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moult à être chevaliers. Et dit le seigneur de Croy:

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« Toison-d'Or, allez devant, si nous menez en la place que vous dites, là où vous avez vu les Gantois nos ennemis. >> Lors tous les seigneurs ayant ouï nouvelles par Toison-d'Or de leurs ennemis, de grand'volonté commencèrent à chevaucher, et tout par ordre; et ainsi que l'ordonnance le portoit, se mirent en toute diligence pour aller courre sus à leurs ennemis. Mais ils ne pouvoient aller en bataille, pour les rues, qui étoient si très étroites qu'ils ne pouvoient aller que par compagnie. Et lors que le seigneur de Croy fut là venu, plusieurs grands seigneurs vinrent vers lui, lesquels lui demandèrent l'ordre de chevalerie. Et là furent faits chevaliers ceux qui s'ensuivent, tant par la main du seigneur de Croy comme par la main d'Adolphe de Clèves, depuis qu'il eut reçu l'ordre de chevalerie par la main du vaillant chevalier messire Cornille bâtard de Bourgogne. Et premièrement furents fait chevaliers. Messire Adolphe de Clèves, Cornille bâtard de Bourgogne, le comte de Bouquain, messire Philippe de Waurin seigneur de Saint Venant, messire Charles de Châlons, messire Philippe de Croy, messire Charles de Ternant, le seigneur de Pernes, messire Philippe de Bergues, le seigneur d'Arsy, messire Micquiel de Changy, messire Frédéric de Mengerut, messire Baudoin d'Ognies, gouverneur de Lille, messire Claude de Rochebaron, messire Philibert de Jaucourt, messire Chrétien de Digoine, le seigneur de Humbercourt, messire Watier de Renolt, messire Collart Baillet, messire

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Louis de la Viéville, messire Yvain de Mol, messire Henry de Opem, messire Philippe Hinchart, messire Warnier de Lisunaux, Jean de la Trémouille seigneur de Dours.

Après les chevaliers dessus nommés ainsi faits, le seigneur de Croy et eux tous descendirent à pied, et marchèrent contre leurs ennemis, lesquels avoient un grand fossé devant eux. Et à les voir montroient semblant qu'ils eussent un grand courage et volonté d'eux bien défendre; et là furent les dits Gantois assaillis très vaillamment, et commencèrent archers à tirer sur eux, et au commencer l'assaut firent nos gens un très grand cri. Lors commencèrent le comte de Saint-Pol et ses gens, lequel conduisoit la bataille, en toute diligence d'eux joindre avec l'avant-garde, et aussi fit pareillement messire Jean de Croy qui avoit la charge de l'arrière-garde, lequel avoit ordonnance de tenir ses gens ensemble, pour la doute que les Gantois n'eussent gens de côté ou d'arrière: car le pays étoit si embûché, que d'un demi trait d'arc on ne pouvoit voir l'un l'autre, pourquoi les dits Gantois étoient plus tôt rassemblés, et ralliés, qu'on n'eût pu être en plain pays. Si ordonna icelui messire Jean de Croy, un gentil chevalier, à entretenir et conduire ses gens, et de sa personne fut à cheval avec les autres. Ainsi, comme par-dessus est dit, l'assaut commença très fièrement sur les Gantois, où tout des premiers étoit messire Jacques de Lalain. Mais tantôt Gantois voyant eux être si vivement assaillis, se mirent en déconfiture et en fuite, et les sei

