Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ment du duc, et allé en ambassade devers le roi de France: mais en son lieu y fut commis de par te duc un notable, prudent et sage écuyer nommé Guillaume de Sarsy, bailly de Châlons, à y être juge. Pour revenir à celui de Roussillon, tantôt après que le chevalier du pas fut venu, celui de Roussillon arriva aux lices monté à cheval, le bassinet en la tête, la cotte d'armes vêtue, et par devant lui faisoit porter bannière et penon de ses armes qui sont losangées d'or et d'azur, et un lambeau de gueules de trois pièces; et fit mettre cette bannière et penon aux deux coins de son pavillon, et après ce alla tout droit devant le juge soi présenter, en lui disant:

le

Noble écuyer, je me présente devant vous, qui êtes juge commis de par mon très redouté et souverain seigneur, monseigneur le duc de Bourgogne, pour faire armes à l'encontre du chevalier gardant pas selon le contenu en ses chapitres. Et combien que par les dessus dits chapitres je pourrois commetre et mettre juge avec vous, si bon me semble: mais quant est à moi, pour le sens et loyauté que je connois être en vous, je m'en déporte, (dispense) en vous priant et requérant, que vous me veuilliez tenir en bonne justice. »

Après icelles paroles dites, s'en retourna en son pavillon, là où il fut depuis onze heures et demie ou environ, jusques à deux heures après nonne; et la cause du long délai si fut, comme ils disoient, que l'armurier avoit failli à clouer le harnas de jambes; mais le dit chevalier du pas fut prêt et armé en son pavillon, bien l'espace de trois heures ou envi

ron. Quand celui de Roussillon fut prêt, le dit chevalier gardant le pas, issit (sortit) hors de son pavillon la salade en tête, et sur son harnas avoit vêtusa cotte blanche semée de larmes bleues, ainsi que toujours avoit été; et tenoit sa hache en sa main, laquelle n'avoit point de dague dessus. Gérard de Roussillon voyant le chevalier issir de son pavillon, pareillement issit du sien, sa cotte d'armes vêtue; et son harnas de tête étoit un chapeau de fer d'ancienne façon, qu'on avoit approprié pour ce faire, et par dessous avoit un houscot de mailles et en ce point combattir. Lors moult vigoureusement et vaillamment se combattirent l'un contre l'autre; et tellement que tout en combattant vinrent devant le juge, où ils se combattirent et donnèrent de moult grands et mer- veilleux coups de leurs haches. Eux deux étoient jeunes, forts et puissants, et de hautain courage; et combattirent ainsi jusques à l'accomplissement de quinze à seize coups. Lors le chevalier du pas, à qui il tardoit moult d'être au dessus de son homme, s'approcha près de celui de Roussillon, et prit sa hache: si le férit au visage un coup de hache de la dague de devant, et auparavant l'avoit tellement féru et assené, que le sang en étoit sailli. Et lors celui de Roussillon se sentant ainsi navré, prit la hache du chevalier du pas. Lors le juge voyant qu'ils tenoient les haches l'un de l'autre, jeta le bâton; et en ce point furent pris par ceux qui à ce faire étoient ordonnés, et leur dit le juge qu'ils avoient bien et honorablement fait tous deux, et qu'il tenoit leurs armes pour accomplies, et qu'ils touchassent ensemble; laquelle

[ocr errors]

chose ils firent. Les armes faites et accomplies se partirent des lices, et alla chacun en son logis, dont ils étoient partis. Puis quand ce vint le lendemain, le dit Gérard de Roussillon fit un très beau dîner, là où fut le chevalier du pas, le juge et grand'foison de notables seigneurs.

CHAPITRE LXVIII.

AN,

COMMENT LE PREMIER JOUR D'OCTOBRE EN CELUI FURENT SEPT NOBLES HOMMES QUI FIRENT TOUCHER AUX DITES TARGES, POUR FAIRE ARMES A L'ENCONTRE DU CHEVALIER GARDANT LE PAS DE LA FONTAINE DES PLEURS.

