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ne sçavoient qu'ils vouloient faire. Messire Jacques, et messire Simon de Lalain issirent hors de la ville de Hulst le mercredi bien matin, atout (avec) soixante combattants, et chevauchèrent tout droit vers le dit gros village de Acqueselles, pour sçavoir nouvelles de leurs ennemis. Si ne chevauchèrent guère de chemin, qu'ils trouvèrent un fort boulevard garde par les Gantois, bien garni d'artillerie à poudre, et en tirèrent sur les dits de Lalain, et toutes fois ils entendoient qu'il fut trèves les dits trois jours durants, comme il étoit dit. Et quand messire Jacques, et messire Simon perçurent que les dits Gantois ne tenoient point les trèves, ils s'approchèrent d'eux et de rechef les dits Gantois commencèrent à tirer. Ce voyants messire Simon et messire Jacques,firent, descendre leur archers et marchèrent tout droit à l'encontre des dits Gantois. Et quand les Gantois les virent approcher de si près d'eux, si commencèrent à fuir; et messire Jacques de Lalain par grand courage, et diligemment les prit à suivir (suivre) alout (avec) cinquante combattants, ou environ, et messire Simon demeura pour recueillir et secourir messire Jacques son neveu, si besoin lui eût été; mais celui jour messire Jacques de Lalain le bon chevalier fit tant par son grand hardement (courage) et prouesse qu'il conquêta et gagna sur les Gantois sept ou huit forts boulevards, et passa parmi deux villages, dont l'un étoit bel et fort, et une très belle et forte église, et les déconfit et mit eu fuite atout(avec) son petit nombre de gens jusques au lieu d'Acqueselles. Et si à cette heure celui messire Jacques de

Lalain eût eu suite de gens, il fût entré dedans le village de Acqueselles.

Ainsi comme vous oyez messire Jacques de Lalain le vaillant chevalier, eut en ce jours moult degrands affaires, et donna maints coups et reçut, tellement que par sa vaillance et par ses belles appertises d'armes, sa renommée fut si grande, qu'en place où il se trouvât, fortune lui étoit amie; non pas seulement en ce jour, mais tant comme il vequit (vécut). Et en celui jour n'y eut des dits Gantois que dix à: douze morts, et de prisonniers environ vingt:car tantôt comme Gantois le véoient aborder sur eux, lequel ils connaissaient assez, nuls d'eux pour peur de la mort ne l'osoient attendre. Après ces choses faites et achevées, messire Jacques etmessire Simon de Lalain s'en retournèrent en la ville de Hulst. Et quant est aux Gantois, lesquels étoient issus en nombre de six mille combattants, comme on disoit, ils sçurent hien qu'ils étoient allés bouter les feux en deux maisons devers la mer, lesquelles étoient à deux nobles hommes tenants le parti du duc de Bourgogne.

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CHAPITRE XCV.

COMMENT LES GANTOIS, QUI ÉTOIENT DEDANS ACQUE

SELLES ISSIRENT DEHORS POUR ALLER METTRE LE SIÈGE DEVANT HULST: ET DES GRANDS VAILLANCES ET GRAND' CONDUITE DE MESSIRE JACQUES DE LALAIN.

QUA

UAND ce vint le lendemain, qui fut le jour de Saint-Pierre en juin, les Gantois élants au lieu d'Ac

queselles, en nombre de sept mille hommes ou plus, comme on disoit, issirent (sortirent) et allèrent tout droit devant la ville de Hulst, menants grand nombre de charrois, artillerie, tant de canons, couleuvrines, pavois, et autres choses appartenants à la dite artillerie, contendants (prétendant) d'assiéger la ville de Hulst, ou la prendre d'assaut. Pourquoi quand on vit venir les Gantois en tel arroi, fut ordonné que les Hollandois garderoient une des portes, messire Sanche de Lalain une autre, et messire Antoine bâtard de Bourgogne seroit dedans le marché atout(avec) ses gens, pour secourir et aider ceux qui en auroient affaire, et messire Jacques de Lalain issiroit dehors atout (avec) un nombre de gens d'armes, et messire George de Rosimbeau mèneroit les archers. Et quant à messire Simon de Lalain, il étoit allé devers le duc de Bourgogne qui à ce jour étoit au village de Wasemenstre, dont devant est parlé.

