le rôle qu'ils jouaient aux Assises. « Leur création, dans le duché de Lorraine, ajoute-t-il, paraît remonter au delà du règne de Ferry de Bitche (1205–1213) ». Les opinions sont donc contradictoires touchant l'époque où furent institués ces officiers, et les anciens historiens eux-mêmes ne savaient rien de précis à cet égard: « Dès l'an 1212, dit Florentin le Thierriat dans ses Mémoires', se voyent en Lorraine les jugemens et justice des baillifs. Lesdits baillifs estoient comme qui diroit juges des lieux où avoient leur résidence, et représentoient, en tems de guerre, le seigneur qu'estoit en fait d'armes ou d'ost, et qui, détenu en guerre, ne pouvoit rendre justice à ses sujets ». Tels sont, relativement à la création et aux attributions des baillis, les documents connus. Ceux que nous avons recueillis complèteront ces données, passablement imparfaites, et feront apprécier l'importance des fonctions de ces officiers, bien différents des personnages grotesques dont la comédie s'est emparé pour les livrer à la risée du public. Et d'abord, disons un mot du rang qu'ils occupaient. M. Digot a raison de les placer après les maréchaux et les sénéchaux; la formule finale des lettres patentes porte toujours: « Si donnons en mandement à tous nos maréchaux, sénéchaux, baillis, etc. » Dans les comptes des trésoriers généraux de Lorraine, ils viennent également à la suite des maréchaux et des sénéchaux, et ils ont aussi un rang inférieur à ces officiers dans les cérémonies publiques. En ce qui concerne leurs attributions, il est fort diffi 1. Voy. Recueil de documents, 1868, 2o partie, p. 55. cile, tant elles sont multiples, de les indiquer d'une manière rigoureusement méthodique. De même que les autres grands officiers, les baillis des principaux bailliages étaient conseillers d'Etat, et c'est en cette qualité, sans doute, qu'on les voit signer, avec des membres du Conseil, les lettres patentes émanées du souverain. Ils étaient chargés de faire publier et exécuter, chacun dans leur ressort, les ordonnances ducales1. Ils y avaient mission, comme représentants du prince, de recevoir les reprises des vassaux2. Les baillis convoquaient le ban et l'arrière-ban et commandaient les contingents levés dans leurs circonscriptions. Volcyr" nous apprend qu'à la bataille de Chenonville, « au costé senestre des piétons estoit le conte de Salme et le baillif d'Alemaigne, qui avoient charge des gensdarmes alemans ». Ils avaient mission de veiller à ce que les places fortes fussent tenues en état de défense. Le 17 mars 1475, commission est donnée au bailli d'Allemagne pour « pourvoir à la fortification, réparation et garde des villes de son bailliage». Un mandement du 6 janvier 1482 enjoint à Balthasard d'Haussonville et à Vautrin Wisse de Gerbéviller, commis de par les Etats aux réfections de Nancy, de délivrer des deniers de leurs recettes à Jean Wisse, 1. Voy. Rogéville, t. II, p. 314, 414, 415, 436, etc. 2. Voy., notamment, au Trésor des Chartes, reg. B. 1, for 148, 149 et 232, des commissions données dans ce sens aux baillis de Bar et de Clermont. 3. Nous renvoyons pour cet objet au chapitre qui concerne les grands maitres de l'artillerie. 4. Voy. Recueil de documents, t. II, p. 289. 5. Reg. B. 1, fo 95. bailli de cette ville, ou à son lieutenant, pour iceux convertir et employer auxdites réfections1. Une ordonnance de Charles III, du 20 mars 1585, prescrit aux baillis de signifier à tous les nobles de leurs districts de se tenir prêts et appareillés, montés et armés pour marcher et s'employer où et quand il leur séra enjoint et commandé2. Un édit du même prince, du dernier février 1586, porte mandement à ses baillis de faire tenir les nobles de ses pays en équipages (de guerre). Le 4 mars 1594, il leur est ordonné de faire enrôler le vingtième homme dans chaque ville et village de leur ressort". Une ordonnance du 15 février 4595 leur enjoint de faire saisir les biens de toutes personnes, dans les troupes, qui y auront commis quelques exactions". - Un mandement du 22 décembre 1595 leur ordonne d'armer le dixième homme dans leur juridiction pour arrêter les courses et ravages des soldats étrangers". Nous avons cité précédemment", sous la date de 1462, un document par lequel on voit que les baillis étaient chargés, conjointement avec divers officiers, d'imposer les aides. On trouve plusieurs autres exemples qui le prouvent surabondamment et montrent qu'ils avaient 1. Reg. B. 2, fo 6. 