L'archiprêtre de Hita. Jean de Mena.
Villena. Le marquis de Santillane.
INGT lustres, vingt encore, auxchamps de notre Espagne Apporteront la guerre, et la mort sa compagne,
que l'art qui nous charme ait, par d'autres succès, De l'auguste écrivain poursuivi les essais. Des temps dignes du roi, fratricide barbare, Que par un fratricide a puni Trastamare, Quelques noms sont restés pour des vers peu Seul, un prélat galant, accueilli par Vénus (2), L'archiprêtre d'Hita, Ruiz, méchant aimable, Enclin à marier la légende à la fable,
Sur ses contemporains d'assez haut domina
Pour servir de jalon entre Alphonse et Mena,
Quand, habile à suspendre un avenir sinistre, Prisonnier de ses grands, ou sujet d'un ministre (3), Jean second, échappant aux troubles par les jeux, Donne un air pittoresque à son règne orageux, Qu'entre vingt chansonniers lui-même il versifie (4), Un poëte au talent joint la philosophie (5); Son œuvre a fait époque et l'honore aujourd'hui. Enlevé dans l'espace, il regarde sous lui
Les cercles du Destin, qu'il appelle Fortune : Ils sont trois, et chacun, dans la sphère commune, Tourne, à la fois atteint des sept astres errans, Qui font et nos succès et nos goûts différens. Par degrés autour d'eux se déroulent les âges, Tandis qu'un seul avance au travers des nuages: C'est celui du présent, toujours près de finir, Qui grossit le passé, dégageant l'avenir.
Éclairé par lui-même, ou par son divin guide,
Le poëte redit, dans un ordre lucide,
Les hommes et les faits, notre monde et ses lois, Instruit les nations et conseille les rois.
Merveilleux, si déjà n'avait tracé la route
Un autre voyageur, sous l'infernale voûte Inspirant à la terre un puissant intérêt;
Mena fut moins heureux aux lieux qu'il parcourait :
Il n'y rencontra point la naïve Francesque 1; Il n'a pas approché du talent gigantesque, Peintre du mets horrible où, d'un repas sans fin, La vengeance assouvit une éternelle faim.
Au-dessous de Mena la Muse castillane
Plaçait, dit-on, Villene auprès de Santillane (6); Pour éclairer ses droits à ce poste assez beau Les flammes d'un bûcher sont un triste flambeau. D'un jugement absurde, épargné par l'histoire, Mena, tes nobles vers ont vengé sa mémoire : Il te doit nos respects. Plus heureux, plus fécond (7), Santillane portait au fils de Jean second
Les accords du poëte et les pensers du sage; De ses doctes leçons, hélas! quel fut l'usage? Jamais prince indocile, au trône destiné, N'apprêta plus d'ennuis à son front couronné (8) : Henri de sa faiblesse, a lassé l'anarchie.
Son inflexible sœur refait la monarchie: Aragon et Castille, unis par son hymen, Redemandent Grenade aux fils de l'Yémen, Qui vont d'adieux plaintifs saluer notre terre. Ils n'étaient plus ces jours où l'ardent cimeterre Semblait frapper les coups d'un peuple de géans :
1 Francesca di Rimini, épisode aussi intéressant qu'extra ordinaire du chant de l'Enfer.
Des maires du palais sous des rois fainéans (9), Constamment la révolte auprès du despotisme (10), L'Islamite égorgé par un autre Islamisme (11), Toujours quelque alfaki, toujours quelque inspiré Déchirant les lambeaux de l'État déchiré;
Nos bras, enfin, laissaient du puissant Ommiade Un simulaëre vain dans la seule Grenade (12). Elle accueillait toujours, en attendant des fers, Les danses, les tournois, les amours et les vers; Et la conquête y prit, pour la Muse espagnole, Le dire harmonieux, la piquante hyperbole, Le coloris arabe et le rhythme nombreux, Qui rachète le vide aux psaumes des Hébreux, Et cet art, où la Grèce est par nous surpassée, De revêtir d'un corps l'image et la pensée.
Bientôt l'Espagne s'ouvre un immense horizon : Et, tels que d'Éolie en forçant la prison Les vents font éclater leur fougue comprimée, Tel le peuple espagnol sur la terre alarmée Déborde, en d'autres lieux contraint de déployer L'énergique chaleur qu'étouffe son foyer.
Au dedans tout est gêne, au dehors tout est gloire : C'est peu d'un nouveau monde au char de la victoire,
peut rouler encore un vainqueur éminent
Y veut porter nos fers à l'ancien Continent.
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