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Les phoques sont, après les baleines, les plus zélés conservateurs de la salubrité des ondes; ce qui nous explique pourquoi les Grecs en avaient fait des troupeaux à Neptune, et pourquoi ce dieu intelligent, qui savait que sa gloire périrait avec eux, s'en montrait si jaloux.

CHAPITRE VIII.

Des bêtes qui se forcent et ne se tirent pas, et du courre.

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La chasse à courre est la chasse où l'on force.

C'est le perfectionnement de la chasse naturelle, de la chasse que pratiquent le chien sauvage et le loup abandonnés à leurs propres instincts.

Le vrai chien de chasse étant le chien courant, la vraie chasse est la chasse à courre.

C'est aussi la chasse par excellence, la chasse française, la chasse dite royale, la chasse où le chien est tout, l'homme rien. Un chasseur qui respecte ses chiens ne leur fait pas l'affront de leur apporter le secours de son arme. M. le comte de Reculot, gentilhomme comtois d'avant 89, un veneur de la vieille roche, avait un fils, aujourd'hui existant, veneur passionné comme lui, mais de plus tireur habile, et qui avait eu quelquefois le tort d'essayer la portée de son fusil sur une bête de chasse. Le père, pour ce crime, avait baptisé l'héritier de sa race du nom de Fusillaut. Il disait, en plaisantant, que c'était le plus mauvais chien de sa

meute.

On force le cerf, le daim, le chevreuil, le sanglier, le loup, le lièvre, le renard; on force avec des chiens courants ou avec des lévriers. J'ai consacré un chapitre spécial à la chasse de chacune des bêtes ci-dessus.

Il n'y a qu'une excuse pour légitimer l'emploi du fusil à la chasse aux chiens courants, c'est la misère; mais cette excuse en vaut cent. Tout le monde n'est pas roi, grand-duc ou banquier

israélite pour avoir les moyens d'entretenir une meute. Mais parce qu'on n'est ni roi, ni duc, ni banquier juif, ce n'est pas une raison pour renoncer au plaisir de la chasse ; et ce ne serait pas la peine de faire des révolutions, si les révolutions ne donnaient pas à tous les citoyens le droit de chasse.

Il faut une meute particulière, qu'on nomme un équipage, pour chaque bête que l'on veut chasser. L'équipage pour la chasse du sanglier ou bête noire, ou vautrait, s'appelle équipage de vautrait; tous les autres prennent leur nom de la bête pour laquelle ils ont été spécialement montés, équipage, meute de cerf, de loup, etc.

Une bonne meute pour cerf et sanglier ne doit pas compter moins de quatre-vingts chiens, car le cerf et le sanglier sont des animaux fort méchants, qui se défendent quand on les attaque, et qui ne meurent pas toujours sans vengeance. Or, il faut que le veneur comble les vides de son équipage, à mesure qu'ils se font. Les meutes pour loups et lièvres peuvent être moins nombreuses. J'ai vu tuer trente loups en une saison avec une meute de douze chiens.

Une meute exige pour son service un nombre plus ou moins considérable de piqueurs et de valets de chiens.

Le piqueur, qui est le pivot de la chasse à courre, est l'homme qui est chargé de faire le bois, c'est à dire d'examiner la rentrée des animaux au buisson et de les détourner ou de les rembûcher. Détourner ou rembûcher un animal, c'est avoir connaissance de l'enceinte où l'animal s'est couché pour passer la journée. On rembûche un animal par la simple inspection du pied, quand il y a assez de boue ou de neige pour indiquer la rentrée d'un animal dans une enceinte. Voici des pieds qui entrent et qui ne sortent pas, donc l'animal est ici; voici tant de pieds entrés, tant de pieds sortis... qui de douze ôte quatre, reste huit. Le plus souvent, et presque toujours en été, le rembûchement s'opère à l'aide du limier. Le limier est un chien courant doué d'une haute intelligence et d'une grande subtilité d'odorat, qui aide le piqueur à faire le bois et qui lui indique par une foule de démonstrations silencieuses et en pesant sur la laisse par laquelle il est tenu, le passage par

où l'animal est entré récemment dans l'enceinte. A cette place, le piqueur fait sa brisée, c'est à dire qu'il casse une branche dans la cépéo pour reconnaître la place. La brisée faite, le piqueur tourne F'enceinte, et si le limier n'indique pas la sortie par des démonstrations semblables à celles de tout à l'heure, s'il continue au contraire à lever le nez vers l'enceinte que l'on tourne et à vouloir y pénétrer, la besogne est faite, la bête est rembûchée ou détournée. Le piqueur juge par le pied, par les fumées ou laissécs, par la hauteur à laquelle les branches ont été froissées par l'animal, de sa taille, de son âge et de son embonpoint. Il fait son rapport sur chacun de ces détails et vient le présenter au maître d'équipage au lieu du rendez-vous.

