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GRAMMAIRE

FRANÇAISE

EXPLIQUÉE AU MOYEN

DE LA LANGUE PROVENÇALE,

OU

NOUVELLE MÉTHODE

AVEC LAQUELLE UN PROVENÇAL QUI SAIT LIRE, PEUT, SANS
MAITRE, APPRENDRE EN PEU DE TEMS A PARLER ET A ÉCRIRE
CORRECTEMENT LE FRANÇAIS.

Une grammaire toute française ne peut convenir
qu'à quelques provinces où le français est usuel: en
Provence, un pareil ouvrage est insuffisant parce que
nous ne pouvons apprendre le français que par notre
langue maternelle, c'est-à-dire par le provençal.
Introduction, pag. V.

MARSEILLE.

CHEZ CAMOIN, LIBRAIRE, PLACE ROYALE.

1826.

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INTRODUCTION.

Les étrangers qui essaient de parler notre langue trouvent dans la politesse française un fond d'indulgence presque inépuisable. Nous les écoutons avec un sérieux imperturbable, et leurs fautes même les plus grossières ne nous font pas seulement froncer le sourcil. On dirait que nous leur tenons compte des difficultés qu'ils ont eu à surmonter pour parvenir à se faire entendre. Nous sommes loin d'avoir la même indulgence pour nos compatriotes. Pour ceux-ci point de pitié la faute la plus légère excite notre rire.

On pourrait motiver, jusqu'à un certain point, cette différence de conduite si dans l'agglomération politique qu'on est convenu d'appeler France, il n'existait réellement qu'un seul peuple. Sans doute il est honteux de ne pas posséder la langue de son pays; car outre que cette ignorance nous rend la risée de tous ceux à qui nous parlons, elle est encore le signe le plus certain d'un manque absolu d'éducation. Mais la France, une sous le rapport politique, est loin d'offrir la même unité sous le rapport des moeurs, et surtout du langage. A l'exception de quinze à seize départemens où la langue française est vraiment usuelle, dans tous les autres elle n'est guère que

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la langue des salons, ou, comme on l'a dit avec une grande justesse à mon sens, la langue des messieurs et des dames.

Si l'on ne rit pas au nez d'un italien, d'un espagnol, d'un portugais, quand ils parlent un français barbare, il semble qu'on ne devrait pas en agir tout différemment avec un provençal, car sa langue naturelle, au moins dans sa pureté, ne se rapproche guère plus du français que les langues des peuples que je viens de citer.

Quoique le français se répande tous les jours davantage à Marseille, et que le même phénomène moral puisse être remarqué à Aix, à Toùlon, et dans les autres villes de la Provence, il n'en est pas moins vrai de dire que le provençal est et sera encore très-long-tems la langue de l'immense majorité des habitans de cette province. On peut s'assurer de cette vérité très-facilement à Marseille, sans contredit celle de toutes les villes de Provence où la langue française est le plus parlée. Essayez de sortir de son enceinte, vous n'entendez plus parler que provençal. Dans la ville même, si vous exceptez quelques quartiers habités par les classes élevées, c'est le même langage qui ne cesse de frapper votre oreille.

Cependant les Provençaux sont devenus Français, et même d'excellens Français. Ils acceptent avec enthousiasme les destinées de cette belle France à laquelle depuis des siècles ils ont été

incorporés. Ils sentent vivement la nécessité de posséder la langue nationale, et de jouir par son moyen des richesses de la première littérature de l'Europe. Mais ce n'est que par la comparaison qu'on fait de sa langue maternelle avec une langue étrangère qu'on peut parvenir à apprendre cette dernière. Cette comparaison se fait au moyen des grammaires et des dictionnaires, ouvrages qui, pour être très-communs, n'en sont pas moins les premiers livres d'une nation. Or, un fait incroyable, c'est que quoiqu'on ait publié quelques dictionnaires provencaux et français, personne n'a jamais eu l'idée d'écrire une grammaire où les formes de ces deux langues fussent comparées. Une grammaire est cependant bien plus nécessaire qu'un dictionnaire, qui, tout bien considéré, n'est qu'un appendice destiné à recevoir ce qui ne peut pas entrer dans la grammaire, ou ce qui ne se déduit pas rationnellement des règles qu'elle expose, comme par exemple l'orthographe, la prononciation, la formation du pluriel des noms, etc. Nous sommes inondés de grammaires françaises qui nous sont de la plus grande inutilité, et nous manquons absolument d'une grammaire provençale et française, c'est-à-dire de l'ouvrage qui nous serait le plus nécessaire. Une grammaire toute française ne peut convenir qu'à quelques provinces où le français est usuel: en Provence,

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