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pas moins utile de citer fréquemment cet exemple de la haute fortune du litre pour qu'il soit toujours présent à la pensée des nomenclateurs, et leur rappelle que l'heureux choix des mots nouveaux et des nouvelles mesures est dans toute entreprise de réforme une des premières conditions de succès.

Je disais donc que la science officielle avait accepté trop humblement les noms accolés par l'usage et par la tradition aux types génériques de la première subdivision des vertébrés, et qu'elle eût mieux fait de répudier cet héritage de la routine et de prendre ses types primordiaux de série, soit dans l'élément habituel, soit dans le mode de locomotion, soit dans l'appareil organique qui en révèle le système; sauf à créer une nouvelle langue pour les besoins des nouvelles idées. Or, cette hardiesse de vues et d'actes n'étant aucunement dans le tempérament de la science, il était fatal encore qu'elle fit défaut dès le lancer sur la voie de la classification naturelle et qu'elle perdît complétement la chasse après quelques détours et quelques houraillements. Ainsi en est-il advenu, hélas ! si bien que la malheureuse se trouve aujourd'hui engagée dans un dédale de dénominations si barbares, si confuses, si inextricables, que je juge tout-à-fait inutile d'essayer de l'en tirer. J'aime mieux lui montrer comme elle aurait dû faire, en reprenant l'histoire des générations de la série où je l'avais laissée.

Je commence par abandonner à leur misérable sort toutes les dénominations vagues et insignifiantes d'oiseaux, de poissons, de Sauriens, de Chéloniens, d'Ophidiens, de Batraciens, de Cétacés, etc., car aucun de ces substantifs qualificatifs ne supporte l'analyse, et l'esprit se mettrait vainement à la torture pour découvrir les rapports naturels qui existent entre les mots poisson et action de nager, oiseau et action de voler, Ophidien et action de ramper, et ainsi de suite. Or, des noms qui ne font pas allusion au caractère principal des êtres qu'ils sont chargés de désigner, sont des étiquettes menteuses et qu'il faut supprimer. A peine si parmi toutes ces appellations de la nomenclature zoologique, j'en connais deux ou trois qui méritent d'être conservées.

La Vertébrie se divise spontanément en trois règnes, d'après la nature du milieu ou de l'élément habitable.

Nous procédons à l'égard de la vertébrie ondienne et de la vertébrie aérienne, comme nous avons fait à l'égard de l'invertébrie. N'ayant point à nous occuper d'oiseaux ni de poissons dans le cours du présent volume, nous éliminons ces deux règnes du champ de nos études. Ainsi fait le chimiste qui poursuit ardemment à travers les magmas les plus complexes et les gangues les plus tenaces le prétendu corps simple qu'il espère isoler. La série que nous travaillons à isoler est celle des mammifères, et nous ne tarderons pas à atteindre le but de nos efforts.

La Vertébrie terrienne ou épigyenne se sudivise en deux branches parfaitement distinctes: Oviparie, Mammiférie.

Oviparie et Mammiférie sont deux termes excellents et réellement scientifiques, comme celui de Vertébrés. Ils portent avec eux une signification si puissante et si claire, que la confusion disparaît aussitôt qu'ils se montrent. La Mammifèrie, qui est la série des animaux supérieurs aboutissant à l'homme, joue dans la classification zoologique matérielle le même rôle qu'à dû jouer le clocher de la cathédrale de Chartres dans la triangulation de la Beauce quand on a fait la carte de ce pays. La Mammiférie est un des pôles de l'animalité.

J'ai dit Mammiférie et non pas Viviparie, par opposition à Oviparie, parce que l'opposition est plus absolue et plus directe entre le Mammifère et l'Ovipare, qu'entre ce dernier et le Vivipare. Mammifère, en effet, emporte Vivipare, tandis que Vivipare n'emporte pas Mammifère. La vipère, l'orvet, l'anguille, une foule de grands poissons et de reptiles venimeux sont vivipares, sans être pourvus de mamelles. Il y a même des reptiles qui sont à la fois Ovipares et Vivipares. Donc cette opposition ne suffit pas. Mais le Mammifère est toujours vivipare.

