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peine à nous rendre compte. Les gens d'Esparron et de la Bastide, ayant décliné la mouvance de Jacques Ardouin, furent condamnés pas les officiers de celui-ci. Le chapitre ne trouvant pas cette condamnation à son gré, ce qui se conçoit, les fit avertir de révoquer leur sentence et d'annuler les saisies qu'ils avaient faites, car alors on mettait lestement la main sur les biens: nam Baiuli dictorum dominorum moniti fuerunt quod revocarent condempnationes et pignorationes. Il ne s'agissait rien moins, ainsi qu'on le voit, que de faire renverser une sentence par le juge même qui l'avait rendue. Aujourd'hui, que nous avons d'autres idées, cela nous paraît extraordinaire. En 1344 c'était tout simple.

338. Le compromis passé entre les parties ayant été annulé par le décès de l'un des arbitres, le procès reprit son cours. Des officiers du seigneur, il avait passé à la Cour archiepiscopale d'Aix, par le motif, sans doute, qu'un corps religieux y était intéressé. Là, le chapitre de Gap perdit son procès. Il émit appel du jugement et ne le suivit pas. Peu après, et je ne sais par quelle involution de procédure, le tribunal ecclésiastique de Gap s'en trouva saisi. C'est alors que le seigneur d'Esparron, se méfiant à bon droit de la juridiction devant laquelle ou voulait l'amener, se pourvut, non pas en règlement de juges, car il n'y avait pas conflit, mais demanda qu'il lui fut donné un juge, par le sénéchal de Provence, parce qu'il s'agissait d'une cause réelle et temporelle, qui était essentiellement de la compétence des juges ordinaires. Il fut fait droit à cette demande, et le sénéchal désigna l'un des maîtres rationaux de la cour des comptes.

La procédure, à cette époque, était un vrai dédale dont il est impossible de trouvrer le fil. Chacun pre

nait le juge qui lui convenait, et l'abandonnait ensuite. On appellait d'un jugement et, laissant là cet appel, on revenait devant une autre juridiction. C'est à n'y rien comprendre, mais ce qu'il y a de plus extraordinaire pour nous, habitués que nous sommes à voir, d'un coup d'œil, quel tribunal nous devons saisir, c'est que la compétence des juges n'était pas déterminée; c'est qu'il paraît qu'aucun d'eux n'avait d'attributions bien fixes. Il fallait que le seigneur d'Esparron ne sût à qui s'adresser, puisqu'il recourut au sénéchal afin d'en obtenir un juge. Il serait bon de savoir si ce magistrat, détourné de ses occupations habituelles, car c'était un des maitres rationaux, jugeait en première instance, ou souverainement; et, dans le premier cas, de qui il ressortissait. Il faudrait, pour répondre à ces questions, et pour comprendre toutes ces énormités, connaître l'organisation judiciaire dans le temps dont nous parlons. Mais, en supposant qu'il existe encore des documents propres à éclaircir ce mystère, quel sera celui qui aura le temps et la patience de les consulter !

339. Il était d'usage, quand une transaction était passée, de la rendre obligatoire au moyen d'une clause pénale y attachée. Ainsi, dans celle dont il s'agit, les parties stipulèrent que celui qui n'observerait pas la transaction payerait cent livres à sa partie adverse. La même stipulation se remarque dans les compromis. Quant aux arbitres, ils attachaient toujours une peine pécuniaire à l'exécution de leur sentence.

340. La transaction du 18 février 1344 ne satisfit pas le chapitre de Gap. On a vu que ses mandataires s'étaient engagés à rapporter sa ratification, en même temps que Jacques Ardouin s'obligeait à obtenir celle de ses

neveux. Quand le chapitre fut sommé d'approuver ce que ses mandataires avaient fait, il refusa net.

