LIV. XX. assistants le duc d'York et plusieurs autres princes. La foule ayant répondu négativement : « Eh bien, dit-il, voulez-vous du duc de Lancaster?»-« Oui, oui! s'écrièrent-ils tous à la fois, et béni soit le nom du Seigneur. » Toute l'assemblée s'étant rangée à cet avis, l'archevêque se retourna vers le peuple, et cria trois fois d'une voix forte: «< Ainsi soit, ainsi soit, et meure quiconque ira à l'encontre! Puis il demanda qu'on dressât un acte authentique de cette élection. Cela fait, et le duc ayant accordé son consentement, les archevêques lui lurent à genoux, à haute et intelligible voix, tout ce que les rois d'Angleterre sont tenus d'observer, lui donnèrent leur bénédiction et le baiser de paix, et lui firent présenter et mettre au doigt l'anneau royal par messire Thomas de Percy, qui lui donna une seconde fois le baiser de paix. Le duc, montant alors sur le trône, remit suivant l'usage, le sceptre d'or entre les mains de son connétable, reçut le serment de fidélité du maréchal, du chancelier et du garde du sceau secret, et déclara son fils aîné prince de Galles. Il lui fit prêter serment par toute l'assemblée, et conféra à son second fils le titre de duc de Lancaster. Toutes ces cérémonies achevées, on fixa le jour du couronnement à la fête de saint Édouard. CHAPITRE XIII. Du couronnement du roi et de la cédule de saint Thomas. Le sacre eut lieu au jour marqué. Les Anglais assurent que Henri fut le premier de leurs rois qui ait été sacré avec l'huile sainte apportée du ciel par la Vierge Marie au glorieux martyr Thomas, et contenue dans une ampoule de lapis que renfermait un aigle d'or enrichi de pierreries. Je ne veux ni soutenir ni contester cette tradition. Mais comme on avait, disait-on, remis au roi, en témoignage de la vérité, une cédule attachée à l'aigle d'or et écrite de la propre main du glorieux martyr, j'ai cru devoir en insérer ici la teneur, afin que la postérité juge si le roi pourra réaliser tout ce que cet acte promet de la gloire de son règne. Il était ainsi conçu : « Quand moi Thomas, archevêque, banni d'Angleterre, je me « giebam ad Franciam, veni ad papam Alexandrum, qui tunc << Senonis erat, ut ei ostenderem consuetudines malas et abu«<siones, quas rex Anglie in Ecclesia introducebat. Quadam << nocte, cum essem in ecclesia sancte Columbe in oracione, rogavi reginam virginum ut daret regi Anglie et heredibus << suis propositum et voluntatem emendendi se circa Ecclesiam, << et quod Christus pro sua misericordia ampliori dilectione (( ipsum faceret diligere Ecclesiam. Statim apparuit michi beata « Virgo, habens in pectore istam aquilam auream, manu te<«< nens parvam ampullam lapideam; et accipiens aquilam de «< pectore suo, ampullam inclusit, et aquilam in manu mea «< cum ampulla posuit, et hec verba per ordinem michi dixit: « Ista est unctio, de qua debent ungi reges Anglorum, non isti «< qui modo regnant, sed qui regnabunt, quia maligni sunt et « erunt, et propter peccata sua multa amiserunt et amittent. « Sunt autem reges Anglorum futuri, qui ungentur unctione ista, « benigni et pugiles Ecclesie erunt. Nam isti terram amissam a parentibus pacifice non recuperabunt, donec ampullam cum aquila habeant. Est autem rex Anglorum futurus, qui primo « ungetur unctione ista, qui terram amissam a parentibus, scilicet « Normaniam et Aquitaniam, recuperabit in pace sine vi. Rex iste << erit maximus inter reges, et est ille qui edificabit multas eccle« sias in Terra sancta, et fugabit omnino paganos de Babilonia, « et in eadem plures ecclesias edificabit. Quocienscunque rex portabit aquilam in pectore, victoriam de inimicis habebit, et << regnum ejus semper augmentabitur. Tu autem, futurus es « martir. Et tunc rogavi beatam Virginem ut ostenderet michi << ubi custodirem tam preciosum sanctuarium; que michi dixit: « Est vir in civitate, Guillelmus nomine, monachus sancti Cy priani Pictavensis, ejectus injuste ab abbate suo de abbacia, (( réfugiai en France, j'allai trouver le pape Alexandre, qui était alors « à Sens, afin de lui faire connaître les funestes pratiques et les abus «<< que le roi d'Angleterre introduisait dans l'Église. Une nuit que j'étais « en prière dans l'église de Sainte-Colombe, je demandai à la reine « des vierges d'inspirer au roi d'Angleterre et à ses héritiers le désir et « le ferme propos de s'amender, et je la priai d'obtenir de la miséri«< corde de Jésus-Christ que ce prince traitât l'Église avec plus de << respect et d'amour. Aussitôt la Sainte Vierge m'apparut, ayant en «<son sein cet aigle d'or et tenant à la main une petite ampoule de lapis. Elle tira l'aigle de son sein, y enferma l'ampoule, et me met<< tant ces deux objets dans la main, m'adressa les paroles suivantes : «< Voici l'onction dont doivent être sacrés les rois d'Angleterre, non « pas ceux qui règnent maintenant, mais