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une unité relative à cette variété de coutumes; de là les Rechtsbücher ou coutumiers et les Stadtrechte ou statuts des communes qui forment les deux nouvelles sources. du droit pendant la seconde période.

Les deux principaux coutumiers sont le Miroir de Saxe qui a exercé en Allemagne une influence immense, bien au-delà du pays pour lequel il avait été écrit et le Miroir de Souabe. Ce sont des traités généraux portant sur presque toutes les branches du droit, droit privé, droit pénal, organisation politique, justice, droit féodal. A côté de ces deux coutumiers, se place un grand nombre de livres de pratique, presque tous consacrés à la procédure. En France, on n'agit pas autrement. Nos grands jurisconsultes rédigént aussi des coutumiers destinés à fixer les usages et à relever ceux qui sont communs. Ce sont aussi les livres de procédure, qui dominent, en France comme en Allemagne, comme en Angleterre. Les nécessités de la pratique l'exigent, et à une époque où les méthodes. scientifiques sont encore dans l'enfance, la pratique judiciaire n'est-elle pas un guide sûr et commode ? Dans les trois pays, il y a même pour les titres des ouvrages, une sorte de mode: Guillaume Durand appelle son cuvre un speculum juris et en Angleterre, André Horne écrira le Miroir des juges.

Les chartes et statuts des communes se multiplient en Allemagne comme en France, mais avec des différences remarquables. En Allemagne la plupart des coutumes ou statuts municipaux furent de bonne heure constatés par écrit et ces statuts, qu'ils fussent concédés par le suzerain ou qu'ils fussent votés par la commune elle-même, étaient souvent étendus d'une ville à une autre ville. Nous ne relevons pas le même fait en France, bien que plus d'une fois les statuts des villes présentent entre eux de fréquentes analogies; mais ces analogies tiennent, dans le midi, à ce que le droit romain sert de base à ces lois municipales et dans le nord, à ce que ces statuts résul

tent presque toujours de chartes d'affranchissement. Pendant cette seconde période, l'influence du droit romain est bien plus considérable en France qu'en Allemagne. Les traces de droit romain relevées par Savigny dans les Leges sont beaucoup moins nombreuses que dans les capitulaires et nous avons vu que ces deux sources de droit étaient à peu près complétement tombées en désuétude dès le début de la seconde période. Le droit romain ne conserva pied en Alemagne que grâce à l'Église c'était lui qui réglait le régime des biens de l'Église et des clercs et les rapports de ces personnes. avec les laïques. Toute autre était la situation en France. Le droit romain resta toujours la base de la législation dans les pays du midi et de bonne heure il pénétra de toutes parts les coutumes au nord de la Loire. Les jurisconsultes allemands de notre période pressentaient peutêtre pour leur pays cette implantation prochaine du droit romain et il est possible qu'Eike de Repgow ait écrit son Miroir de Saxe pour élever une sorte de digue contre cet envahisseur, tandis qu'en France, nos meilleurs jurisconsultes s'inspiraient du droit romain pour compléter ou rectifier les coutumes. C'est qu'en effet ce droit romain formait pour ainsi dire chez nous une source vraiment nationale, et, l'établissement pendant quelque temps de la papauté à Avignon, où étaient attirés nos hommes de loi, ne contribua pas peu à consolider ses assises. En France, le droit romain a été envahi par le droit des barbares. Nous allons assister au phénomène inverse en Allemagne.

La réception du droit romain, comme disent les jurisconsultes allemands, est le fait capital qui ouvre la troisième période. Cette invasion se préparait d'ailleurs depuis quelque temps déjà. Il serait facile de citer, à côté des Miroirs et de leurs annexes, des écrits purement canoniques ou romains. Chose curieuse, presque tous ces ouvrages sont inspirés par la science française : le

Speculum abbreviatum de la première moitié du quatorzième siècle, n'est, comme son titre l'indique, qu'un abrégé du Speculum juris de Durand; le Defensorium juris est un extrait d'ouvrages français, notamment du Libellus fugitivus de Neveu de Montauban. Les étudiants allemands envoyés dans les universités de France ou d'Italie, revenaient pleins d'enthousiasme pour la science du droit romain à laquelle ils avaient été initiés. L'Église devait naturellement se montrer favorable à ce mouvement qui portait l'Allemagne vers une législation étrangère. De leur côté les empereurs ne se considéraient-ils pas comme les continuateurs de l'empire romain et leurs États n'avaient-ils pas pris le nom de romanum imperium? Il était dès lors tout naturel d'appliquer le droit romain dans le saint empire romain; aussi les empereurs envoyèrent le texte de leurs constitutions à l'école de Bologne pour qu'il fût inséré à la suite du corpus juris civilis. Au quinzième siècle, le droit romain dominait dans la pratique des tribunaux. C'était la conséquence des efforts réunis des empereurs, de l'Église et des hommes de loi. L'Allemagne donna ainsi l'exemple, peut-être unique dans l'histoire, d'un peuple qui, reconnaissant son impuissance à faire sortir l'unité de ses coutumes nationales, accepte de l'étranger une législation d'un autre âge pour s'y soumettre volontairement. Mais cette soumission ne se fit pas sans résistance, et c'est même dans cette résistance que se place le point de départ des attaques dirigées pendant les siècles suivants contre le droit romain et des efforts tentés pour arriver à la création d'un vrai droit allemand national. L'opposition prit naissance chez les bourgeois qui se virent, par le droit romain, à la discrétion des hommes de loi. L'influence française, qui avait autrefois dans une certaine mesure contribué à l'infiltration du droit romain, s'exerça en sens inverse. Les jeunes gens de l'Allemagne continuaient à venir en grand nombre dans nos universités, à Paris, à Orléans, à Poitiers,

