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COURS DE LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE;

PAR J. F. LAHARPE.

NOUVELLE ÉDITION.

Indocti discant, et ament meminisse periti.

TOME SECOND.

Chez

A PARIS,

(Er. LEDOUX et TENRÉ, Libraires, rue
Pierre-Sarrazin, n° 8.

BÉCHET, Libraire, quai des Augustins, no 63.

BIBLIOTHECA

REGLA.

MONACE VSTS.

COURS

DE LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE.

PREMIÈRE PARTIE.

ANCIENS.

LIVRE PREMIER.

POÉSIE.

CHAPITRE VI.

De la Comédie ancienne.

SECTION PREMIERE.

De la Comédie grecque.

Il faut avant tout distinguer trois époques dans la

comédie grecque. La première, qui se rapprochait beaucoup de l'origine du spectacle dramatique, en avait conservé et même outré la licence. Ce qu'on

appelle la vieille comédie n'était autre chose que la satire en dialogue. Elle nommait les personnes, et les immolait sans nulle pudeur à la risée publique. Ce genre de drame ne pouvait être toléré que dans une démocratie effrénée, comme celle d'Athènes. II n'y a qu'une multitude sans principes, sans règle et sans éducation, qui soit portée à protéger et en.courager publiquement la médisance et la calomnie, parce qu'elle ne les craint pas, et que rien ne trouble les plaisir malin qu'elle goûte à les voir se déchaîner contre tout ce qui est l'objet de sa haine ou de sa jalousie. C'est une espèce de vengeance qu'elle exerce sur tout ce qui est au-dessus d'elle; car l'égalité civile, qui ne fait que constater l'égalité des droits naturels, ne saurait détruire les inégalités morales, sociales et physiques établies par la nature même; et rien au monde ne peut faire que dans l'ordre social un fripon soit l'égal d'un honnête homme, ni un sot l'égal d'un homme d'esprit.

On ouvrit enfin les yeux sur ce scandale, qui fut réprimé par les lois : il fut défendu de nommer personne sur le théâtre. Mais les auteurs, ne voulant pas renoncer à l'avantage facile et certain de flatter Ja malignité publique, prirent le parti de jouer des aventures véritables sous des noms supposés. La satire ne perdit rien sous un si faible déguisement : ce fut le second âge du théâtre comique, et ce genre s'appela la moyenne comédie. De nouveaux édits la proscrivirent, et l'on fit défense aux poètes comiques de mettre sur la scène, ni personnages réels, ni actions vraies et connues. Alors il fallut inventer; et c'est à cette troisième époque qu'il faut placer la naissance de la véritable comédie: ce qui l'avait précédée n'en mér tait pas le nom, C'est dans celle

ci que se distingua Ménandre, qui en fat, chez les Grecs, le créateur et le modèle, comme Epicharme le fut chez les Siciliens. La postérité a consacré la mémoire de Ménandre, mais le temps a dévoré ses écrits. Il ne nous est connu que par les imitations de Térence, qui lui emprunta plusieurs de ses pièces, dont il enrichit le théâtre de Rome.

Les onze pièces qui nous restent des cinquantequatre qu'on dit qu'Aristophane avait faites, appartiennent entièrement à la première époque, à celle de la vieille comédie. Eupolis, Cratinus et lui sont les trois auteurs les plus célèbres qui aient travaillé dans ce genre. Leurs écrits furent connus des Romains, comme le prouve le témoignage d'Horace. Ils ne sont pas venus jusqu'à nous, non plus que ceux des auteurs qui s'exercèrent dans les deux autres genres on sait seulement qu'ils furent en trèsgrand nombre. Le seul Aristophane est échappé, du moins en partie, à ce naufrage général. On ue sait. rien de sa personne, si ce n'est qu'il n'était pas né à Athènes; ce qui relève chez lui le mérite de cet atticisme que les Anciens lui accordent généralement, c'est-à-dire, de cette pureté de diction, de cette élégance qui était particulière aux Athéniens, et qui faisait que Platon même, le disciple de Socrate, trouvait tant de plaisir à la lecture d'Aristophane. Sans doute il en faut croire les Grecs sur ce point, et surtout Platon, si bon juge en cette matière, et si peu suspect de partialité en faveur de l'ennemi de son maître. Mais en mettant à part ce mérite à peu près perdu pour nous, parce que les grâces du langage familier sont les moins sensibles de toutes dans une langue morte, il est difficile d'ailleurs, en lisaut cet auteur, de n'être pas de

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