gueurs, hommes d'armes et archers en bon arroy et ordonnance, les chassèrent et fuirent après eux, tout jusques à leur boulevard qui étoit fort et bon à tenir, et toutes fois ils l'abandonnèrent, sans y faire aucune défense: et si étoit si bien fossoyé qu'on ne le savoit comment passer; parquoi iceux Gantois se sauvèrent et s'enfuirent par les bois, marais, et aulnaies. Lors les seigneursqui cuidoient (croyoient) qu'ils se fussent retraits à l'église de Ouremare, laquelle étoit bien une demie lieue françoise loin du dit boulevard, commencèrent à cheminer de pied et de cheval tout droit à cette église, pensants et cuidants trouver les dits Gantois; mais n'y trouvèrent personne, car ils étoient sauvés ès bois, marais, et aulnaies. Si s'arrêtèrent devant l'église de Ouremare, messire Jean de Croy, messire Jacques de Lalain, messire François l'Arragonnois et plusieurs autres. Et ordonna celui messire Jean de Croy au bailli des bois du pays de Hainaut, qu'il prît gens avec lui, et allât outre celui village d'Ouremare en tirant vers la ville de Gand, là où on disoit qu'il y avoit deux boulevard garnis de Gantois, et qu'il allât voir que c'étoit, et s'il étoit vrai. Le bailli des bois alla cette part et n'y trouva personne. Et s'en retourna devers messire Jean de Croy et messire Jacques de Lalain qui devant l'église d'Ouremare l'attendoient.

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CHAPITRE LXXXVIII.

ENCORE DE CETTE MÊME COURSE OU GRAND'FOISON DE GANTOIS FURENT MORTS ET OCCIS, ET MIS EN FUITE ET A DÉCONfiture.

QUAND messire Jean de Croy entendit da bailli, qu'il n'avoit personne trouvé, il demanda à plusieurs notables seigneurs qui là étoient quelle chose à leur avis il étoit bon de faire. Messire Jacques de Lalain regardant qu'il n'y avoit nul qui répondit, lui dit: « Monseigneur, il me semble que ce seroit le meilleur que je m'en allasse devers le comte de Saint Pol et devers le seigneur de Croy pour savoir qu'il est de faire. » Si fut ainsi fait; et alla messire Jacques de Lalain, et trouva le comte de Saint Pol et le seigneur de Croy, lesquels se mirent ensemble et tinrent conseil pour avoir avis sur ce qu'ils avoient à faire; et là conclurent d'aller à Locre, dont ci-dessus est parlé, où il y avoit un grand boulevard et gens qui le gardoient. Si dirent à messire Jacques de Lalain qu'il rassemblât ses gens et qu'il tirât le chemin de Locre, laquelle chose il fit. Alors messire Jacques de Lalain désirant de tout son cœur d'acquérir los et bonne renommée, très tout le pas et bellement en attendant ses gens se tira vers Locre. Si avoit messire Jacques, près toute son ordonnance, excepté mes

sire François l'Arragonnois qui encore étoit dèrrière avec messire Jean de Croy auxquels on avoit mandé ce qui étoit conclu.

Tout ainsi que messire Jacques de Lalain et sa compagnie commencèrent à marcher en vers la ville de Locre, qui étoit à lieue et demie ou environ de là où ils étoient, ils perçurent bien mille Gantois venants tout droit à la bataille, laquelle les dits Gantois ne pouvoient voir: mais le bruit pouvoient-ils bien ouïr, et aussi oyoient-ils les cloches sonner et faire l'effroi du pays. Pourquoi ils s'étoient mis ensemble, cuidants (croyants) gréver et mettre à déconfiture les gens du duc de Bourgogne leur seigneur naturel; lesquels Gantois marchoient très fièrement à enseigne déployée et en ordonnance. Alors quand messire Jacques de Lalain les vit ainsi marcher, dit à messire Antoine et à messire Guillaume de Vaudré, au seigneur d'Aumont, à messire Pierre Vasque et à cinq ou à six autres qu'ils demeurassent pour être à cheval, et quant à lui, il descendroit à pied, et ainsi le fit sans plus arrêter. Alors à haute voix encommença de crier alarme, et trompettes à son

dont la noise (bruit) fut moult grande. Et pour vérité dire, il est assez à présupposer qu'iceux Gantois ne sçavoient pas la puissance qui là étoit, sinon que du tout ils se fioient à leur fort pays et retraites, cuidants (croyant) susprendre en déroi (désordre) les gens du duc de Bourgogne. Les Gantois avoient un très large pays plein de bruyères: mais les gens duc de Bourgogne ne pouvoient passer vers eux fors à très grand' peine, pour les fossés qui étoient entre

du

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