O! hault duc plein de gloire, Et vous son noble filz, Ceste brefve mémoire De tant de divers dis Ay fait en vos louanges D'ung cueur non vermolut Il plaise au roi des anges Qu'il vous tourne à salut,
J'ai veu dure vieillesse, Qui me vient tourmenter, Si fault que je délaisse L'escripre et le dicter En rime telle quelle, Puisque je vais mourant; Molinet mon sequelle Fera le demourant (1).
J'ay veu ung petit conte, Seigneur de Charolois Qui bailla bien son compte A Loys de Vallois,
Au Mont-Héry en France Son ost le poursüy,
Mais l'ung tint place franche
Et l'autre s'en füy.
J'ay veu la chandrelière Orgueilleuse Dinant, Ville assez singulière, Mais toujours huttinant; Pour sa grande arrogance Le Lyon très hardy
En print dure vengeance
Et en cendre l'ardy.
(1) Ici se termine ce qu'a écrit Georges Chastellain, Le reste es! de Molinet.
J'ay veu les murs de Liége Destruictz et abbatus, Son Péron perdre siége, Ses mutins combatus, Criant vive Bourgoigne! Le roi vint de surcrois, Qui porta sans vergoigne De Sainct Andrieu la croix.
J'ai veu dục magnifique Tant surpris de Gantois Qu'à dur trouva practicque D'eschapper de leur toictz. Ils furent pris aux piéges, Dont ils furent honteux, Car leurs grans privilléges Déchira devant eulx.
Paulus sans faulte nulle, Qui d'argent eut maint marc, Fist nouveau scel et bulle, Et le palais Sainct Marc; En or et pierrerie Mit son entendement Et en sa trésorie
Fina estrangement.
J'ay veu, par forte glaive,
Édouard roi Anglois,
Expulsé, comme esclaive De ses royaulx Angletz; En moins d'onze sepmaines, A l'espée tranchant, Recouvrer ses domaines
Et son throsne luysant.
J'ay veu porter souffrance A Werwic, qui cuidoit Trouver Anglois soubz France, Et France sur son doigt; Payé fut de ses galles, Car il passa par là, Et le prince de Galles. Oncques puis ne parla.
Fortune qui couronne Les siens à son franc chois, Donna double couronne D'Anglois et de François A Henry, qui ses resnes Rompit sur le hault roc; Il perdit ses deux regnes Se ne fut roy ne roc.
J'ay veu la Normandie
Du lion trespercer;
Le roy, quoiqu'on en die, Ne l'osoit approcher;
L'ung demandoit la guerre, L'autre plaisant soulas, L'ung vouloit bruit acquerre, L'autre en estoit fort las.
J'ai veu comette horrible, Comme verge poindant, Espouentable, terrible, Grande, felle et ardant. Sur le Rin vers Couloigne Jectoit son rayant dart, Et le duc de Bourgoigne Y mist son estandart.
J'ai veu soulfre, salpêtre, Ensemble batailler,
Quant j'ai veu Fratre pêtre, Cardinal cordellier, Plein de pompe mondaine Et d'immundicité
Et à heure soudaine
Estre à la mort cité.
L'empereur d'Allemaigne Dedans Trèves entra, Charles qui l'accompaigne Son triumphe y monstra. Chascun tant ayme et prise Son excellent arroy, Que la journée fut prise Pour le couronner roi.
Nus attendit l'espée Du plus fort duc des ducs, Sa rivière coppée, Ses muretz pourfendus; Près d'ung an assiégé Endura ses travaulx,
De secours estrangé,
Mengeant chair de chevaulx.
J'ay veu un duc combattre Le Rommain empereur, Tentes et gens abattre Par mortelle terreur; Sans craindre hacquebutes, Sans estre bersandé, Retourner en cesbutes Son siége bien gardé.
J'ay veu roy d'Angleterre Amener son grand ost Pour la françoise terre Conquester bref et tost; Le roi voyant l'affaire, Si bon vin lui donna
Que l'autre, sans rien faire Content s'en retourna.
J'ay veu Saint Pol en gloire Ravy jusques és cieulx,
Puis descendre en bas loire Mal en grâce des dieux; Sainct Pierre s'en délivre, Pas ne le respita, Et au prince le livre Qui le descapita.
Et si fault que je dise Ceulx qui ont eu mal an: Meurdry fut à l'église Le grand duc de Millan; Par user des plus belles Femmes de son pays, Et mettre sus gabelles, Il fut à mort haïs.
J'ai veu le plus fort prince De la chrestienté
En turquoise province Fort crainct et redoubté, Surmonter en bataille Par un petit ducquet; En gens de rude taille On n'y a point d'acquest.
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