Le talent du piqueur exige une étude approfondie des mœurs de chaque animal qu'il attaque. Il doit connaître aux allures d'icelui son caractère accoinmodant ou farouche, sa pesanteur ou sa légèreté, et indiquer d'avance ses refuites pour qu'on poste les relais sur le passage de la bête. On voit d'ici quelle immense part de responsabilité pèse sur le piqueur. Honte et malheur à lui s'il ne trouve pas; si ayant trouvé, il ne détourne pas; si ayant détourné, il a fait erreur sur le sexe, l'âge, la taille de l'animal. Les gens superficiels, les veneurs de salon, ont tort de se railler des airs d'importance que s'arrogent parfois les piqueurs. Si l'orgueil est permis à quelqu'un au monde, c'est au piqueur, à qui le stimulant de la gloire est plus indispensable qu'à personne pour le faire passer par dessus les déboires attachés à sa profession. Les grands-veneurs de France ont toujours accordé à leurs piqueurs le droit d'orgueil et de familiarité; car le piqueur représente le talent dans l'industrie de la chasse, et les chiens le travail, tandis que le riche veneur, hélas ! le maître d'équipage, ne représente que le capital, pauvre rôle dans une industrie où tout est art, poésie, entraînement, enthousiasme.

Les véritables veneurs ne dédaignent pas de se charger, à l'occasion, de l'office de piqueur. Le dernier des Condé aimait à faire le bois lui-même. J'ai vu le duc de Nemours à l'ouvrage dans la forêt de Fontainebleau, à cinq heures du matin.

Le valet de chien est l'homme attaché à la conduite de la

meute et chargé d'exécuter les ordres du piqueur. C'est lui qui couple et découple les chiens, qui divise la meute et mène les relais aux endroits indiqués.

Le rapport fait, ou les rapports, s'il y a plusieurs animaux rembûchés, le maître d'équipage décide à quelle brisée on ira attaquer, brisée de Firmin, brisée d'Antoine; la brisée porte le nom du piqueur qui a détourné un animal. Le maître d'équipage fixe également le nombre des chiens à donner à l'attaque.

L'ordre reçu, on découple sur la brisée. Quelquefois le piqueur entre sous bois avec son seul limier et approche de tout près l'animal au repos. Le limier donne quelques coups de voix; la meute parfaitement créancée se rallie à cette voix bien connue, et la bête est lancée. Plus souvent on fait attaquer par des chiens de choix appelés chiens de tête. Une meute bien créancée est celle qui se rallie sur la voix des chiens de tête. C'est une armée qui a foi dans le courage et dans le talent de ses chefs et que la confiance conduit à la victoire. Quelquefois tous les chiens sont donnés à la fois à l'attaque; il n'y a pas de relais et l'on dit alors que la bête a été chassée ou prise de meute à mort.

Aussitôt que la bête a détalé, piqueurs de sonner la fanfare du lancer et veneurs de prendre le galop. A la fanfare du lancer succède celle du bien aller, qui annonce que la chasse marche bien, qu'aucune difficulté ne se présente encore, que les chiens sont tous sur la voie de l'animal. Une trompe, deux trompes sonnent l'a vue (ou la vue); la fanfare de l'à vue annonce qu'on vient d'apercevoir la bête par corps, et que la chasse s'emporte vers telle ou telle direction. Tout d'un coup, les voix éparses de la meute semblent se confondre et se condenser en un hurlement formidable, et le bruit n'avance pas; c'est le dix cors ou le quartan qui fait tête. Des gémissements plaintifs ont percé à travers les accents de la fureur, c'est que le sang a déjà coulé et que le drame prend couleur. Hola ! hé! mes bello's ! taratantantara, c'est le moment d'encourager les chiens du verbe et de la trompe! Les voix se taisent-elle; au contraire, les chiens affairés semblent-ils interroger l'air, les branches, siffler d'impatience, tourner et retourner sur leurs voies, c'est un défaut. L'animal a donné change,

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