à Bourges; ils s'y inspiraient de l'enseignement des Cujas, des Doneau, des Duaren. Quelques-uns de nos meilleurs jurisconsultes allèrent professer en Allemagne, Chabot à Fribourg et à Tubingue, Fromont à Fribourg, Lorioz à Leipsig, Dumoulin à Tubingue, Bauduin à Strasbourg et à Heidelberg, Doneau à Heidelberg et à Altdorf, Hotman à Strasbourg et à Bâle, Denis Godefroy à Heidelberg et à Strasbourg. Tous ces juristes introduisirent l'esprit critique dans l'étude du droit romain et l'on ne tarda pas à se demander en Allemagne s'il n'existait pas aussi un génie du droit allemand, comme il y avait un génie du droit romain, avec ses défauts sans doute, mais avec un caractère vraiment national. Le développement du droit germanique, un instant interrompu par l'invasion romaine, reprit son cours et à la fin de notre période, les jurisconsultes allemands auront définitivement élevé l'édifice vraiment imposant du droit commun allemand (1).

A ces sources du droit, il faut ajouter pour la troisième période, la législation impériale. C'est en effet cette législation qui régla le droit public à partir de l'époque où le gouvernement de l'empire appartint à l'empereur et au Reichstag. Ce droit n'introduisait d'ailleurs qu'une unité fort restreinte, souvent plus apparente que réelle. Le travail d'unification s'accomplit bien plutôt dans le droit de chaque pays (Landrecht) et dans le droit municipal. Les coutumes d'un grand nombre de localités furent révi

(1) Il faut toutefois rappeler ici que ces mots droit commun allemand ont parfois donné lieu à de sérieuses difficultés. Il y a sans doute un droit commun d'origine germanique, en ce sens que les institutions germaniques ont déposé dans la législation de l'Allemagne un certain nombre de règles communes aux différents pays qui la composent. Mais il n'a existé à aucune époque un droit germanique applicable à toute l'Allemagne. Aussi certains jurisconsultes en concluent que cet ensemble connu sous le nom de droit commun allemand n'a d'autorité qu'autant qu'il est consacré par les lois ou par les coutumes locales. Le seul vrai droit commun subsidiaire, c'est le droit romain combiné avec le droit canonique et l'ancienne législation impériale.

sées et complétées en partie avec le secours du droit romain.

Pendant cette troisième période, on assiste, en France et en Allemagne, à un même effort qui a pour objet l'unité du droit; c'est en effet un des meilleurs moyens de donner à une nation une puissante vitalité. En France, l'oeuvre immense de la rédaction des coutumes, l'introduction du droit romain comme législation subsidiaire dans les pays où la coutume formait la règle et surtout les ordonnances royales, furent les principaux agents de cette œuvre. La royauté, maîtresse absolue, surtout depuis les derniers siècles, profitait de sa force pour donner partout l'unité : les ordonnances de Louis XIV sont de véritables codes sur la procédure, civile ou criminelle, sur le droit commercial, de terre ou de mer. On sait que plusieurs ordonnances de Louis XV essayèrent d'introduire l'unité dans certaines parties du droit civil. Mais cette œuvre était la plus délicate de toutes. La royauté, quoique soutenue par l'esprit de la nation dans toutes ses entreprises destinées à nous donner l'unité du droît, rencontrait cependant ailleurs, notamment chez les hommes de loi et parmi les magistrats, des résistances si vives, qu'elle ne put jamais les vaincre. Il a fallu des bouleversements tels que ceux de la fin du siècle dernier pour rendre la codification du droit civil moins difficile. Aussi notre code civil est-il en réalité le dernier de tous dans l'ordre des dates, quoiqu'en apparence il semble être le premier. C'est qu'en effet les autres codes ne sont en général pas autre chose que de nouvelles éditions des ordonnances de Louis XIV.

L'Allemagne, elle aussi, rencontre de sérieux obstacles, quoique de nature différente, dans la codification du droit. privé; comme nous, elle terminera son unité législative par un code civil, mais dans un avenir encore lointain, bien que les travaux de ce code soient commencés depuis quelque temps, et il est dès maintenant permis d'af

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