Stanislas établit des gouverneurs et lieutenants généraux auxquels il attribua des pouvoirs, tout à la fois civils et militaires1, très-étendus; mais ces derniers n'avaient pas d'analogie avec ceux dont nous venons de parler, surtout en ce sens qu'ils n'exerçaient leurs fonctions que sous l'autorité du roi, tandis que les anciens lieutenants généraux représentaient la personne même du souverain. Furent appelés à cette dignité : Le duc de Fleury, pair de France. 24 Octobre 1737. Le maréchal de Belle-Isle. 1. Les lettres de nomination du duc de Nivernais portent : a... Nous vous faisons et établissons lieutenant général, avec pouvoir de commander, pour nous et sous notre autorité, dans nos pays et duchés et de contenir nos sujets d'iceux dans l'obéissance et fidélité qu'ils nous doivent; les faire vivre en bonne union et concorde les uns avec les autres, accommoder toutes querelles et différends; mander, convoquer et assembler les gens d'église, la noblesse, les officiers, bourgeois et autres nos sujets desdits duchés et pays, toutes les fois qu'il sera besoin, pour leur faire entendre, ordonner et enjoindre ce qu'ils auront à faire pour notre service et pour leur conservation; avoir l'œil et tenir la main à la sûreté des villes, places, forteresses et châteaux de nosdits duchés et pays sous notre obéissance, et au soulagement de nos sujets du plat pays; aviser et pourvoir aux affaires et occurrences de ladite lieutenance générale; faire inviolablement observer les lois, constitutions et coutumes qui ont accoutumé d'ètre gardées èsdits pays et duchés de Lorraine et de Bar; maintenir les ecclésiastiques, gentilshommes, officiers et gens du tiers-état en leurs immunités, priviléges, droits et biens quelconques; les régir et gouverner comme il conviendra pour leur plus grand soulagement; avoir l'œil sur tous nos officiers èsdits pays et duchés; tenir la main à ce qu'ils fassent et remplissent le devoir de leurs charges, et, s'ils ne le font, nous en avertir, et cependant y remédier comme il sera nécessaire, par provision, en attendant que nous y pourvoyons et mettions l'ordre convenable; pourvoir et faire pourvoir sur les plaintes de nos sujets, à ce que la justice soit bien administrée à tous, et que les gens de guerre y vivent en bon ordre, police et discipline, suivant les règlements et ordonnances militaires...." (La suite concerne les attributions militaires du lieutenant général.) Le comte de Gisors. 5 Juillet 1753. Le duc de Nivernais. 30 Décembre 1758, par la démission du maréchal de Belle-Isle, duc de Gisors, pair de France, chevalier des ordres du Saint-Esprit, lequel continuait l'exercice de ces fonctions nonobstant les provisions que le feu sieur comte de Gisors en avait obtenues par brevet du 3 juillet 1753. Le maréchal continua même à en toucher les appointements, après la nomination du duc de Nivernais, jusqu'à sa mort, arrivée en 1761. Le duc fut confirmé dans son emploi par lettres patentes de Louis XV, du 18 mars 1776. Mais ces derniers lieutenants généraux ne peuvent pas être considérés comme ayant réellement occupé des offices en Lorraine; ils résidaient en cour, comme on disait, et se contentaient de toucher les émoluments qui leur étaient attribués. Bermann a fait une catégorie à part des lieutenants généraux au gouvernement du duché de Bar, et il en donne la liste suivante : Renaud de Bar, évêque de Metz, régent en 1315. Philbert de Beaufremont, gouverneur général du duché pour le cardinal Louis duc de Bar, en 1414. Richard des Armoises, gouverneur sous le même prince, en 1416. Philippe de Lenoncourt, lieutenant général pour René 1er, en 1450. Ferry de Lorraine, comte de Vaudémont, gouverneur pour le même prince, en 1458. La liste que nous avons pu dresser n'est guère plus longue que celle de Bermann, néanmoins elle peut servir à la compléter; la voici : Thibaut de Bar, sire de Pierrepont, lieutenant au comté de Bar pendant l'absence de sa mère. 1347'. Henri de Bar, seigneur de Pierrefort, lieutenant au duché de Bar. 15552. Philibert de Beaufremont, gouverneur et lieutenant général au duché de Bar. 14113. Louis, marquis du Pont, fils de René Ier. 14404. Ferry de Lorraine, comte de Vaudémont, lieutenant général au duché de Bar. 14495. - Gouverneur général du duché en 14596. Gérard d'Haraucourt, sénéchal et lieutenant au duché de Bar. 14597. Philippe de Lenoncourt, seigneur de Gondrecourt, lieutenant du duché de Bar. 1472 et 14758. Dans des lettres patentes du 17 novembre 1474, René II se qualifie gouverneur pour mon très-redoubté seigneur et père en son duché de Bar ». Ajoutons, enfin, que, le 6 août 1480, le gouvernement du même duché fut donné à Henri de Neufchâtel par Louis XI, qui s'en était emparé après la mort de René d'Anjou9.. 