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de pavillons tendus qu'il y avoit eu de nobles hommes qui y firent armes, lesquels étoient armés et vêtus de cottes d'armes devises, et couleurs, et étoient aussi armés de tels harnas de tête qu'ils avoient eu à faire leur dites armes, chacun tenant hache en la main; et derrière leurs pavillons étoient leurs chevaux, couverts de telles couvertures qu'ils avoient eu à faire leurs dites armes, fut d'armures, ou de devises. Et ceux qui avoient fait armes à che val, avoient auprès de leurs chevaux un serviteur tenant lance, et celui qui avoit fait armes de hache, et d'épée, avoit avec sa hache, son épée ceinte. Puis y avoit à l'autre bout des lices deux pavillons, des couleurs que le chevalier gardant le pas avoit eues, et auprès des dits pavillons avoit un cheval qu'un serviteur tenoit, et une lance. Et au milieu des lices étoit le chevalier du pas ens tels harnas et habillements que toujours avoit eus à faire ses dites armes de pied, son épée ceinte et sa hache en sa main, et parla à tous ses compagnons dessus dits en leur disant ce qui s'ensuit.

Vous mes compagnons et seigneurs,
Tant humblement que le puis faire,
Je vous mercie de l'honneur,
Que m'avez fait par votre affaire,
Guerredon ne vous puis je faire,
Fors qu'un chevalier me tenez,
Sur qui commandement avez.

CHAPITRE LXXVIII.

COMMENT LES PRIX FURENT DONNÉS.

PUIS UIS aux deux côtés d'icelle table du dit entremets, avoit huit bannières des huit côtés du dessus dit chevalier, c'est à sçavoir quatre de par son père, et quatre de par sa mère. Celui entremets dont ci est faite mention, étoit bel et riche, et moult bien fut regardé de tous ceux, qui là étoient: car pour ce temps on n'avoit vu plus bel ni mieux ordonné. Puis quand ce vint après souper et que chacun fut levé de table, et vu et visité le banquet comme il étoit assis, et tous les mystères qui faits y furent, le chevalier du pas se retira en une grand' salle, et tous les autres qui là étoient. Et là furent donnés les prix. Et eut Gérard de Roussillon la hache d'or, comme celui qui à l'avis du chevalier du pas avoit assis le plus beau coup de hache sur lui: et Jacques d'Avanchier, écuyer savoyen, eut l'épée d'or; et à messire Jean de Boniface fut ordonné et appointé de par le chevalier du pas, lui envoyer la lance d'or, comme à celui qui les plus beaux coups de lance avoit assis sur lui, et étoit lors le dit de Boniface au pays de Lombardie, comme on disoit, et là lui fut envoyée celle lance d'or. Et après toutes celles choses faites, s'entrefirént par layens (dedans) moult grand'joie, et grandes fêtes, c'est à sçavoir ceux qui avoient fait armes à l'encontre du chevalier gar

dant le pas de la Fontaine des pleurs, lequel étoit nommé messire Jacques de Lalain, et ne se céla oucques jour, si, non aux écritures de ses chapitres; et pourtant (attendu) qu'en ses dits chapitres ne se nommoit point, n'a été faite mention de son nom, fors au premier et au dernier; et afin que sachez et croyez celui traité être vrai, Toison-d'Or, par l'ordonnance du duc de Bourgogne son prince et son souverain seigneur, le fit et ecrivit au mieux qu'il put, non pas si authentiquement, comme il eût bien voulu, et que la matière le requéroit: car véritablement ce fut une noble et haute emprise, honorablement conduite du premier jusques en fin et bien digne de mémoire. Si ne se devoit pas céler, ni taire une si notable emprise. Lors après toutes fêtes, joies et ébattements, comme on 'dit communément qu'il n'est si grand fête ni joie qu'enfin ne convienne de partir, si prirent tous ensemble congé les uns aux autres en grand amour et regret, comme si tous eussent été frères. Et depuis celui souper et banquet où se donnèrent les prix dessus déclarés, messire Jacques de Lalain fit prier les dames et damoiselles de la cité de Châlons, et leur donna un très beau banquet, lequel banquet et souper achevé, chacun se leva de table; si encommencèrent les danses et festoiements. Puis l'heure venue d'aller coucher, vin et épices furent apportées; si en prit chacun à son plaisir. Puis messire Jacques de Lalain prit congé d'elles pour s'en aller, et prendre son chemin aux pardons de la sainte cité de Rome. Auquel banquet la dame de la Fontaine des pleurs envoya aux dames et da