Quand les ordonnances farent faites, une partie d'iceux Hollandois issirent (sortirent) hors de l'une des portes, du côté dont les Gantois approchoient cette ville de Hulst: messire Jacques de Lalain, et George de Rosimbeau étoient pareillement issus hors de la ville de Hulst. Et quand messire Jacques de Lalain vit et perçut que les Gantois approchoient la porte dont ils étoient issus, il envoya par devers messire Antoine le bâtard, afin qu'il lui envoyât cncore cinquante ou soixante archers, laquelle chose il fit. Puis quand messire Jacques se vit renforcé des dits archers et qu'iceux Gantois n'approchoient plus la ville de Hulst, il ordonna un petit nombre d'ar

chers, et les fit aller à son coté scnestre (gauche) et si avant que les dits archers pouvoient bien tirer aux flancs et aux cotés d'iceux Gantois. Et alors messire Jacques de Lalain commença à marcher tout bellement envers ses ennemis. Puis quand iceux Gantois virent messire Jacques de Lalain approcher d'eux, et qu'ils sentirent le trait des archers, lesquels tiroient sur eux, comme dessus est dit, se mirent en fuite et en déconfiture; et si ne véoient guère de nos gens: mais la vaillance, et hardiesse du bon chevalier messire Jacques de Lalain, les fit mettre à déconfiture. Le cri fut grand sur eux; hommes d'armes et archers commencèrent à chasser et à tuer

Gantois. Et est à eroire pour vérité que Hollaudois n'y faillirent mic, autant comme ils pouvoient aller de pied. En cette ville de Hulst étoient plusieurs chevaliers et grands seigneurs, taut du pays de Hollande, Picardie, Hainaut et que d'autre part.

Là étoit le seigneur de Lannoy, le seigneur de Brederode, le seigneur de Bausegnies, le frère du seigneur de Brederode, messire Sanche de Lalain, tous vaillants chevaliers, dont les uns étoient issus (sortis) de la ville et les autres étoient en leur garde. Car le grand nombre que les Gantois étoient, avec le nombre du charroi et artillerie qu'ils avoient, faisoit à douter qu'ils ne voulsissent(voulussent) assaillir la ville de Hulst; et aussi alloient-ils pour ce faire: mais ils trouvèrent dedans la ville autres gens qu'ils ne cuidoient (croyoient) trouver. Et pour revenir à icelle déconfiture de Gantois, vrai est que messire Jacques de Lalain chassa un peu iceux

Gantois tout à pied. Et en ce faisant trouva un poursuivant nommé Tavent, auquel il prit son cheval, et monta dessus, et cependant on alla querre (chercher) chevaux en la ville de Hulst, tant pour lui comme pour les siens, et aussi plusieurs nobles hom messe mirent en peine d'avoir des chevaux. Et quand chevaux furent recouvrés, laquelle recouvrance fut petite, car je crois qu'ils ne se trouvèrent point jusques à cinquante chevaux en tout, alors ils encommencèrent à faire leur devoir, c'est à sçavoir de tuer et chasser Gantois, et tant qu'hommes, et chevaux furent recreus (rendus). Et fut messire Jacques de Lalain tout le dernier chassant, et eut son cheval tué, et lui convint rechanger cheval, et en eut trois ce jour; et si avoit avec lui cinq ou six de ses gens, et si y étoit messire Josse de Hallewin, le bâtard de Saveuses, et Plateau, car ils ne se trouvèrent que dix, où douze chevaux au darrain (enfin), que tous ne fussent lassés. A icelle chasse ne failloit (manquoit) que gens de cheval pour chasser et tuer: car les Gantois ne faisoient autre défense que de fuir, en jetant piques et harnas à terre. En icelle chasse y eut plusieurs Gantois, lesquels s'allèrent rendre aux officiers d'armes en requérant qu'on leur sauvât la vie. Celui jour y eut quatre cents hommes morts, et bien cent prisonniers d'iceux Gantois, et si perdirent toute leur artillerie, charroi, pavois, vivres et autres bagues; et comme on disoit, ils avoient bien quarante que chars que charrettes. Or est vérité que le duc de Bourgogne entendoit qu'il y eût tréves à la requête des ambassadeurs du roi: car

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