1. Lay. Bar, Chambre des Comptes III, no 47. 2. Cartulaire France, fo 65 vo. 3. Lay. Gondrecourt I, no 133. 4. Cartulaire Traités et accords, fo 165. 5. Lay. Foug I, no 32. 6. Lay. Hattonchâtel, no 47, et lay. Verdun fiefs, no 5. 7. Cart. Verdun, fo 310 vo. Les mêmes qualifications, jointes à celles de conseiller et chambellan du roi de Jérusalem et de Sicile, lui sont données en 1466. (Lay. Bar mélanges II, n° 286.) 8. Lay. Foug III, no 1, et Pont ecclésiastiques, no 48. 9. Liber omnium, fo 99. CHEFS DU CONSEIL. Après les lieutenants généraux, qui remplaçaient le prince en son absence, il convient de mettre les chefs du Conseil, qui devaient, eux aussi, dans certaines circonstances, exercer une part de l'autorité souveraine. Ils occupaient certainement un des premiers rangs dans l'Etat la représentation de la pompe funèbre de Charles II nous montre le chef du Conseil portant la main de justice, et, à l'entrée d'Henri II à Nancy, on le voit marcher immédiatement avant le duc, sur la même ligne que le grand maître, le grand chambellan et un des maréchaux. : Rogéville, à l'article Chancellerie, dit que « cette expression a été longtemps en usage avant que les ducs eussent établi dans leurs Etats la suprême dignité de chancelier, celui qui en faisoit les fonctions n'ayant d'autre titre que de chef du Conseil1; c'étoit souvent un militaire ou un évêque. Il n'y avoit pas non plus de garde des sceaux en titre d'office ». Le chef du Conseil parait donc avoir été en même temps chancelier et garde des sceaux. Ses attributions se régularisèrent au XVIe siècle, et il dut avoir alors des fonctions analogues à celles de notre ministre présidant le Conseil d'Etat. 1. Florentin Le Thierriat, dans ses Mémoires, qualifie Guillaume d'Haraucourt chancelier de Monseigneur (René II), tandis qu'il était chef du Conseil. (Voy. Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine, 1868, 2o partie, p. 79.) Dans l'origine, le Conseil des ducs de Lorraine ne fut pas un corps constitué, pour nous servir d'une expression moderne ces princes attachaient à leur personne quelques hommes recommandables par leur mé→ rite ou leur position, et ils prenaient leurs avis dans les circonstances difficiles; quelquefois même ils composaient avec eux une sorte de tribunal devant lequel étaient portées certaines affaires. Ces conseillers n'exerçaient pas, à vrai dire, des fonctions, ils étaient seulement les hommes de confiance du souverain. C'est, du moins, ce qui résulte des quelques documents que nous allons citer, et auxquels on pourrait, sans doute, en ajouter beaucoup d'autres. En 1225, une difficulté s'étant élevée entre le seigneur de Riste et le prieur de Flavigny touchant les dimes des villages d'Einvaux et de Chaumont, l'abbé de Beaupré, le prieur de Varangéville et Frédéric (ou Ferry) de Blåmont furent choisis pour arbitres de ce différend, qui avait été porté devant Mathieu II. Au jour assigné pour entendre leur rapport, ils comparurent en présence du duc, assisté d'un grand nombre de gentilshommes (multorum nobilium), et prononcèrent une sentence favorable au prieur1. En 1248, une nouvelle difficulté ayant surgi entre ce dernier et Alix de Crévéchamps pour le droit de mettre des bangards dans ce lieu, l'affaire fut portée devant le même duc Mathieu, en sa justice, et il prononça une sentence qui se termine par ces mots : « Et pour ce que ce fut fait devant moi et en ma justice, ai je mis mon séel an ces présentes lettres... » 1. Archives de la Meurthe, fonds du prieuré de Flavigny. 2. Ibid. |