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Ainsi, par une fausse entente du Code de Justinien, ou peut-être par la connivence des tribunaux qui s'appliquèrent à diminuer les droits du fisc, ou par toute autre cause, on arriva à ne soumettre à l'insinuation que les donations ayant une grande importance, et on s'arrêta à la limite de cinq cents pièces d'or. C'est l'exception tirée de cette cause que le donateur renonce à faire valoir par la stipulation insérée dans l'acte du 22 octobre 1364. Mais il n'en est pas moins vrai, que la limite dont s'agit ne repose pas sur une base légale, et qu'on ne peut la justifier qu'en disant que l'usage le voulait ainsi. Cela démontre surabondamment l'existence du droit coutumier dont j'ai parlé.

De plus la disposition de la loi 34 du code fut exagérée quant à la valeur des choses données. Cette loi ne parle que de cinq cents sous, ce qui doit s'entendre, j'imagine, de cinq cents sous d'argent, somme alors assez ronde; tandis que notre acte parle de cinq cents sous d'or, aureorum. Il y a là une différence notable, car, en supposant qu'il s'agit de florins, la dernière somme représenterait une valeur effective et actuelle d'au moins cinq mille francs de notre monnaie. Cependant je ne donne cette observation que sous toutes réserves, car je ne sais pas au juste de quelle nature était la monnaie que mentionne la loi Romaine, si elle était d'or, d'argent ou de cuivre. Mais il est une considération qui vient à mon appui ; c'est que s'il se fùt agi de cinq cents sous d'or, somme fort importante pour l'époque, la loi 34 n'eût pas exempté le donataire de faire conster de la donation par écrit.

Quoi qu'il en soit, il est acquis, par un témoignage authentique et irrécusable, qu'au XIVe siècle, une

donation n'excédant pas cinq cents pièces d'or, soit en nature, soit en valeur, était valable, nonobstant le défaut d'insinuation. Je dis valable, non point que le défaut d'insinuation put altérer en rien l'efficacité de l'acte, mais en ce sens, que l'exception tirée de l'omission de cette formalité n'était pas proposable.

Ceci nous fait pénétrer un peu plus avant dans les habitudes chicanières de cette époque. Il est vraiment remarquable que l'omission d'une formalité qui n'inté ressait, en définitive, que le fisc, ou des tiers, pût habiliter le donateur à revenir sur ce qu'il avait fait, et à demander la révocation de son bienfait. Aujourd'hui nous avons d'autres principes, et si, en certains cas, la transcription de la donation, formalité qui n'est qu'une sorte d'insinuation, est nécessaire, et si les intéressés, c'est-à-dire les tiers qui auraient contracté avec le donateur, peuvent en opposer le défaut, le donateur n'y est jamais admis. Cela n'est que justice, quant à lui, il ne risque pas d'être induit en erreur, puisqu'il ne peut ignorer ce qu'il a fait1.

375. La renonciation faite par le donateur s'étendait à l'avenir comme au passé. Il renonce: omni alii juri promulgato, promulgando, confecto, conficiendo. C'était le temps des précautions. Il est vrai qu'on avait quelque raison de les prendre, car on ne connaissait pas alors le principe de la non rétroactivité des lois. Dans ce bon temps il n'y avait rien de certain. Biens et personnes étaient toujours en péril.

376. Il n'est pas rare de voir le donataire stipuler la garantie des choses données, en cas d'éviction. Je rencontre cette stipulation dans un acte du 19 avril 1357. 1 Articles 939 et 941, C. N.

Et de omni evictione universali et generali eidem ex pacto teneri promisit1. Ce n'était pas à tort qu'on la faisait, car aujourd'hui même je crois que la question de savoir si le donateur est tenu de garantir au donataire la possession de la chose donnée est fort controversée. Que devait-ce être en 1357?

377. La procuration était quelques fois un acte fort simple; d'autres fois elle prenait une forme plus compliquée. Je crois que cela dépendait et de la qualité du mandant, et de l'importance de l'affaire. La procuration suivante fut faite dans l'intérêt d'une pauvre femme, et pour une somme bien minime.

