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GENÈVE. —IMPRIMERIE FERD. RAMBOZ, RUE DE L'HÔTEL-DE-VILLE, 78.

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PFr 129.1.2

HARVARD

COLLES

AUG 7 1893

LIBRARY

Minot fund.

UNE PROFESSION DE FOI DU SOCIALISME.

LES QUATRE ÉVANGILES,

traduits et annotés par F. Lamennais.

Lorsque, en 1818, l'auteur de l'Indifférence en matière de religion traitait d'abominable folie la doctrine de Mr. Alexis Dumesnil, et s'étonnait de voir prêcher, au nom de l'Evangile et de Jésus-Christ, la communauté des biens que Diderot et Babœuf préchaient au nom de l'athéisme, il ne prévoyait pas, sans doute, qu'un jour il soutiendrait lui-même de son génie des croyances analogues; mais on aurait pu prédire à cette époque que, venant à embrasser des opinions si diamétralement opposées à celles qu'il professait alors, il n'en chercherait pas moins à les fonder sur l'autorité de la Bible, et à donner à sa philosophie toutes les apparences d'une religion.

me,

C'est, en effet, un caractère propre à l'incrédulité moderne, que l'art avec lequel elle obéit aux caprices du cœur humain, pour arriver plus sûrement à le dominer. Au rebours du siècle passé qui, méconnaissant l'instinct de spiritualisme naturel à l'homdébutait par les inspirations d'un grossier matérialisme, la philosophie actuelle a compris qu'elle devait se mettre en harmonie avec les aspirations vers le sérieux, l'enthousiasme et la foi que notre siècle a réveillées. Il est des esprits audacieux qui conçoivent des systèmes et, populaires ou non, les jettent à la face de leurs contemporains; mais cette hardiesse de génie est rare, car elle est taxée de folie si le succès ne la suit. Il en est de plus timides, qui ne parviennent à conduire les hommes. qu'en suivant l'impulsion générale, et à la fois maîtres et serviteurs de la multitude, pour la dominer, se soumettent à ses exigences; ils paraissent commander, et ne font qu'obéir, car ils ne conduisent l'humanité que là où elle veut bien aller.

Les philosophes du siècle sont au nombre de ces derniers: maintenant que l'incrédulité négative n'est plus de mode, il leur faut, pour étendre leur influence et leur système, les couvrir du manteau de la religion, leurs points de doctrine doivent être articles de foi, leur enthousiasme fanatisme, et l'entreprise une guerre sainte. En un mot, la philosophie se fait religion et, de spéculation purement humaine qu'elle était, se transforme, ou prétend se transformer en dogme d'autorité. Or la condition au moins subjective d'une religion, c'est une révélation, ou toute autre manifestation surnaturelle qui en établisse l'autorité ; c'est là ce que recherche le sens religieux, et même cette religiosité qui a une répugnance sceptique pour tout ce qui est en dehors du cours ordinaire de la nature, et qui rejetterait pourtant une doctrine basée seulement sur un fondement humain.

Avant que Dieu eût révélé aux hommes la religion de vérité, les peuples se sont fait des révélations imaginaires. Leur crédulité, facile à satisfaire, se contentait des vues les plus imparfaites sur la Divinité, pourvu qu'elles cadrassent avec leurs passions, et des hommes se trouvaient qui, s'emparant de ce moyen de domination, et se trompant eux-mêmes sur leur mission divine (car de plusieurs il le faut bien croire), offraient aux peuples exaltés un culte et des croyances. Malgré le caractère tout humain de leurs créations, ils ont réussi, tant est grand chez l'homme le besoin de savoir et de croire des choses surnaturelles, dont son instinct lui révèle l'existence sans les lui faire connaître. Ils ont réussi parce qu'ils ont flatté l'homme, et souvent dans ses goûts les plus relevés et les plus nobles, souvent aussi dans ses penchants déréglés. L'Inde, où, plus vigoureusement que partout ailleurs, une puissante théocratie s'est développée, l'Inde présente au plus haut point dans son histoire ces phénomènes de notre nature. Là, sur des mythes resplendissants de grandeur et de beauté, enfantés par l'esprit d'orgueil et de domination, on vit se former une organisation sociale, pleine de majesté et de poésie, pleine aussi de faits qui paraissent aujour

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