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sire Antoine et ceux qui avec lui étoient eussent tenu leur barrière ferme, sans l'avoir ouverte, les Gantois ne s'y fussent point boutés, car le comte d'Étampes étoit à l'autre lez (côté) de la ville,qui de ce ne sçavoit rien, où il tenoit sa bataille en ordre, attendant que ses coureurs fussent revenus de la dite chasse; et pour ce dit on un en proverbe, que grand' hâte mène répentance après soi: et si messire Antoine de Hérin, et ceux qui avec lui étoient, n'eussent été si hâtifs de saillir sur les Gantois, sans les avoir vus et sçu quels gens ils étoient, il ne lui en fût pas ainsi avenu, comme vous avez ouï

dire.

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CHAPITRE XC.

COMMENT LE comte d'
D'ÉTAMPES RECONQUIT LA VILLE DE
NIVELLE SUR LES GANTOIS,

QUAND le comte d'Étampes, qui étoit au dehors

de la ville de Nivelle entretenant sa bataille en attendant ses coureurs, sçut que Gantois avoient reconquis sur ses gens la ville de Nivelle et qu'ils étoient tous entrés dedans et mis à mort ceux qui au devant d'eux étoient saillis, il fut moult troublé, et non sans cause. Si appela messire Simon de Lalain, ce gentil chevalier qui lors avoit la charge, et gouvernement de l'étendard du comte, et lui de

manda conseil de ce qu'il étoit de faire. Lors répondit messire Simon et dit: «< Monseigneur, il convient, sans plus arrêter, que tantôt et incontinent cette ville soit reconquise sur ces vilains: car si guères on attend à les assaillir, je fais doute que, tantôt qu'il sera sçu par le pays, les paysans s'éleveront de tous côtés et viendront secourir leurs gens. D'autre part vous sçavez assez que vos coureurs qui de ce ne sçavent rien, ne pourront repasser vers vous, que ce ne soit en grand danger; c'est la fleur, et le bruit de votre compagnie. » Alors le comte d'É1ampes commanda que chacun se mît à pied, et ordonna que son étendard fût baillé à porter à un gentilhomme Nivernois, qu'on nommoit Philibert Bourgoing, lequel pour lors on tenoit pour un vaillant homme, preux et hardi aux armes, et qui bien se montra ce jour: le comte d'Étampes fit sonner ses trompettes pour aller assaillir. Alors messire Simon de Lalain et tous ses gens d'armes et archers, encommencèrent moult vivement à assaillir, et Gantois à eux défendre.

Or advint, ainsi comme à cette heure que l'assaut étoit encommencé, que les coureurs s'en retournoient, c'est à sçavoir messire Antoine bâtard de Bourgogne et son étendard, le seigneur de Wanrin, le seigneur de Rubempré, et messire Gauvain Quieret, revinrent et arrivèrent auprès de la ville, pour y cuider (penser) entrer: mais ainsi qu'ils approchèrent, ils ouïrent le bruit et la noise de l'assaut, par quoi ils connurent que la ville avoit été reprise par les Gantois. Si s'approchèrent à tous côtés, et

commencèrent à tous lez (côtés) d'assaillir la ville; et pareillement faisoit le comte d'Étampes et ses gens, et tant que finablement la ville fut reprise et reconquise sur les Gantois. Le bâtard de Bourgogne et les autres seigneurs par deux côtés rentrèrent en la ville, et aussi firent les gens du comte d'Étampes; et là furent mis à mort la plupart des Gantois: et les autres qui se cuidoient (croyoient) sauver se mirent en fuite et se boutèrent en une motte environnée d'eau, et là furent assaillis, et tous mis à mort, que oncques un seul n'en échappa.

