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courtoisie que lui avoit fait Diego de Gusman, fit appareiller un moult beau destrier, lequel il fit en> seller et couvrir d'une riche houssure de velours bleu, toute chargée d'orfèvrerie, et la selle de velours violet; lequel destrier fut présenté par l'un de ses écuyers, avec un héraut nommé Luxembourg, à celui de Gusman, qui le reçut moult liément, remerciant son frère et compagnon; duquel présent et don il fut moult joyeux.

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CHAPITRE XLVII.

COMMENT MESSIRE JACQUES DE LALAIN VINT A COUR, OU IL PRIT CONGÉ DU ROI, DE LA REINE, DES PRINCES, BA RONS ET CHEVALIERS DU ROYAUME DE CASTILLE.

QUAND

UAND ce vint le lendemain après dîner, ainsi comme à heure de vêpres, messire Jacques de Lalain, accompagné de plusieurs chevaliers et écuyers, tant de l'hôtel du roi, comme de ceux de son hôtel, s'en alla devers le roi, où il fut reçu moult honorablement du roi, des princes, chevaliers et écuyers de sa cour; et lui fut faite bonne chère. Puis après vin et épices prises, fut conduit et mené en la chambre de la reine, laquelle pour ce jour étoit accompagnée de plusieurs grandes dames et damoiselles, qui le reçurent moult bénignement. Et pour le festoyer et faire honneur, on fit danses et ébattements, où il dansa avec la reine; et tellement il s'y

conduit, que par tout on le louoit et prisoit, tant pour la beauté de lui, comme pour le sens, courtois parler et beau maintien qui en lui étoit, que tous et toutes s'efforçoient de l'honorer et complaire. Après toutes danses et ébattements, vin et épices furent apportées: si prit congé messire Jacques, de la reine et de toutes les dames et damoiselles, chevaliers et écuyers, qui là étoient: si s'en retourna en son logis, grandement accompagné de gens du roi et des gentils hommes qui avec lui étoient.

Quand ce vint environ six jours après, messire Jacques de Lalain, voyant que de là séjourner ne lui étoit guère besoin, et aussi qu'il avoit accompli ce pourquoi il étoit venu, se tira vers le roi pour prendre congé; et quand il fut devant le roi, il se mit à un genou, en le remerciant moult humblement de l'honneur et bonne justice, qui par lui et par ceux de son royaume lui avoit été faite et lui dit: «Sire, je suis obligé et tenu toute ma vie, à être bon, humble et léal serviteur de votre royale majesté et de tous ceux de votre royaume, où j'ai partout été courtoisement reçu. »« Messire Jacques, répondit le roi, vous nous avez été le très bien venu: et si rien voulez par deçà qui vous soit nécessaire, de nous et de ceux de notre royaume, pour valeur qui est en vous, et le bien que trouvé y avons, vous sera octroyé. » Messire Jacques très humblement remercia le roi: si prit congé de lui, et pareillement alla prendre congé de la reine et de toutes les dames et damoiselles, et après s'en retourna en son logis, où ne séjourna guères, quand

le roi de Castille lui envoya une robe d'un riche drap d'or cramoisi, fourrée de fines martres zébélines; si en remercia moult le roi.

Après le congé pris au roi et à la reine, aux dames et damoiselles, au counétable et aux autres princes, chevaliers et écuyers, il fit cette nuit préparer et ordonner ses choses, trousser et baguer mule et bahus, de lui et de ses gens, soi fournir de guides et gens pour le conduire; si se partit le lendemain de Valdolit (Valladolid). Mais ne se voulut pas partir du royaume de Castille, que premièrement il n'eut prit congé de monseigneur le prince, qui étoit à quatre lieues près de Valdolit, en une ville nommée Medina del campo, là où il fit la revérence au prince, et à tous ceux de sa compagnie, en le remerciant moult humblement des biens et hauts honneurs qui par le roi son père, de ceux de son royaume, lui avoient été faits, et lui présenta celui messire Jacques moult humblement son service. Le prince, et les barons qui avec lui étoient, le reçut moult honorablement, et lui fit dire le prince par un chevalier bien sachant la langue de France: « Messire Jacques de Lalain, vous soyez le très bien venu, et nous vous devons bien remercier de l'honneur que vous avez montré au roi et à nous ci présent, et à tout le royaume. Vous avez été petitement reçu; par votre courtoisie vous nous pardonnez pour cette fois; et vous fait dire monseigneur le prince, qui ci est, que si vous avez besoin ou affaire d'aucune chose qu'il puisse faire pour vous, il le fera de très bon cœur. »

Messire Jacques de Lalain le remercia très humblement, et prit congé de lui, et vint en son logis, où plusieurs présents, vins et viandes, et autres plusieurs biens lui furent envoyés et présentés de par le prince. Puis quand ce vint le lendemain matin, messire Jacques se partit, et prit son chemin pour tirer à Madrigal (Madrigaligo), là où il savoit être la princesse de Castille, fille au roi de Navarre, et femme du prince de Castille. Tant s'exploita messire Jacques, qu'il arriva à Madrigal et vint descendre devant l'hôtel de la princesse, laquelle étoit jà avertic de sa venue; il monta en la salle, et lui vinrent au-devant plusieurs chevaliers et nobles hommes, qui le bien-veignèrent (accueillirent), en lui disant qu'il fut le très bien venu en l'hôtel de la princesse. Si le prirent et addextrèrent (donnèrent la main), et le menèrent en une chambre qui étoit moult richement parée et tendue, en laquelle étoit la princesse. Messire Jacques de Lalain marcha avant en la chambre, vers elle, moult humblement, et lui fit la revérence, en lui présentant son service. Et ainsi moult courtoisement la remercia du grand honneur et belle recueillette que le roi de Castille, monseigneur le prince, et autres nobles barons et chevaliers lui avoient fait, qui étoit bien chose de lc reconnoître et de la desservir envers tous; et aussi avoit bien intention d'en remercier son très redouté et souverain seigneur le duc de Bourgogne.

Après tous remerciments faits, il prit congé de la princesse et s'en alla en son logis où elle le fit conduire honorablement, et où on lui fit bonne

chère: et lui furent apportés et faits beaux présents, tant vins et viandes comme autres choses délicieuses et toutes des meilleures que pour lors on sçut trouver; et là lui fut dit par un chevalier: «< Madame la princesse se recommande à vous, en vous priant que soyez content du peu de chère qu'on vous fait, car on n'étoit pas averti de votre venue, nonobstant qu'elle se tient bien recorde d'être obligée à la maison de Bourgogne, à cause des alliances du royaume de Navarre, d'où elle est issue. » Et ainsi après cette parole, prirent congé de celui messire Jacques, qui moult fort leur requit et pria qu'ils le voulsissent (voulussent) avoir pour recommandé à la bonne grâce de la princesse, comme celui qui à toujours mais se tenoit être son humble serviteur; et atant (alors) s'en partirent.

CHAPITRE XLVIII.

COMMENT MESSIRE JACQUES DE LALAIN, APRÈS TOUS CONGÉS PRIS DU ROI, DE LA REINE, DU PRINCE DE CASTILLE, ET DE LA PRINCESSE, SE PARTIT ET VINT AU ROYAUME DE NAVARRE, OU IL FUT DU ROI DE NAVARRE,

DU PRINCE SON FILS ET DE LA PRINCESSE MOULT HONORABLEMENT REÇU ET BIEN FESTOYÉ.

MESSIRE Jacques le matin se partit et prit son chemin tirant vers le royaume de Navarre: si s'exploita tellement de chevaucher et,d'errer, qu'il arriva en

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