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ment(courage) d'un seul chevalier, c'est à sçavoir de messire Jacques de Lalain, a aujourd'hui préservé de mort plus de trois cents hommes, et gardé de grand' honte toute la compagnie ci présente. » Et avec ce disoient, qu'ils avoient ouï dire, qu'icelui messire Jacques de Lalain avoit fait armes dix-huit fois en champ clos, et à toutes les dix-huit fois s'en étoit parti à son honneur, mais ce jour-là lui étoit aussi honorable, et avoit acquis à leur avis autant d'honneur qu'il avoit fait en toute sa vie, et toute fois si étoit-ce belle chose à si jeune chevalier d'avoir fait dix-huit fois armes en champ clos, et si n'avoit d'âge, que trente ans ou environ. Après ce que dit messire Jacques de Lalain et ceux de sa compagnie eurent passé outre le dit mauvais passage, et les choses dessus déclarées faites et accomplies, ils. prirent leur chemin à retourner au lieu de Terremonde; et fit messire Jacques de Lalain l'arrière gardeà (avec) petit nombre de gens, et saillirent Gantois sur lui: mais messire Jacques les rebouta (repoussa) moult vaillamment jusques à leurs boulevards,et là y eut deux Gantois morts. Si ne saillirent plus iceux Gantois après messire Jacques, excepté un tout seul, duquel on ne se donnoit garde auquel on demanda, qui vive! et il répondit, Gand! qui fut, comme je croi la dernière parole qu'il parla oncques puis. Et ainsi comme vous oyez se passa en ce point la besogne du village de Locre.

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DES GRANDS VANTISES QUE FIRENT LES GANTOIS QUAND ILS FURENT RENTRÉS DEDANS LA VILLE de Gand, et de LA COURSE QUI fut faite devant OUREMARE, OU MESSIRE JACQUES DE LALAIN FIT MOULT GRANDS VAILLANCES ET BELLES APERTISES D'ARMES.

OR convient parler de la vantise que firent le len

demain les dits Gantois en la ville de Gand: car ils dirent à ceux de la ville qu'ils avoient tué au village de Locre environ de deux à trois cents des gens du duc de Bourgogne, de quoi il n'étoit rien: car la vérité est qu'il n'en mourut, fors ce que dessus est dit. Si ne demeura guères, après cette besogne faite et accomplie, que le duc de Bourgogne tiut conseil en sa bonne ville de Tenremonde, où furent à ce jour le comte de Saint-Pol, le seigneur de Croy, le seigneur de Créquy, messire Jean de Croy, le seigneur de Montagu, le seigneur de Lannoy, le seigneur de Humières, le seigneur de Ternant, et le seigneur de Pissy. Et là fut avisé, après plusieurs choses pourparlées et débatues, qu'on iroit assaillir un fort boulevard que les Gantois tenoient, environ le mi-hemin de Tenremonde et de Gand, assez près d'un village nommé Ouremare. Si fut conclu et ordonné que le seigneur de Croy iroit, et auroit la garde de l'étendard du duc de Bourgogne et la charge des gens de sa cour, et fe

roit l'avant-garde; et messire Jacques de Lalain auroit la charge des coureurs, accompagné de messire Antoine de Vaudré, et de messire Guillaume son frère, du seigneur d'Aumont et de messire François l'Arragonnois; et avoit celui messire Jacques environ vingt-cinq lances et quatre-vingts archers. Un gentilhomme de Bourgogne nommé Antoine de l'Aviron avoit la charge des avant-coureurs atout (avec) sept ou huit lances. Si étoit celui Antoine de l'Aviron devant messire Jacques de Lalain. Et après messire Jacques alloit messire Daviot de Poix, gouverneur et maître de l'artillerie du duc de Bourgogne, et menoit les manouvriers et gens de pied, lesquels portoient coignées, serpes, scies et louches (bêches), pour couper barrières, remplir fossés et refaire chemins par tout là où il étoit de besoin. Après messire Daviot de Poix, alloient le seigneur de Lannoy et le seigneur de Bausegnies, lesquels menoient et conduisoient environ cent combattants pour soutenir et renforcer le dit messire Jacques, si affaire en avoit. Après le seigneur de Lannoy, alloit le seigneur de Créquy, et avec lui le seigneur de Contay et Morlet de Renty, lesquels conduisoient les archers de la garde du duc: et après le seigneur de Créquy, étoit le seigneur de Croy, atout (avec) l'étendard du duc de Bourgogne, et là étoient accompagnants icelui étendart Adolphe monseigneur de Clèves, monseigneur le bâtard de Bourgogne, monseigneur de Montagu, le seigneur d'Arcy, le seigneur de Ternant, le seigneur de Bersé, le seigneur de Pernes, Philippe de Bergues et grand nombre