Anno quo supra (1388), die quinta mensis Junii, notum sit, etc. Quod Rixcendis, filia Anthonii Maurelli, de sancto Vincentio diocesis et Baiulie Sistarici, habitatrix Manuasce, eo modo et forma quibus melius, tutius et validius de jure dici, fieri et inteligi potest, fecit, constituit et sollempniter ordinavit suos certos et indubitatos procuratores, actores, factores et nuncios speciales et generales, ita quod specialitas generalitati non deroget nec e converso, ad agendum et deffendendum in forma ad omnes suas causas, lites prosequendas, et specialiter ad petendum, exigendum et recuperandum, quoddam debitum in quo Hugo de Caiarco, habitator Manuasce, eidem tenetur, ut ipsa asserit, ratione sui salarii de baylagio 2 per eam in nutriendo et alactando quemdam filium ipsius Hugonis de Caiarco, vocatum, ut ipsa asserit, Esmericonum, et generaliter, etc. Videlicet, Petrum Passeroni, magistros Johan

Notaire Bertrand Reynaudi.

Notaire Mille, à Manosque conservée et qui signifie l'action

2 Expression provençale qui s'est de mettre un enfant en nourrice: Baylagi.

nem Burle et Raymundum Gasqui, notarios, absentes tanquam presentes, et Ludovicum Raymberti, Raymundum Medicis, de Lurio, eciam absentes tanquam presentes, et quilibet eorum in solidum rellevans fide jubens obligans, etc.

De quibus ipsa Rixendis peciit intrumentum. Actum Manuasce, in curte hospicii mei notarii, testes Jacobus de Charentesio et Raymundus Gili, bocherius, de Manuasca, et ego Isnardus Hospiti, notarius 1. »

378. De compte fait, voilà cinq procureurs fondés pour reclamer des mois de nourrice. C'est beaucoup, c'est même trop. Il est vrai qu'on sous entend le cas où l'un d'eux ne pourra ou ne voudra se charger de la mission qui lui est confiée, cas dans lequel il est remplacé par un de ceux qui ont été nommés avec lui; car ils sont tous subtitués les uns aux autres, et ils ont les mêmes pouvoirs. Cela n'est pas dit dans l'acte, parce qu'il est porté sur le sumptum, mais cela y est sousentendu. Au reste c'était de style dans toutes les procurations.

379. Une autre procuration reçue par le même notaire à la date du 26 juin 1388, prouve, ce dont je ne doutais pas, que la Cour des comptes d'Aix exerçait une juridiction civile. Par cet acte le mandant donne pouvoir à onze personnes, dont quatre de Manosque, et sept d'Aix, de suivre un procès qu'il avait à la Cour des comptes, in curia camere rationum. Ce plaideur ne risquait pas d'être pris au dépourvu 2.

380. La procuration, revêtue de tous ses accessoires, prenait la forme suivante :

1 Notaire Mille, à Manosque. 2 Notaire Isnard Hospiti.

Notaire Mille, à Manosque.

«In nomine domini nostri Jesu-Christi, amen. Anno ab incarnatione ejusdem M° CCCC XV et die XXVIIa mensis Novembris, notum sit, etc. Quod nobilis Catherina, filia nobilis Johannis Valencie et Caterine, filie, quondam Guillelmi Giraudi de Manuasca, nunc ipsa Catarina Valencia, uxor nobilis Anthonii de Fontiana, de Manuasca, cum licencia et voluntate ipsius nobilis Anthonii, mariti sui, ibidem presentis, citra tamen revocationem aliorum procuratorum suorum per cam constitutorum, fecit, constituit et sollempniter ordinavit suos certos, veros et indubitatos procuratores, actores, factores et negociorum gestores speciales et generales, ita quod specialitas generalitati non deroget, videlicet, dictum nobilem Anthonium de Fontiana, maritum suum, magistros Jacobum Olone, Stefanum Ragoni, notarium, de Manuasca, magistros Johannem Gavaudani, Honoratum Gavaudani, fratres, Johannem Pyole, Gregorium Maynerii et Stefanum de Pinhano, notarios civitatis Aquensis, licet absentes tanquam presentes, et quemlibet ipsorum in solidum, ita quod non sit melior conditio occupantis seu occupancium, sed quod per unum vel alterum ipsorum inseptum seu incohactum fuerit per alium seu aliorum eorum possit et valeat prossequi, mediari et finiri, in omnibus et singulis dicte constituentis causis, litibus quibuscunque, querimoniis et controverciis motis et movendis, tam in agendo quam defendendo contra quascumque personas ecclesiasticas vel seculares, et in quocunque foro et coram quocunque judice ecclesiastico vel seculari, delegato vel supdelegato, arbitro et arbitratore et amicabili compositore dans et concedens prefata nobilis constituens, dictis procuratoribus suis, licet absentibus, et cuilibet

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