2. Voy. Rogéville, t. II, p. 150. 3. Lay. Ordonnances I, n° 164. Voy. aussi Lettres et instructions de Charles III relatives aux affaires de la Ligue, p. 81 et 184. 4. Voy. Rogéville, t. II, p. 78. 5. Voy. ibid. 6. Voy. ibid., p. 79. 7. Voy. ci-dessus, p. 69. mission de lever certains impôts et de faire exécuter les corvées. En 1577, il est enjoint au bailli de Vosge de lever les deniers des amodiations1. - En 1584, mandement est adressé au bailli de Nancy pour « cotiser » sur son bailliage une somme de 7,871 francs. Le résultat de l'assemblée des Etats-genéraux tenue le 6 décembre 1585, pour la levée d'un million de francs en cinq termes, nous apprend de quelle manière devaient procéder les baillis pour lever les aides extraordinaires : . A estez convenu que les baillifz, chascuns en leurs provinces, adviseront... de relever les roolles des conduictz et feuz de leurs bailliages, pour les envoyer à douze gentilhommes... esleuz par l'assemblée pour, après avoir receu de tous lesdictz baillifz les roolles et conduictz, stipuler combien sera pour feu à chacuns des cinq termes et parvenir à la somme d'ung million de frans, affin que par en après lesdictz baillifz mectent entre les mains des recepveurs de chacunes chastellenies et prévostez de leurs bailliages pour lever dessus les conduictz des villaiges... les sommes qui seront mentionnées ésdictz roolles; et lesdictz recepveurs seront tenuz, au jour qui leur sera ordonné, envoyer en ce lieu de Nancy lesdictz deniers entre les mains de deux gen 1. Lay. Ordonnances I, no 131. 2. Reg. B. 326, fo 124. 3. On voit, par un règlement fait, en 1577, pour le « gect que les baillis font pour le regard des munitions et despens qui se soubstiennent pour la conduite des gens de guerre passans par le pays ", que la noblesse avait le droit de déléguer un ou deux gentilshommes pour ètre avec ceux que le duc députerait à la reddition des comptes de chaque bailli. (Lay. Etats-généraux de Lorraine I, no 34; voy. aussi les nos 11 et 35.) tilhommes que Messieurs de la noblesse ont choisiz..., pour, et avec ung que Son Altesse commectra, avoir la garde et maniement, conjoinctement par ensemble, desdictz deniers... D Et là où, en faisant ladicte cotisation, il arriveroit quelque dispute entre quelques particuliers et le commissaire qui feroit la levée desdictz deniers, les baillifs des provinces escouteront la difficulté, pour y donner ordre, s'ilz peuvent... > On lit dans les « Griefs généraux» des Etats convoqués à Nancy le 15 mars 1600: « Son Altesse est trèshumblement suppliée qu'en mettant à exécution ce qu'à tant de fois Elle leur a pleu promettre, il ne se fasse désormais aucun ject (levée d'impôts) sur le pays, soit par les baillys ou aultres en leurs bailliages, qu'il ne soit préalablement accordé à l'Etat, et que ceulx qui se trouveront avoir esté faicts sans la convocation, adveu et consentement dudit Estat, soient déclairez nuls, et lesdits baillys ou aultres qui en ont receu les deniers, condamnez à en faire restitution1... » En ce qui concerne l'exécution des corvées ou prestations en nature, nous trouvons une ordonnance du 12 janvier 1603, prescrivant aux baillis de commander les communautés pour travailler à la réparation de leurs chemins2. Puisque nous venons de prononcer le mot d'Etatsgénéraux, disons que quelquefois le duc adressait aux baillis, par l'intermédiaire du procureur général, l'invitation de faire prévenir ceux qui avaient droit de se trou 1. Voy. Essai sur la rédaction des coutumes, p. 168. 2. Voy. Rogéville, t. I, p. 211. |