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hésiter entre ces deux sortes de formes, les unes écrites, lentes et coûteuses, les autres orales et plus rapides; il a préféré les secondes dans le code de 1877.

Le changement qui s'est accompli en Allemagne dans la . procédure civile aux xv et XVI° siècles, s'est également accompli dans l'instruction criminelle. Pendant une grande partie du moyen âge, l'Allemagne conserva pour ses affaires les vieux usages germaniques: le Landgerichte était l'ancien mallus legitimus dont relevaient les hommes libres, tandis que les autres personnes étaient jugées par la dizaine; on ne connaissait pas la poursuite d'office; l'accusation n'appartenait qu'aux parents; l'accusateur et l'accusé devaient tous deux tenir prison; le débat était oral et public; la preuve consistait dans le combat judiciaire, le serment avec les cojuratores et les ordalies. On reconnaît par ces simples indications la procédure qui fonctionna aussi pendant longtemps en France. Il est inutile de rappeler par quelles causes la procédure accusatoire des cours féodales a, sous l'influence de l'Église, cédé la place à la procédure inquisitoire à partir du XII° siècle; on sait aussi que nos rois ont exercé une sérieuse influence sur la procédure criminelle, à partir du xv siècle, et qu'enfin cette procédure s'est résumée dans un véritable code avec l'ordonnance de 1670.

La procédure inquisitoire s'introduisit aussi de bonne heure en Allemagne, mais en se cachant sous les vicilles formes et les vieux noms. Les citoyens ayant cessé de prendre part à l'administration de la justice criminelle, les hommes de loi ne tardèrent pas, au xve siècle, à faire accepter les principes du droit romain et du droit canonique; dès cette époque, la procédure inquisitoire prend place à côté de la procédure accusatoire; la première est définitivement consacrée par la fameuse ordonnance de Charles-Quint du 27 juin 1532, connue sous le nom de Caroline. Cette procédure fut ensuite régularisée par les jurisconsultes comme l'avait été la procédure

civile. Carpzow a résumé les efforts des hommes de loi dans sa Practica rerum criminalium qui parut en 1635. Nous avons dit tout à l'heure que l'influence du droit canonique avait été, sur la procédure civile, plus forte en Allemagne qu'en France où une certaine réaction s'était produite en faveur des débats oraux. Le contraire est arrivé pour la procédure criminelle. Nous nous sommes laissés dominer jusqu'à l'excès par la procédure inquisitoire des justices d'Église; en Allemagne on n'est pas allé aussi loin. Ainsi Carpzow fait encore de la procédure accusatoire le droit commun, tout en accordant. d'ailleurs la plus large place à la procédure inquisitoire; il pose sur l'information par la voie de cette dernière procédure, à peu près les mêmes règles que nos anciens jurisconsultes, mais il donne une large place à la défense, tandis qu'en France elle était complètement sacrifiée; il reconnaît le droit pour l'accusé d'être assisté d'un avocat et veut qu'on lui donne communication des pièces du procès. Mais ce qui est plus remarquable encore, c'est l'absence du ministère public, dont on retrouve seulement quelques traces secondaires en Allemagne, tandis qu'en France cette institution est devenue une des bases de notre procédure criminelle.

La comparaison entre le droit civil de la France et celui de l'Allemagne, offre le même intérêt. Dans les deux pays, ce droit remonte aux mêmes sources, mais il faut rappeler encore une fois qu'en France le droit romain n'a jamais cessé d'être observé au sud de la Loire ; qu'en Allemagne, au contraire, le droit romain a d'abord pénétré par de simples infiltrations et ensuite fait une véritable irruption soudaine et générale dans tout l'empire; ainsi s'expliquent d'importantes différences qui se sont ensuite atténuées par l'effet de la fusion des éléments romain et germanique. Cette fusion a été en Allemagne. l'oeuvre des jurisconsultes; en France elle a été faite par le code civil. Il n'est pas permis non plus de passer sous

silence l'influence du droit canonique et celle du droit féodal; l'un a rapproché dans les deux pays l'organisation de la famille; l'autre a donné à la propriété les mêmes formes en Allemagne et en France, sauf, bien entendu, des différences de détail, et a attribué à la propriété immobilière une prépondérance marquée dont il reste encore plus d'une trace dans les lois modernes. Toutefois, sous l'influence du droit romain, la conception du droit de propriété s'est modifiée dans les deux pays; on en est revenu à la propriété simple, absolue et individuelle sur les immeubles comme sur les meubles; mais, pour ces derniers qui étaient en dehors de la féodalité, ce sont souvent les vieux principes germaniques qui sont restés debout dans les deux pays.

En ce qui concerne la famille, l'influence de l'Église fut tout naturellement prépondérante. Sans doute, d'anciens usages, remontant parfois jusqu'au paganisme, se sont longtemps conservés dans les mœurs, mais ils ont fini eux-mêmes par disparaître et parfois même l'Église les revendiqua à son profit. Au moment où la France et l'Allemagne formèrent deux États distincts, le régime de communauté n'existait pas encore, mais on en possédait des germes; il serait intéressant de rechercher comment il s'est peu à peu constitué dans les deux pays. Le droit allemand n'a pas connu la puissance paternelle des Romains, et quand le droit de Rome s'introduisit en Allemagne, loin de rendre l'autorité paternelle plus dure, il contribua encore à l'adoucir par l'introduction de l'émancipation; on sait qu'en France, au contraire, jusqu'à la rédaction du code civil, il était resté au sud de la Loire de nombreuses traces de l'ancienne puissance paternelle des Romains. L'influence romaine fut aussi moins étendue en Allemagne dans le régime des successions. Mais pour la théorie des contrats, elle était prépondérante dans les deux pays et avait détruit l'ancien formalisme des coutumes germaniques.

Tel est le tableau qui,à grands traits, se dégage de la comparaison du droit et des institutions de la France et de l'Allemagne. Peut-être suffira-t-il pour montrer l'intérêt qu'il y aurait à le reprendre dans ses détails, à rechercher les résultats acquis dans les deux pays et à déterminer avec précision les causes multiples qui les ont préparés.

PRÉFACE

Mon intention, en écrivant cet ouvrage, est de publier un manuel dans le vrai sens du mot, servant à l'exposition de la matière et préparant aux études personnelles. Ce ne sera point une compilation de notices, mais une histoire du développement juridique dans ses éléments essentiels. Pour cela, l'histoire politique n'est pas seulement utile, elle est indispensable. Mais il ne rentre ni dans la tâche de l'historien du droit de l'enseigner, ni dans le ressort de cette science de s'attacher à des connaissances que l'on doit déjà posséder. Quant à la matière propre, ce n'est point l'idée d'exposer tout ce qu'il y a à traiter qui doit prédominer, mais plutôt celle de limiter son étude aux enseignements nécessaires pour bien comprendre le développement historique du droit. La difficulté est donc de ne point fatiguer l'étudiant par un superflu de détails, et cependant de lui en donner assez pour pouvoir saisir le développement général et connaître les particularités intéressantes. Le caractère d'un manuel est, en effet, de donner avec précision les principes, laissant à l'enseignement oral le soin de les compléter par plus de détails. Il est enfin essentiel de faire reposer ces principes sur l'étude des sources et des documents les plus autorisés. Toutefois, ces sources ne peuvent être données que par extraits, afin de ne point fatiguer le lecteur et de ne pas trop étendre les proportions de ce livre. Quant aux controverses, il est bon d'en avoir connaissance pour voir jusqu'où peut être poussée la sagacité et la justesse de la critique; mais il n'est pas nécessaire de s'étendre sur

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