ceux qui régneront; car «< ceux qui règnent sont et seront méchants, ils ont perdu et perdront « beaucoup à cause de leurs péchés. Mais les rois d'Angleterre à qui <«< cette onction est réservée seront débonnaires et se feront les cham« pions de l'Église. Ils ne recouvreront pacifiquement le pays perdu (( par leurs prédécesseurs, que lorsqu'ils auront en leur pouvoir cette «< ampoule et cet aigle. Celui d'entre eux qui le premier recevra cette «< onction recouvrera pacifiquement et sans effort le pays perdu par « ses prédécesseurs, c'est-à-dire la Normandie et l'Aquitaine. Ce roi « sera le plus grand des rois; il bátira des églises en Terre-Sainte, «< il chassera tous les païens de Babylone et construira des temples « dans cette ville. Toutes les fois que le roi portera cet aigle sur son « sein, il obtiendra la victoire sur ses ennemis; son royaume ira « toujours s'agrandissant. Pour toi, tu seras martyr. Alors je priai << la Sainte Vierge de m'indiquer où je devais déposer un objet si <«<< saint et si précieux. Il y a dans cette ville, me dit-elle, un «< moine de Saint-Cyprien de Poitiers, nommé Guillaume, que son « abbé a chassé injustement de son monastère; il est venu demander « au pape d'engager son abbé à le laisser rentrer dans son abbaye. « Remets-lui l'aigle et l'ampoule, pour qu'il les porte à Poitiers dans « l'église de Saint-Grégoire, qui est près de celle de Saint-Hilaire, et « qu'il les cache dans le chevet de cette église, du côté de l'occident, « qui rogat pappam ut abbatem suum compellat, ut eum in ab«baciam suam reducat. Trade sibi aquilam cum ampula, ut << eam ad Pictavensem civitatem portet, et in ecclesia sancti Gregorii, que est juxta ecclesiam sancti Hylarii, abscondat eam in capite ecclesie, versus occidentem, sub lapide magno. Ibi in (( << venietur tempore opportuno, et erit unctio regum anglorum. (( Caput paganorum erit causa invencionis istius aquile. Et hec « omnia tradidi inclusa in quodam vase plumbeo. >> ་་ CAPITULUM XIV. De nunciis regis Francie missis in Anglia. Dum agebantur prescripta, rex Francie, dilecti filii sui Richardi condolens infortunio, et admirans cur non eum in auxilium evocasset, episcopum Meldensem et dominum de Hugeville cum nonnullis eminentis sciencie viris in Angliam destinaverat, ut de statu regine filie sue inquirerent, et quid tot emergentibus novitatibus Anglici facere intendebant. Nunciorum adventum audiens rex Henricus gavisus est, et non modo salvum conductum liberaliter concessit, quem petebant, sed eos multiplici honore cupiens prevenire, ex majoribus palacii misit, qui eos usque Londoniam conduxerunt, ingentes gracias referentes quod in Francia regem suum exulem proscriptum hucusque conservaverant honeste. Rex vero, debite salutacionis affatu cunctis cum multa humanitate depenso, verbo et vultu significans cum multa hylaritate eorum se suscepisse adventum, cum de regis, regine, singulorumque ducum Francie salute diligenter inquisisset, diebus quatuor successivis ipsis splendida convivia celebravit; dieque Sanctorum omnium, cum penetralia secreciora domus regie ostendens, et thesauros « sous une grande pierre. On les y trouvera, quand il sera temps, et « ils serviront à l'onction des rois d'Angleterre. C'est au chef des « païens qu'on devra la découverte de cet aigle. Et je remis au moine « le tout enfermé dans un coffre de plomb. >> CHAPITRE XIV. Le roi de France envoie des ambassadeurs en Angleterre. Pendant que ces choses se passaient, le roi de France, touché de l'infortune de Richard son fils bien aimé, et étonné de ce qu'il n'avait point imploré son secours, envoya en Angleterre l'évêque de Meaux, le sire de Hugueville et quelques autres personnages d'un savoir éminent, pour avoir des nouvelles de la reine sa fille, et connaître ce que les Anglais avaient l'intention de faire au milieu de ces étranges bouleversements. Le roi Henri, instruit de l'arrivée de ces ambassadeurs, en témoigna beaucoup de joie; il leur accorda avec empressement le sauf-conduit qu'ils demandaient, et se disposa à les recevoir avec les plus grands égards. Il envoya à leur rencontre des seigneurs de sa cour, qui les conduisirent jusqu'à Londres et leur exprimèrent combien ils étaient reconnaissants de ce qu'on avait si bien traité leur roi en France pendant son exil. Le roi leur fit un gracieux accueil, leur adressa toutes sortes de compliments, et leur montra par ses paroles et son air de satisfaction qu'il était ravi de leur arrivée. Ils'informa avec intérêt de la santé du roi, de la reine et de messeigneurs les ducs de France, et leur donna pendant quatre jours de suite de somptueux festins. Le jour de la Toussaint, il les conduisit dans les appartements secrets de son palais. En découvrant à leurs yeux avec un empressement affectueux ses trésors et tout ce qu'il avait de plus |