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chevaux purent aller, se tira devers ses ennemis: mais quand ils virent la grand' puissance qui s'approchoit d'eux,ils se mirent en fuite et en déconfiture, et s'enfuirent en bois, en marais et en la rivière. Leurs bannières et penons furent pris, et y furent morts et noyés bien de cent à six vingts de ceux qui s'étoient mis en bataille, dont le duc fut moult courroucé de ce que si tôt s'étoient mis en fuite, pour ce qu'en sa compagnie y avoit plusieurs jeunes écuyers, qui fort désiroient avoir l'ordre de chevalerie, ayants doute d'y faillir: mais depuis ils trouvèrent bien lieu et place de l'être. Après cette déconfiture et chasse, le duc de Bourgogne se vint cette nuit retraire (retirer) et loger dedans la ville de Gaures, où ceux du châtel lui firent bonne guerre, et le lendemain au matin se délogea, et vint loger dedans la ville de Grandmont: et pour parler et sçavoir la vérité des morts et noyés qui furent au lever du siége d'Audenarde, la vérité n'en fut point sçue, fors ce qu'on disoit, que des villages, que de la ville de Gand, ils perdirent bien deux mille hommes; et qui bien s'y fût conduit, tout y fût demeuré, et la guerre faillie (terminée), qui depuis coûta la vie de maints vaillants hommes. Depuis ces choses avenues, furent faites maintes courses devant Gand et autre part, dont je me passe en bref: mais je veux procéder et parler des lieux et courses où se trouva ce vaillant chevalier messire Jacques de Lalain duquel je veux parler jusques à sa fin, laquelle fort commençoit à approcher, qui fut pitié et dommage, comme ci après pouvez assez ouïr

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CHAPITRE LXXXVI.

Comment le Seigneur de Lannoy, LE SEIGNEUR DE HUMIÈRES ET MESSIRE JACQUES DE LALAIN ALLÈRENT COURRE DEVANT LOCRE; ET DU GRAND DANGER et pÉBIL, EN QUOI fut celui messIRE JACQUES De Lalain, DUQUEL IL ÉCHAPPA PAR SA GRANDE' PROUESSE: ET DES BELLES APPERTISES D'ARMES QU'IL Y FIT.

OR On advint que le dix-huitième jour du mois, qui fut le jour de l'Ascension, furent courre en pays d'ennemis le seigneur de Lannoy, le seigneur de Humières et messire Jacques de Lalain, tous trois chevaliers de l'ordre de la Toison-d'or; et avec eux le seigneur de Fretin, messire Jean bâtard de Renty, et Morlet de Renty, lesquels avoient environ quatre cents combattants en leur compagnie, et allèrent en un village de l'entrée du pays de Wast, nommé Locre, qui étoit gardé par moult grand nombre de gens tenants le parti des Gantois, lesquels avoient fait plusieurs boulevards, et fortifié le dit village, et avoient en plusieurs lieux rompu le chemin et fossoyé. Pour laquelle chose, et aussi doutants le fort et mauvais pays, iceux chevaliers dessus nommés avoient mené avec eux dix manouvriers pour refaire les chemins. Si chevauchèrent tant, qu'ils se trouvèrent au premier fort que les Gantois gardoient: mais iceux Gantois ne tinrent ni

le premier, ni le second, ni le tiers, ni quart boulevart, et se mirent tous en fuite et se retrairent (retirèrent) à celui village de Locres qui étoit fort fossoyé, et boulevarqué, comme dessus est dit; et si y avoit une moult belle église, là où la plupart des Gantois se retrairent. Les chevaliers dessus nommés passèrent et allèrent jusques au dit village de Locre et assaillirent le boulevards de l'entrée d'icelui village, et tantôt que Gantois virent qu'on les assailloit, ils se mirent en fuite et se retrairent, les aucuns dedans l'église de la ville, et les autres passèrent un pont où passoit une grosse rivière nommée le Drosne, venant du pays de Wast; et cuidèrent (crurent) iceux Gantois garder le pont, lequel ils avoient dépecé et rompu, et dessus ils avoient mis une étroite planche, par où gens de pied ne pouvoient passer, fors à moult grand danger; et là avoient deux bateaux, et dedans arbalêtriers pour garder le dit pont et passage qui étoit levé; et étoit l'une des entrées du pays de Wast, lequel pays les Gantois sur tout rien désiroient et vouloient garder, car c'étoit le pays dont ils avoient leurs vivres, aide et confort; pour laquelle cause ils doutoient et craignoient à le perdre. Mais quand messire Jacques de Lalain et autres nobles hommes qui avec lui étoient, virent que Gantois abandonnoient l'entrée d'icelui village de Locre, ils passèrent outre un fossé, où il y avoit très mauvais passage et dangereux; et suivirent iceux Gantois, tant à pied comme à cheval, jusques auprès d'icelle église où Gantois fuyoient, les aucuns et les autres au pont:auquel pont commença

