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lui, (personne) le pareil de cettuy jeune chevalier, duquel cette histoire fait mention. Or doncques pour retourner et poursuivre notre matière encommencée, après toutes revérences et salutations qu'icelui messire Jacques eut faites à la reine, aux princesses et dames, qui étoient en bien grand nombre, prit congé de la reine et de toutes les dames, et fut conduit par grand'foison de chevaliers et écuyers jusques en son hôtel; puis prirent congé de lui: si retournèrent à cour, et le dit messire Jacques et ses gens se tinrent en leur hôtel environ deux jours, avant ce qu'ils retournassent à cour. Durant lequel temps, chacun jour étoient visités, et toujours de l'hôtel du roi lui étoient envoyés vins et viandes, et tout ce qu'ils pouvoient penser que mestier lui fût pour lui, et pour tous ceux de sa compagnie.

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CHAPITRE XLI.

COMMENT MESSIRE JACQUES DE Lalain fut fesTOYÉ LUI
ET SES GENS DU ROI DE PORTUGAL, EN SON PALAIS, OU
ÉTOIENT PLUSIEURS PRINCES DE SON SANG ET LIGNAGE.

QUAND deux jours furent passés après ce que messire Jacques de Lalain eut été à cour, volonté prit au roi de Portugal de tenir état, et tenir salle, en intention de festoyer messire Jacques de Lalain. Si commanda à ses maîtres d'hôtel qu'ils fissent et ordonnassent un très beau et solemnel dîner, auquel

diner l'infant don Pedro duc de Coïmbre bailla l'eau au roi à laver. Les mains lavées, le roi s'assit au milieu de la table, et à la dextre du roi fut assis le duc de Coïmbre, et au coté sénestre du roi, fut assis messire Jacques de Lalain. Si fut à ce jour servi le roi de Portugal moult hautement et richement, car à chacun des mets qui étoient apportés à la table venoient au devant des plats, sonnans et menants grand bruit, trompettes et menestreux, rois d'armes, hérauts, et poursuivants, chacun la cotte d'armes vêtue des armes du roi, et des princes qui là étoient présents, tant du sang royal comme d'autres, qui étoit moult belle chose à voir; et n'étoit nul de ceux de l'hôtel du roi, de quelque état qu'il fût, qu'il ne s'efforçât et mît peine de festoyer messire Jacques de Lalain et ses gens: des mets et entremets, de quoi le roi fut servi, ne vous ferai long

conte.

Le dîner accompli, le roi se leva de table, grâces furent rendues à notre Seigneur, puis le roi prit messire Jacques de Lalain par la main; si se tira vers l'une des fenêtres du palais; là eut le roi plusieurs devises à messire Jacques, lequel tant arréement fit ses réponses au roi selon ses demandes, que le roi étoit moult content de lui, et le louoit et prisoit fort en son cœur, et moult se contentoit de lui. Après toutes devises, le roi et chacun se retrait (retira). Puis quand ce vint ainsi comme à heure de vêpres après dîner, le roi se retira vers les dames, où messire Jacques de Lalain vint, et fit la revérence au roi et à la reine, comme bien le sçavoit faire. Lors en

commencèrent les danses; le roi dansa, et mena la reine; puis après ce qu'il eurent accompli cette danse, le roi prit la reine par la main, appela messire Jacques de Lalain, et dit: « Messire Jacques, li vous convient mener danser la reine.» Messire Jacques remercia le roi, et aussi fit-il la reine de l'honneur qui par eux lui étoit fait. Si encommença la danse de toutes parts parmi le palais; là étoient ménestreux jouants de plusieurs et divers instruments mélodieux, tant que grand' joie étoit à les voir et ouïr.