Anno мo CCCO XLVo, die VIIa mensis Maii, XIII indictione, hora completorii 1, etc. Sit notum quod, cum nobilis Jacobus Arduyni, dominus pro tribus partibus Sparroni et Bastide prope Raynerium, Baiulie Sistarici et Vapineensis diocesis, volens adimplere promissa et jurata per eum in transactione facta inter eum, nomine suo et nomine heredum quondam domine Bertrande Arduyne, nepotum suorum, ex una parte; et venerabilem virum dominum Guillelmum Pellegrini, canonicum Vapineensem et dominum Jacobum Marta, jurisperitum, procuratores capituli Vapineensis, ex altera; in qua actum fuit quod idem dominus Jacobus Arduyni curaret et faceret quod heredes dicte quondam domine Bertrande approbarent et ratifficarent transactionem predictam juratam et penali stipulatione vallatam, misit apud Vapineum nobilem Bernardum Arduyni, filium et heredem dicte quondam domine Bertrande, pro dicta transactione ratifficanda, nec non et magistrum Bertrandum Richelmi, procuratorem suum ; qui existentes, in capitulo Vapineense ubi erant congregati domini Gaucherius de Monte Albano, decanus, Guillelmus de Sparrono, archidiaconus, Guilelmus Pellegrini, Guillelmus de Villamuris, canonici ecclesie Vapineensis, more solito congregati, legerunt tenorem diete transactionis, in presentia dominorum Rostagni Guigonis, Raymundi Chassanhe, cappellanorum, et requisierunt prenominatos canonicos congregatos in capitulo, quod aprobarent et ratifficarent transactionem predictam, cum predicti dominus Guillelmus Pellegrini et dominus

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Jacobus Martha, promiserunt et juraverunt hoc se acturos et curatoros; qui omnes canonici et singuli unanimiter responderunt, quod non facerent nisi emine bladi et auctione darentur, cum pleno dominio, et jure laudandi et trezena percipiendi, quia nil tenebat sub jurisdictione dictorum dominorum, nec tenere volebat; et cum fuisset eis replicatum per dominum magistrum Bertrandum, quod procuratores dicti capituli hoc facerant et juraverant; responderunt dicti canonici quod quamvis essent procuratores dicti capituli, non potuerunt facere dampnum ecclesie. Qui predicti Bernardus, et magister Bertrandus, audita responsione dictorum canonicorum, eodem die apud Sistaricum redierunt, et predictam responsionem et gesta in dicto capitulo refferentes dicto domino Jacobo Arduyni, idem dominus Jacobus Arduyni sibi peciit fieri publicum instrumentum de predicta responsione et omnibus supra contentis. Actum Sistarico presentibus, etc. Et me Guillelmo Autrici, de Sistarico, notario puplico, etc. Qui in dicto capitulo apud Vapineum personaliter interfui et in mei presentia et dictorum testium predicti canonici predictam responsionem fecerunt, et requisitus et rogatus per dictum dominum Jacobum Arduyni hoc instrumentum scripsi propria manu signo que meo consueto signavi1. >>

En l'état de ce refus, le procès dut recommencer. Combien de temps dura-t-il, et comment finit-il? Je n'en sais rien. Mais il me semble que les chanoines de Gap eussent mieux fait de dire leurs complies et d'accepter la transaction. Je n'ai cité cet acte que pour montrer jusqu'où allait l'outrecuidance des notaires. En 1 Notaire G. Autric, fo 37 vo. Notaire Mille, à Manosque.

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voilà un qui, non content d'instrumenter dans toute la Provence, sort de son ressort, va interpeller le chapitre de Gap, et dresse acte de ses réponses. Notez que, pendant cette opération, il était flanqué des quatre témoins de Sisteron qui l'avaient assisté lors du rapport fait par les mandataires de Jacques Ardouin. En vérité, c'était par trop de licence.

341. Le compromis était un acte très-usité. Il l'était bien plus qu'aujourd'hui, par la raison que, dans le XIVe siècle, un procès était autrement long et dispendieux. Cet acte comportait une phraséologie sacramentelle, dont les notaires ne s'écartaient guère.

« Anno м° CCC XLVo, die XX mensis Maii, notum sit, etc. Quod cum questionis materia vita esset seu oriri speraretur inter nobilem virum Jacobum Arduyni, ex una parte; et nobilem virum dominum Berengarium Audeberti, militem, Guillelmum Arney, Rixendam, ejus sororem, heredes domini Petri Arney, quondam, et Albaricum Arney, de Aquis, ex altera; super dominio et proprietate cujusdam devensi vocati Arneyorum, situm ad Pronhonum : hinc est quod predicti dominus Jacobus et dominus Berengarius Audeberti, et magister Johannes Ferrerii, notarius, procurator et procuratorio nomine dictorum Guillelmi Arney, Rixendis ejus sororis, et Albarici Arney, habens potestatem compromittendi, ut constat instrumento facto manu Johannis Ferrerii, notarii publici, de predictis questionibus et omnibus dependentibus ex eisdem, compromiserunt alte et basse in nobiles viros dominos Albertum Curaterii, Bulgarinum de Thiboldis, jurisperitos, tanquam in arbitrios et arbitratores et amicabiles compositores

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