une moult grand' escarmouche d'iceux Gantois, qui étoient outre l'eau, à l'encontre des gens du duc de Bourgogne, lesquels voyants Gantois ainsi eux mettre à défense, se mirent à assaillir le pont. Et là fut le premier qui assaillit le pont, un écuyer de Bretagne, lequel étoit nommé Jean de la Forêt. Et pendant le temps qu'on assailloit le pont, qui moult dangereux étoit, une trompette, qui avec eux étoit, trouva un guet sur la rivière de Drosne, par où messire Jacques de Lalain passa, et bien cent homavec lui; et quand Gantois le virent passer, ils se mirent tous à fuite et se sauvèrent ès bois et ès marais.

Or retournerons à parler de l'ordonnance que les trois chevaliers dessus nommés firent touchant la conduite des gens de guerre durant la dite course. Vrai est que messire Jacques de Lalain et Morlet de Renty, avoient la charge des coureurs pour aller devant et défendre à pied si besoin étoit, et messire Jean le bâtard de Renty avoit la charge des archers; le seigneur de Humières et le seigneur de Lannoy avoient la charge de la bataille. Et pour revenir à parler du village de Locre, quand messire Jacques de Lalain et Morlet de Renty eurent passé l'entrée du dit village après les Gantois qui s'enfuyoient, comme dessus est dit, et chassé les uns droit à l'église et les autres au pont, messire Jean de Renty passa atout (avec) un nombre d'archers de sa conduite, et alla tout droit à une rue croisée, dont l'un des chemins alloit tout droit à la dite église, et l'un des autres chemins à la dite

rivière, et là se mit une espace de temps, auquel lieu il étoit bien séant pour la venue d'iceux Gantois, lesquels étoient bien de trois à quatre cents retraits (retirés) en cette église: et quant au seigneur de Humières et au seigneur de Lannoy, ils ne passèrent point le mauvais passage et demeurèrent les enseignes à la bataille avec eux. Messire Jacques de Lalain, après ce qu'il eut passé la dite rivière et chassé les Gantois qui s'enfuyoient autant comme ils pouvoient courre dedans les bois, et Picards après qui les mettoient à mort autant comme ils en pouvoient acconsuivir (atteindre), repassa la rivière et rentra dedans le dit village de Locre, où il trouva messire Jean le bâtard de Renty à la dite croisée du chemin, qui tout droit alloit à la dite église, et lui commença à conter d'icelle rivière, et comme ils y avoient trouvé un guet. Et ainsi comme ils se devisoient ensemble, le seigneur de Fretin arriva devers eux et leur dit que le seigneur de Humières et le seigneur de Lannoy l'envoyoient devers eux, en disant qu'on se pouvoit bien retraire (retirer), et qu'on y pouvoit plus perdre que gagner. Lors messire Jacques de Lalain répondit que les Gantois étoient de trois à quatre cents dans l'église, et qu'il le dît au dit de Lannoy et de Humières, et s'ils vouloient qu'on les assaillit, qu'ils passassent atout (avec) la bataille, et s'ils se vouloient retraire sans autre chose faire, qu'ils le mandassent; et puis dit à messire Jean le bâtard de Renty: « Demeurez-ci et gardez la saillie d'icelle église, et je m'en vais requerre nos gens qui sont encore par de là l'eau, pour les faire-ci venir,

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