Un autre caractère constant de la Mammiférie, et que n'offre jamais l'Ovipare, est la pilosité du cuir. Ce caractère du tégument pileux persiste jusque chez les baleines et les dauphins qui habitent le sein des mers profondes; à plus forte raison le retrouve-t-on chez les phoques; et il en a coûté bien cher à quelques glorieux savants de notre époque d'avoir méconnu les liens qui unissaient indissolublement la mamelle et la fourrure; car c'est

la méconnaissance de cette inséparabilité qui a été cause de tous les désagréments qu'ils ont subis dans l'affaire de l'Ornithorinque.

L'Ornithorinque est, comme chacun sait, une bête paradoxale, moitié desman, moitié canard; une bête taillée sur le patron de la chauve-souris, de la taupe-grillon et du poisson-volant, c'està-dire qui cumule dans de riches proportions ces caractères d'ambiguité extrême que le vulgaire appelle de la monstruosité. Or, la question s'éleva un jour dans le monde savant de savoir auquel des deux ordres de l'Oviparie ou de la Viviparie appartenait le · nouveau sphinx natif de l'Australie, et il arriva que les docteurs de Paris, qui n'avaient jamais vu l'animal qu'empaillé, le jugèrent d'après la partie de son corps qui s'était le mieux conservée, le bec. Et comme ce bec est un vrai bec de canard à double mandibule aplatie, ils prirent naturellement le sujet nouveau pour un volatile, et, après l'avoir reconnu en cette qualité, ils furent bien obligés de le classer parmi les Ovipares. J'ai connu l'Ornithorinque dans cette fausse position; ce fut le temps de sa gloire. En ce temps-là, qui n'est pas loin de nous, non-seulement j'ai entendu professer à la Sorbonne et ailleurs que l'Ornithorinque faisait des œufs, mais j'ai rencontré fréquemment des navigateurs dignes de foi, des Anglais, qui avaient vu ces œufs dans le nid, et qui les avaient palpés, et qui regrettaient de ne pas en avoir apporté avec eux, pour nous les faire voir. Et la popularité de l'oiseau à quatre pattes et à poil allait s'accroissant chaque jour, et peut-être qu'elle durerait encore à l'époque où nous sommes, si la malencontreuse idée n'eût passé tout à coup par la tête d'un fâcheux de débrouiller un mystère qui charmait tant de monde, sans faire de mal à personne. Le malheur voulut encore que ce fâcheux fût un naturaliste éminent, doué d'un esprit logique, et qui comprit que le meilleur moyen d'élucider la question de l'Ornithorinque était d'aller étudier l'animal fabuleux au sein de sa contrée natale, parmi les roseaux de l'Australie, à l'autre bout du monde. Et, tirant vers les Antipodes, le savant curieux consacra de longs mois à l'étude du problème, et le résultat de ses investigations fût, hélas ! que les mœurs des ornithorinques vivants contrastaient avec celles des ornitho

Nous procédons à l'égard de la vertébrie ondienne et de la vertébrie aérienne, comme nous avons fait à l'égard de l'invertébrie. N'ayant point à nous occuper d'oiseaux ni de poissons dans le cours du présent volume, nous éliminons ces deux règnes du champ de nos études. Ainsi fait le chimiste qui poursuit ardemment à travers les magmas les plus complexes et les gangues les plus tenaces le prétendu corps simple qu'il espère isoler. La série que nous travaillons à isoler est celle des mammifères, et nous ne tarderons pas à atteindre le but de nos efforts.

La Vertébrie terrienne ou épigyenne se sudivise en deux branches parfaitement distinctes: Oviparie, Mammiférie.