Moult grandement fut festoyé messire Jacques de Lalain, du roi, de la reine, des princesses, dames et damoiselles qui à ce jour étoient au palais. Puis après toutes danses et festoy emens, vins et espices furent apportés à la manière accoutumée, et prit messire Jacques congé du roi, de la reine, et des dames, et s'en retournèrent chacun en son logis. Ainsi messire Jacques fut festoyé du roi et de la reine de Portugal si grandement, lui et ses gens, que plus il n'eut sçu souhaiter. Si avint que volonté prit au roi et à la reine d'aller chasser, et eux ébattre aux champs; si mandèrent messire Jacques de Lalain, lui et sa compagnie, pour y venir, comme par plusieurs fois il avoit fait durant le temps que messire Jacques avoit là séjourné, où il fut environ treize ou quatorze jours; et tout ce fut pour le festoyer et faire honneur, tant pour l'honneur du duc de Bourgogne comme pour l'amour de lui, tellement que le roi, la reine, princesses, dames et damoiselles s'efforçoient tous et toutes à leur pouvoir de lui faire honneur et fête; et tant lui en faisoient,

qu'icelui messire Jacques de Lalain ne sçavoit assez remercier le roi, la reine, princes, princesses, barons, chevaliers, dames et damoiselles de ce que fait lui avoient,et s'efforcoient de faire chacun jour. Si avisa messire Jacques, que plus ne pouvoit faire séjour en Portugal, selon le jour et terme qui lui avoit été baillé de par le roi de Castille, pour retourner faire et accomplir ses armes. Si vint un jour devers le roi de Portugal et la reine, et les remercia moult humblement des grands honneurs et receptions qui faits lui avoient élé par lui, la reine, princes, princesses, barons, chevaliers, dames et damoiselles, et de tous les nobles de son royaume, et des grands chères qui faites lui avoient été en passant parmi son royaume; laquelle chose il n'attribuoit point à lui, mais le tenoit être fait pour l'amour de son souverain seigneur, monseigneur le duc de Bourgogne, auquel, moyennant la grâce de notre Seigneur, à son retour, il l'en remercieroit grandement. Lors le roi répondit et dit: << Messire Jacques, croyez certainement que pour l'amour de notre bel oncle le duc de Bourgogne, et notre tante la duchesse son épouse, nous et les nôtres vou, drions à notre pouvoir complaire, et faire service et honneur à tous ceux qui en leur nom viendroient par decà; et après eux, devant tous les chevaliers, qu'avons vu en notre royaume, vous voudrions faire plaisir, et bien voudrions que plus en eussions sçu faire. Vous êtes gentil chevalier, vous prendrez en patience ce qu'avez trouvé par deça, car nous voyons qu'en vous a tant de vertus, que digne êtes de les avoir. »

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CHAPITRE XLII.

COMMENT APRÈS TOUS FESTOIEMENTS MESSIRE JACQUES

DE LALAIN PRIT CONGÉ DU ROI ET DE TOUS LES PRINCES, ET S'EN PARTIT ET VINt en Castille, OU LE ROI DE CASTILLE LE REÇUT MOULT HONORABLEMENT EN SÅ VILLE DE VALDOLIT (VALLADOLID).

QUAND messire Jacques de Lalain onït ainsi parler le roi, et tant amiablement, il se mit à un genouil et le remercia de l'honneur qu'il lui faisoit, en lui offrant son corps, ses biens, son service et ceux de son lignage, si par lui en étoit requis, pour faire et obéir à tous ses bons commandements. Le roi le prit par la main; si le leva, et lui dit:& Messire Jacques, levez vous sus, trop d'honneurs ni de biens ne vous peuvent être faits; je prie à Dieu, qu'en vous du demeurant il veuille parfaire. » Et ainsi prit congé messire Jacques de Lalain du roi et de la reine de Portugal, des princes, princesses, chevaliers et écuyers, dames et damoiselles de la cour. Plusieurs présents lui furent présentés, comme genets, beaux coursiers, mulles et mullets; mais oncques il n'en voulut rien prendre, fors seulement du roi et de l'infant don Petre, et de la reine de Portugal, un riche collier d'or de l'ordre de Portugal garni de diamants, rubis et perles, duquel don il remercia moult grandement le roi, la reine et les princes. Après le congé pris, et que les

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