Après cette besogne achevée, le comte d'Étampes et sa compagnie s'en partirent pour s'en retourner au village de Harlebceque, où il avoit geu (couché) la nuit devant. Si advint qu'en soi retournant en certains détroits, trouva arbres nouveaux abattus,et depuis qu'il étoit là passé au matin. Et ès détroits, s'étoient mis en embuche plusieurs paysans, et cuidèrent (crurent) bien gréver le comte d'Etampes à son retour, lui et ses gens, et de fait les assaillirent; et issoient (sortoient) les dits paysans ou Gantois hors des bois, des aulnaies et des blés, où ils s'étoient embuchés et là moururent trois des hommes du comte

d'Étampes, dont les deux étoient nobles hommes, l'un nommé Jean d'Inde, et l'autre Charles de Heronval. Et quant est des dits Gantois ou paysans, ils furent rués jus et morts de trois à quatre cents. Le dit jour perdirent Gantois, tant dedans Nivelle, à la chasse et sur la motte, comme à la dernière besogne, bien mille hommes et plus, ainsi comme ceux qui y furent acertifioient. Les choses

faites, et achevées, le comte d'Étampes s'en retourna à Harlebecque, et le lendemain en la ville d'Audenarde, là où il se tenoit en garnison.

CHAPITRE XCI.

COMMENT LES NATIONS DES MARCHANDS ETANTS A BRU GES, ET LES AMBASSADEURS DU ROI DE FRANCE VINRENT DEVERS LE DUC CUIDANTS TROUVER AUCUN TRAITÉ ENTRE LE DUC ET LES GANTOIS, MAIS RIEN NE S'EN FIT; ET AUSSI DU VOYAGE DE RIPLEMONDE, OU GANTOIS FURENT DÉCONFITS.

DURANT ce temps, les nations des marchands se partirent de Bruges pour aller à Gand, pour cuider trouver aucun traité entre leur prince et eux; mais quelque traité qu'on sçût faire, ni parlementer, ni de trève ni d'abstinence de guerre, ils n'en vouloient rien tenir; et plus traitoit-on à eux, et moins tenoient leur promesse. Toutefois le roi de France pour trouver aucun bon traité entre duc de Bourgogne et ceux de la ville de Gand, au duc de Bourgogne, envoya son ambassade, mais rien n'y firent; et en furent plusieurs journées tenus à Lille, à Bruxelles et autre part: mais rien n'y valut. Et se continua toujours la guerre plus âpre et plus mortelle que paravant n'avoit été: car lors le duc de Bourgogne, voyant la grande déloyauté et malice des Gantois, très fort animé sur eux, se partit de la ville de Tenremonde le treizième jour du mois

de mai, toute son armée lors étant devers lui, pour aller passer la rivière de l'Escaut à Riplemonde, et partants avec lui son seul fils le comte de Charrolois, le duc de Clèves, Adolphe son frère, messire Cornille bâtard de Bourgogne, le seigneur de Croy comte de Porcien, le comte de Hornes, le seigneur de Créquy, le seigneur de Montagu, le seigneur de Lalain, le seigneur de Ternant, le seigneur de Humières, messire Jacques de Lalain, le seigneur de Waurin; le seigneur de Bauseignies, le seigneur d'Arcy, messire Charles de Châlons, et plusieurs autres grands seigneurs. Au dit lieu de Riplemonde avoit un gros village que les Gantois avoient ars (brûlé), mais pour ce qu'il y avoit fossés autour, où souloit (avoit coutume) de être icelui village, fut avisé d'aller loger huit cents ou mille combattants dedans, afin les Gantois ne s'y logeassent premiers: car si les Gantois y eussent été logés, ils eussent pu destourber (troubler) le passage du duc de Bourgogne et de ses gens au dit lieu de Riplemonde. Si furent envoyés deux notables chevaliers, l'un fut messire François l'Arragonois, et l'autre le seigueur de Contay, lesquels allèrent garder le dit logis.

que

Un jour devant le partement du duc, icelui messire François alloit par eau, et menoit et conduisoit plusieurs grands bateaux, bacs et passagers, et passa devant plusieurs des ennemis, qui lui firent de grandes invasions, et plusieurs fois lui livrèrent assaut: mais en dépit d'eux il mena, et con

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