moiselles qui là avoient été, notables messagers portants les lettres qui ci-après sont écrites, desquelles la teneur s'ensuit.

le

« Honorées dames et damoiselles, tant comme le. chérissement de mon coeur peut faire, je me recommande à vous. Et pour ce que j'ai sçu la très noble assemblée de ce joyeux et plaisant banquet, et aussi que je ne sçavois si sitôt on vous trouveroit toutes. ensemble, ni la plupart, j'envoye à cette dite assemblée ce message portant cette lettre principalement pour trois choses, premièrement pour aller querre chevalier entrepreneur, qui pour achoison (occasion)' de mes pitoyables larmes a tenu et gardé le pas emprès cette noble cité de Châlons, pour parfaire et accomplir au plaisir de Dieu, sa dévotion vouée au saint. voyage et pardons de Rome. Secondement pour vous mercier de ma meilleure intention de l'honneur et du bien que fait avez au dit chevalier. Tiercement pour vous prier et requérir de par lui, que si aucunement il s'est mépris, ou a failli devers vous à vous honorer en quelque manière que ce soit, qu'il vous plaise à ma requête lui pardonner: car je suis assurée que si ce lui est mésavenu, ce n'a été fors par le très véniel péché d'ignorance, lequel peut être effacé par cette seule connoissance, que je certifie, que pour tout l'or du monde il ne voudroit penser, dire ou faire, ou souffrir être faite chose qui aucunement tournât à votre déplaisance, sauf le dit péché: mais aimeroit mieux non être sur la terre. Si vous prie et requiers de rechef, ensemble le ravertissement dessus dit, qu'il vous plaise suppléer

la défaute du dit chevalier, si point en y a, et par cestes (celles ci), de la puissance et autorité que je puis avoir sur lui, je l'oblige votre serf d'armes et serviteur pour à toujours. Et en signe de vérité, et pour témoignage que vôtre je l'oblige, j'ai scellé cette des targes de la sainte Fontaine des pleurs, priant à notre Seigneur, qu'il la convertisse en joie, et vous doint (donne) plaisance continuelle, liesse sans fin et biens immortels. Écrit si hâtivement, que je n'ai pas eu loisir d'y mettre qui ni à quel jour.. Au dessus des dites lettres avoit écrit. De par la dame des pleurs.

Et la souscription au dos de la dite lettre étoit: « A mes très chères et honorées dames et damoiselles, citoyennes demeurantes en la noble cité de Châlons.»

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CHAPITRE LXXIX.

COMMENT APRÈS CE QUE MESSIRE JACQUES DE LAlain eut ACHEVÉ ET FOURNI SON PAS DE LA FONTAINE DES PLEURS, ALLA A ROME ET A NAPLES DEVERS LE ROI D'ARRAGON, OU IL TROUVA LE DUC DE CLÈVES QUI RETOURNOIT DE JÉRUSALEM: COMME IL FUT ÉLU FRÈRE DE L'ORDRE DE LA TOISON D'OR, ET APRÈS FUT ENVOYÉ EN AMBASSADE en Italie.

APRÈS celui banquet où les lettres de la dame des pleurs furent lues, comme dessus ai touché, messire Jacques de Lalain prit son chemin pour aller aux pardons de la sainte cité de Rome, et après ce que

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