Oviparie et Mammiférie sont deux termes excellents et réellement scientifiques, comme celui de Vertébrés. Ils portent avec eux une signification si puissante et si claire, que la confusion. disparaît aussitôt qu'ils se montrent. La Mammifèrie, qui est la série des animaux supérieurs aboutissant à l'homme, joue dans la classification zoologique matérielle le même rôle qu'à dû jouer le clocher de la cathédrale de Chartres dans la triangulation de la Beauce quand on a fait la carte de ce pays. La Mammiférie est un des pôles de l'animalité.

J'ai dit Mammiférie et non pas Viviparie, par opposition à Oviparie, parce que l'opposition est plus absolue et plus directe entre le Mammifère et l'Ovipare, qu'entre ce dernier et le Vivipare. Mammifère, en effet, emporte Vivipare, tandis que Vivipare n'emporte pas Mammifère. La vipère, l'orvet, l'anguille, une foule de grands poissons et de reptiles venimeux sont vivipares, sans être pourvus de mamelles. Il y a même des reptiles qui sont à la fois Ovipares et Vivipares. Donc cette opposition ne suffit pas. Mais le Mammifère est toujours vivipare.

et que

n'offre

Un autre caractère constant de la Mammiférie, jamais l'Ovipare, est la pilosité du cuir. Ce caractère du tégument pileux persiste jusque chez les baleines et les dauphins qui habitent le sein des mers profondes; à plus forte raison le retrouve-t-on chez les phoques; et il en a coûté bien cher à quelques glorieux savants de notre époque d'avoir méconnu les liens qui unissaient indissolublement la mamelle et la fourrure; car c'est

la méconnaissance de cette inséparabilité qui a été cause de tous les désagréments qu'ils ont subis dans l'affaire de l'Ornithorinque. L'Ornithorinque est, comme chacun sait, une bête paradoxale, moitié desman, moitié canard; une bête taillée sur le patron de la chauve-souris, de la taupe-grillon et du poisson-volant, c'està-dire qui cumule dans de riches proportions ces caractères d'ambiguité extrême que le vulgaire appelle de la monstruosité. Or, la question s'éleva un jour dans le monde savant de savoir auquel des deux ordres de l'Oviparie ou de la Viviparie appartenait le · nouveau sphinx natif de l'Australie, et il arriva que les docteurs de Paris, qui n'avaient jamais vu l'animal qu'empaillé, le jugèrent d'après la partie de son corps qui s'était le mieux conservée, le bec. Et comme ce bec est un vrai bec de canard à double mandibule aplatie, ils prirent naturellement le sujet nouveau pour un volatile, et, après l'avoir reconnu en cette qualité, ils furent bien obligés de le classer parmi les Ovipares. J'ai connu l'Ornithorinque dans cette fausse position; ce fut le temps de sa gloire. En ce temps-là, qui n'est pas loin de nous, non-seulement j'ai entendu professer à la Sorbonne et ailleurs que l'Ornithorinque faisait des œufs, mais j'ai rencontré fréquemment des navigateurs dignes de foi, des Anglais, qui avaient vu ces œufs dans le nid, et qui les avaient palpés, et qui regrettaient de ne pas en avoir apporté avec eux, pour nous les faire voir. Et la popularité de l'oiseau à quatre pattes et à poil allait s'accroissant chaque jour, et peut-être qu'elle durerait encore à l'époque où nous sommes, si la malencontreuse idée n'eût passé tout à coup par la tête d'un fâcheux de débrouiller un mystère qui charmait tant de monde, sans faire de mal à personne. Le malheur voulut encore que ce fâcheux fût un naturaliste éminent, doué d'un esprit logique, et qui comprit que le meilleur moyen d'élucider la question de l'Ornithorinque était d'aller étudier l'animal fabuleux au sein de sa contrée natale, parmi les roseaux de l'Australie, à l'autre bout du monde. Et, tirant vers les Antipodes, le savant curieux consacra de longs mois à l'étude du problème, et le résultat de ses investigations fût, hélas ! que les mœurs des ornithorinques vivants contrastaient avec celles des ornitho

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