d'autres chevaliers et écuyers. Après celui seigneur de Croy venoi: le comte de Saint-Pol, le seigneur de Fiennes et Jacques de Saint-Pol frère du dit comte de Saint-Pol, et autres grands seigneurs en grand nombre de chevaliers et d'écuyers. Et avoit le dit comte la charge de la bataille. Après le comte de Saint-Pol, alloit messire Jean de Croy qui moult grandement étoit accompagné de chevaliers et écuyers et de gens de trait; et avoit la charge de l'arrière, garde. Et est vérité que le mercredi qui fut le vingt-quatrième jour de Mai, se partirent de Tenremonde toutes les compagnies cy-dessus nommées pour aller assaillir le boulevard de Ourèmare; et mêmement étoit ordonné de retourner du dit lieu de Ouremare, par le village de Locre, dont ci-dessus est parlé.

Or advint ainsi que quand le seigneur de Croy eut passé le pont de la ville de Tenremonde,atout (avec) environ quatre ou cinq cents archers et six vingts hommes d'armes, le dit pont de Tenremonde rompit. Si ne sembloit pas que il se pût refaire en moins de quatre à cinq heures. Pour laquelle cause le duc de Bourgogne dit au seigneur de Croy, que atout (avec) ce qu'il avoit de gens passés outre le dit pont, qu'il chevauchât outre, et qu'il allât assaillir ledit fort boulevard. De laquelle chose faire fut content le seigneur de Croy; si se mit à chemin. Mais la grand' diligence que fit le duc lui-même en sa personne, et par la grand' peine que ceux de la ville de Tenremonde y mirent, fut le dit pont de Tenremonde refait en moins d'une heure. Parquoi le comte de

Saint-Pol, messire Jean de Croy et tous les autres qui y devoient aller, passèrent outre et furent bien deux mille combattants. Ainsi comme dessus est écrit, s'en allèrent en ordonnance les dits seigneurs ci-dessus nommés; et tant s'exploitèrent les avantcoureurs qu'ils virent et aperçurent les dessus dits Gantois partir de leur fort boulevard, lesquels venoient marchants à penons déployés, et sembloit qu'ils marchassent pour combattre; et les nombroiton de huit cents à mille combattants. Iceux Gantois venoient marchants tant seulement pour garder un grand fossé, lequel étoit environ un trait d'arc devant le boulevard. Lors, quand messire Jacques de Lalain, et les nobles chevaliers et écuyers qui avec lui étoient les perçurent ainsi marcher, ils descendirent à pied et se mirent en très bonne ordonnance; en après suivoient et venoient les autres avec messire Daviot de Poix. Alors Toison-d'Or, roi d'armes de la Toison-d'Or, lequel étoit à cette heure devant avec messire Jacques de Lalain, voyant venir les Gantois ainsi marchants en ordonnance. Et trompettes sonnants, montrants manière de combattre, vint à ceux qui avoient la conduite de l'avant-garde, de la bataille et de l'arrière garde, en disant de tous côtés: « S'il est nul écuyer ou autre qui veuille être chevalier, je les mènerai bien en belle place, et droit devant les ennemis. » Et ce dit-il au seigneur de Croy. De ces nouvelles fut celui seigneur de Croy moult joyeux, et aussi furent toute la plupart des grands seigneurs et nobles hommes qui là étoient, lesquels désiroient

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