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lons en la contrée d'Auxonne' auquel lieu il fit tendre un pavillon, auquel avoit au plus haut une très belle image de Notre Dame. Et au dessous à son senestre y avoit une dame vêtue d'une houpelande fourrée de martres et toute semée de larmes blanches, ceinte d'un moult bel et large tissu, laquelle avoit le corps bien fait, compassé et mesuré. Et au regard de son atour, ses cheveux, qui étoient moult beaux et longs battants tout jusques aux talons, lui étoient épars sur ses épaules, et sur tout n'avoit qu'un simple couvre chef duquel elle tenoit l'un des bouts en sa main dextre, en approchant ses yeux pour essuyer les grosses larmes bleues qui en issoient (sortoient), lesquelles chéoient en une fontaine rendant gros randons par trois tuyaux, chéants sur trois targes qu'une licorne avoit penduesà son col: lesquelles targes étoient de diverses couleurs, dont la première étoit blanche, la seconde violette, et la tierce noire, toutes semées de larmes bleues, comme plus à plein est déclaré és chapitres dessudits; lequel pavillon étoit gardé par un notable héraut nommé Charrolois, qui par un an entier le garda aux jours et heures qu'il devoit être gardé, c'est à sçavoir tous les premiers jours des mois dudit an, et commença le premier jour d'icelui mois de Novembre, et finit, quant au dit pavillon, le dernier jour d'Octobre, l'an cinquante, ainsi et par la manière qui ci après sera déclarée. Si est vérité que les premiers jours de Novembre, Décembre et Janvier, ne toucha, ni fit toucher personne.

CHAPITRE LXII.

COMME UN JEune écuyer duU PAYS DE BOURGOGNE NOMMÉ PIERRE DE CHANDIO VINT LE PREMIER TOUCHER À LA TARGE BLANCHE.

OR avint après toutes choses faites et apprêtées, pour le premier gentilhomme qui fit toucher fut un jeune écuyer en l'âge de vingt-cinq ans ou environ, et étoit un des beaux jeunes hommes de la duché et comté de Bourgogne, et pour le temps tenu pour l'un des plus forts qui fût au dit pays; et fut nommé Pierre de Chandio fils du seigneur de Chandio et neveu du comte de Charny, lequel fit toucher le premier jour de Février l'an dessudit, par le poursuivant d'armes d'icelui seigneur de Charny nommé Montfort. Si fut baillé jour au dit Chandio par Charrolois le héraut au septième jour du dit mois de Février, lequel fut en jour de samedi pour faire armes à l'encontre du dit chevalier; et fut signifié le touchement qu'icellui de Chandio avoit fait à la targe blanche, et les armes de la hache qu'il nomma en nombre de vingt et un coups. Puis quand ce vint le dit septième jour, environ une heure, le dit chevalier gardant le pas,se partit d'une église nommée les Carmes: si s'en entra en un bateau et ses gens avec lui, et passa la rivière de

Saône, et arriva en une petite île où étoit dressée et faite de par lui une très belle lice; et là avoit une bonne et notable maison ordonnée pour le juge; et après que ce le dit chevalier fut entré dedans les lices, tout désarmé et vêtu d'une riche robe de drap d'or longue jusques au pieds, fourrée de martre,accompagné de ses gens et officiers allants devant lui, ci vint devant Toison-d'Or, conseiller et roi d'armes du duc,et juge de par lui commis des armes que le dit chevalier devoit faire, fut à pied ou à cheval.

Quand celui chevalier garde du pas fut venu devant Toison-d'Or ordonné juge, comme dit est,il dit ainsi: «< Noble roi d'armes de la Toison-d'or, je me présente par devant vous, comme au juge commis de par mon très redouté et souverain seigneur, pour faire, fournir et accomplir les armes contenues ès chapitres par moi empris, vous priant que me veuilliez tenir en droit et en justice. » Lors celui juge répondit et dit, qu'il fût bien venu et qu'il le feroit volontiers. Après ces réponses faites, celui chevalier s'en retourna en son pavillon, auquel lieu et à chacune fois qu'il fit armes à pied, s'armoit et désarmoit. Et ainsi et par forme la manière que dit est, fit au long de l'an son entrée é dites lices et sa présentation devant Toison-d'Or le juge, excepté aux armes de cheval. Et toutes fois, quand il devoit faire armes, étoit toujours partant de cette église des Carmes, si s'en entroit en son bateau et passoit la Saône, comme dessus est dit, et arrivoit à la dite île, et là avoit une tente dehors les lices, où il s'ar

moit et montoit à cheval et alloit ainsi devant le

juge faire sa présentation, en disant les paroles dessusdites.

CHAPITRE LXIII.

COMMENT PIERRE DE CHANDIO VINT A SON JOUR, AU LIEU

OU LE CHEVALIER ENTREPRENEUR
MENT ILS SE COMBATTIRENT.

L'ATTENDOIT, ET COM

QUAND Pierre de Chandio fut averti que le chevalier qui gardoit le pas, étoit passé la Saône et venu dedans les lices, l'attendant pour faire armes, il monta à cheval vêtu d'une noire robe de satin, armé de son harnas de jambes, son cheval couvert et armoyé de ses armes; puis après lui, venoit un page sur un cheval couvert de satin figuré de velours, et avec ce avoit en sa compagnie grand nombre de noblesse du pays de Bourgogne, bien jusques au nombre de six cents chevaliers et écuyers, entre lesquels étoient de moult grands seigneurs. Premièrement l'évêque de Langres duc et pair de France, le seigneur d'Argué fils du prince d'Orange, le seigneur de Coches, messire Jean de Vergy, le seigneur d'Autré, le comte de Charny, le seigneur de Buissy fils du seigneur de Saint George, le seigneur d'Estrabonne, le seigneur de Pesmes, le seigneur de Toulongeon, le seigneur de

Chandivers, messire Claude et messire Tristan de Toulongeon frères, le seigneur de Bell-sis, le seigneur de Bellesaulx, le seigneur de la Marche, et plusieurs autres, que trop aurois affaire, si tous les voulois nommer. Quand icelui gentil écuyer de Chandio fut arrivé ausdictes lices, Charrolois le héraut lui vint au devant, droit à l'entrée d'icelles, et lui présenta une verge d'or émaillée, de la couleur de la targe, à laquelle il avoit fait toucher. Et après qu'il eut reçu ladite verge, entra dedans les lices et alla tout droit devant le juge soi présenter, et parla pour lui le comte de Charny son oncle en disant: « Roi d'armes de la Toison-d'or, voyez ci Pierre de Chandio, qui se présente par devant vous juge, commis de par mon très redouté et souverain scigueur, monseigneur le duc de Bourgogne, jaçoit-ceque (quoique) par les chapitres y pourrions mettre un juge adjoint avec vous, dès maintenant pour le sens, prud'hommie et loyauté qu'il sent être en vous, vous prie qu'en bonne justice vous veuillez garder son droit. » Lors le juge répondit et dit qu'il le feroit volontiers et qu'il fût le très bien venu.

Après cette réponse faite par le juge, s'en retourna celui de Chandio en son pavillon soi armer. Lors le juge sachant les deux champions être prêts pour chacun faire son devoir, fit faire les cris de par le duc et toutes les autres semonces à ce appartenants. Lors le chevalier, qui gardoit le pas, issit (sortit) hors de son pavillon vêtu de blanc, semé de larmes bleues, ainsi comme étoit son pavillon, et prit sa hache en sa main, laquelle lui bailla un chevalier

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