloire et pour l'autorité qu'elle s'est acquise. Grâce au bulletin périodique consacré à ses séances et travaux, elle a étendu au loin son utile influence, dans l'ordre des études qui forment son domaine. Grâce à ce bulletin, nos lecteurs, en particulier, n'ignorent pas les services qu'a rendus et que rend cette classe de l'Institut à l'histoire du moyen âge. Ce que M. Verger fait depuis longues années pour l'Académie des sciences morales et politiques, M. Ernest Desjardins a eu l'heureuse pensée de le tenter pour l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Le premier volume de cette importante publication s'ouvre par une notice historique, très-succincte, mais exacte et précise, sur l'Académie, née,

en 1663, d'une commission formée au sein de l'Académie française. Vient ensuite un état de l'Académie des inscriptions, de ses commissions, etc. en 1857. Ce tableau, tenu à jour par le rédacteur, se répète chaque année, mutatis mutandis. Il constitue ainsi une sorte d'annuaire et d'histoire particulière et perpétuelle de cette compagnie.

Le volume, après ces préliminaires, rend compte, séance par séance, de tout ce qu'elles offrent d'intéressant pour les érudits. Les auditeurs, chaque année plus nombreux, qui jouissent de cette prérogative, savent d'ailleurs que les travaux de la docte assemblée ne se bornent pas toujours à des œuvres de pure érudition, à ces mémoires qui ne peuvent que gagner à être lus dans le libre loisir du cabinet. Plusieurs de ses séances ont été remplies, dans ces derniers temps, par des discussions animées, remarquables tant à raison des sujets de la controverse, que grâce aux talents de dialectique et même de parole qui s'y sont déployés. Nous citerons comme exemple les séances de 1859, qui ont suivi les communications de M. Renan sur le caractère général des peuples sémitiques et en particulier sur leur tendance au monothéisme. MM. de Rougé, Guigniaut, Munk, Maury, Villemain, Wallon, Ravaisson, Ad. Régnier, Laboulaye, de Wailly, Le Clerc, Lenormant, de la Villemarqué, Egger, Brunet de Presle, Longpérier, ont successivement pris part à cette discussion à laquelle nous renvoyons le lecteur 1.

Parmi les mémoires, notices ou discussions qui se rapportent à l'étude du moyen âge, ou de l'histoire nationale, nous indiquerons les suivants : Mémoires et observations sur la campagne de Labienus chez les Parisii, par MM. de Saulcy et Brunet de Presle, t. I, p. 300 et suiv.; id. de M. Ch. Lenormant, t. II, p. 18 et suiv.; Mémoires et discussions sur Alesia, par MM. Quicherat, Desjardins, Goujet, F. Lenormant, et Maissiat, t. I, p. 96, 266; t. IV, p. 28, 73, 189; Mémoires sur Robert Wace, par M. Ed. Du-méril, t. I, p. 66 et suiv.; Relation de l'inauguration de la statue de madame de Sévigné à Grignan, par M. de Monmerqué, p. 294; Notice sur l'interruption et la continuation du Gallia christiana, t. II, p. 124; Dissertation sur l'histoire de l'astrologie et de la magie au moyen âge, par M. Al. Maury, t. III, p. 268; Rapport de M. de la Villemarqué sur la brochure de M. Pictet, relative à quelques inscriptions en langue gauloise, p. 42 et suiv.; Nouvelles Recherches de M. P. Paris sur la vie de Froissart et sa chronique, p. 227 et suiv.; Du type gaulois selon les auteurs anciens, par M. Roget de Belloguet, t. IV, p. 40; Observations de M. Egger sur un principe de dérivation fréquemment usité dans notre langue et dans les autres idiomes dérivés du latin, t. IV, p. 77; Note de M. de la Villemarqué sur l'inscription bretonne d'une cloche trouvée à Stival, près Pontivy, p. 81; Mémoire de M. Challe sur l'emplacement de la bataille de Fontenay en 841, p. 151; id., de M. L. Delisle sur les ju

1. Comptes rendus, tome III, p. 67 et suiv. ; p. 125 et suiv.

gements de l'échiquier en Normandie, de Philippe Auguste à SaintLouis, p. 169; Nouvelle Étude sur le roman du Renard, par M. P. Paris, p. 281; Communications de M. Vallet (de Viriville) sur la captivité et la condamnation de la Pucelle (extraits de l'Histoire de Charles VII, t. II), t. V des Comptes rendus, p. 98 et 218; Mémoire de M. Paris sur le mystère de la résurrection, par personnages, en 4 journées, p. 203; Mémoire de M. Léop. Delisle sur le recueil historique présenté à Philippe le Long par Gilles de Pontoise, abbé de Saint-Denis.

A. V.

LE LION ET LE BOEUF sculptés aux portails des églises, par M. l'abbé J. Corblet. Bleriot, 1852, in-8° et une planche.

Consulté par un ecclésiastique du diocèse de Luçon sur la signification d'un lion et d'un boeuf sculptés à droite et à gauche de quelques portails, M. Corblet a cherché la valeur symbolique de ces deux animaux, lorsqu'ils ne se rattachent pas aux évangélistes saint Marc et saint Luc. M. Corblet commence par énumérer les nombreux monuments dans lesquels on voit des lions et des bœufs; puis, après avoir relaté les textes des Écritures et des Pères qui parlent de ces animaux au point de vue symbolique, il suppose que, le portail de l'église étant la figure de Jésus-Christ, le lion indique son triomphe sur la mort, et le bœuf sa passion.

Je suis loin de nier la symbolique chrétienne, mais j'ai toujours peur que l'érudition ne fournisse après coup des interprétations qui n'étaient pas dans les idées des sculpteurs et des architectes du moyen âge. Sans nier la valeur des raisons exposées avec talent par le savant directeur de la « Revue de l'art chrétien », il me semble que son mémoire même fournit une explication toute naturelle, qu'il a négligée.

D'une part, Durand de Mende, dans son « Rationale », dit que l'on avait coutume de placer le bœuf et le lion aux portes ou à la façade des églises. - D'un autre côté, sur le portail de l'ancienne abbaye de Moreaux, en Poitou, ces animaux sont accompagnés de ces deux vers:

« Ut fuit introitus templi sancti Salomonis

<< Sic est istius in medio bovis atque leonis. >>

Si on rapproche ces vers et le témoignage de l'évêque de Mende, du livre III des Rois (c. 7, § 25, 29 et 36), et du livre II des Paralipomènes (c. 4, § 3 et 4), il est permis de penser que les artistes du moyen âge se sont inspirés de la Bible, et, en mettant des boeufs et des lions aux portails des églises, ont simplement voulu rappeler l'entrée du temple de Salomon. Il est inutile d'insister sur ce fait, que la présence de ces animaux à l'entrée des édifices est un souvenir oriental dont l'archéologie antique offre de nombreux exemples.

Parmi les églises où le bœuf tient une place qui attire l'attention, M. l'abbé Corblet cite nécessairement la cathédrale de Laon, et les seize

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