QUAND le premier jour d'octobre fut venu, vinrent auprès de la fontaine des pleurs et touchèrent aux targes les sept qui s'ensuivent: premièrement, un écuyer nommé Claude Pitois seigneur de Saint-Bonnet, et par le poursuivant d'armes du seigneur de Pêmes nommé Vallay, fit toucher à la targe blan. che. Toulongeon, héraut du seigneur de Toulongeon, fut le second qui toucha à la targe blanche, pour un chevalier nommé le chevalier Méconnu, et depuis fut sçu, qu'il avoit nom le seigneur d'Espiri. Lembourg, héraut du duc, toucha le tiers à la targe blanche pour un écuyer nommé Jean de Villeneuve dit Pasquoy. Puis après vint toucher en personne lui même à la targe blanche un nommé Gas

par de Durtain, qui fut le quatrième. Puis Piémont, héraut du duc de Savoye, fut le cinquième qui toucha à la targe blanche, à la violette et à la noire, pour un nommé Jacques d'Avanchier; et fut par le congé et licence du chevalier gardant le dit pas de la Fontaine des pleurs, car autrement ne pouvoittoucher qu'à l'une. Le sixième fut Guillaume d'Amange écuyer de Bourgogne lequel fit toucher à la targe noire. Le dessus dit Vallay poursuivant, toucha encore pour un écuyer nommé Jean Pitois à la targe blanche, qui fut le septième et dernier pour le dit jour. Or pour revenir au fait de Claude Pitois seigneur de Saint-Bonnet, qui premier fit toucher, le chevalier gardant le pas lui fit bailler jour à lendemain, qui fut le second jour du dit mois. d'octobre, lequel fut par un vendredi, pour faire et accomplir leurs armes.

Quand celui jour fut venu, le chevalier du pas se partit des Carmes, environ onze heures du matin, et entra en son bateau, et alla ès lices devant Toison-d'Or le juge, qui étoit retourné de l'ambassade où il avoit été envoyé de par le duc de Bourgogne son seigneur; et là étoit accompagné du seigneur de Créquy oncle du chevalier gardant le pas,lequel venoit du Saint Sépulchre de Jérusalem, et arriva au dit lieu environ deux heures avant que les armes s'encommençassent; et depuis fut à toutes les armes ciaprès déclarées. Lors que le dit chevalier du pas eut fait sa présentation devant le juge,il retourna et vint en son pavillon. Tôt après celui de Saint-Bonnet vint aux lices tout à pied, désarmé et vêtu d'une longue

robe noire; et à l'entrée des lices, lui fut présentée uneverge d'or émaillée de la couleur de la targe qu'il avoit fait toucher. Et après entra dedans les lices, et alla tout droit devant le juge en soi présentant et disant: « Très noble roi d'armes de la Toison-d'or, juge commis de par mon très redouté et souverain seigneur, je me présente pour faire armes au chevalier gardant ce présent pas par devant vous. Et combien que je pourrois mettre juge adjoint avec vous, selon le contenu des chapitres, mais pour le sens et loyauté que je sens être en vous, je m'en deporte: (dispense) car je sai que bien vous garderez le droit des parties, et que à un chacun ferez raison et jutice. »

Le juge qui sur tous étoit sachant, répondit et lui dit qu'il fût le bien venu, en le remerciant humblement de l'honneur qu'il lui faisoit; et après ce s'en retourna en son pavillon pour soi armer. Tôt après le chevalier gardant le pas envoya devers le juge, pour ce que le dit de Saint-Bonnet n'avoit point dit ni déclaré le nombre des coups de hache, ainsi que les chapitres le déclarent et disent: mais vouloit combattre, tant que l'un ou l'autre fût porté par terre de tout le corps, ou désarmé de sa hache des deux mains. Et alors sans arrêter, le juge envoya devers lui,en lui faisant dire, qu'il pouvoit demander si grand nombre de coups de hache qu'il vouloit; mais il y devoit avoir nombre. Si fut content et demanda de nombre quarante trois coups de hache.

Lors après les cris et ordonnances accoutumées à faire ès dites lices, le chevalier gardant le pas, issit hors de son pavillon, tout ainsi qu'il avoit fait au

« AnteriorContinuar »