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enfants sine herede legitimo ex suo corpore nato; et, s'il s'agisssait d'une fille, dans le cas où elle entrerait en religion. L'héritier universel y était même soumis, lorsqu'il décédait dans de pareilles conditions, et les biens substitués passaient alors à l'appelé ou à ses héritiers. Cet usage était tellement enraciné dans nos mœurs, que le Code Napoléon, malgré sa répugnance pour toute institution tendant à paralyser la libre disposition des biens, a cru devoir la conserver.

477. L'empire des idées religieuses était immense. On en jugera par le testament de Philippe Amel. Prévoyant le cas où tous ses enfants décéderaient sans postérité, il veut qu'il soit fait alors deux parts de ses biens. Il assigne l'une à sa femme, et de l'autre il ordonne qu'il soit fondé une chapellenie dans l'église de la Magdelaine d'Aix, où il sera prié à perpétuité pour le repos de son âme et de celles de ses parents. Vaine précaution de l'homme qui croit pouvoir fonder quelque chose de perpétuel alors qu'il ne fait que passer en ce monde ! Le temps a tout détruit. Cependant, s'il y avait quelque chose de sacré, c'était cela.

478. D'après tout ce que j'ai vu, et autant que je puis en juger, les fondations de chapellenies se faisaient de la manière suivante. On érigeait une chapelle dans l'église désignée par le testateur; on la mettait sous l'invocation d'un saint; et on la dotait au moyen de recettes ou de fonds de terre. Cela fait, on en pourvoyait un prêtre qui touchait les émoluments de la chapellenie, et demeurait chargé de célébrer l'office divin, selon les intentions du fondateur. Ordinairement celui-ci réservait à lui ou à ses héritiers le droit de présentation, c'est ce qu'on appelait droit de patronage. Il se trans

mettait de père en fils par voie de succession, et quelquefois même il faisait l'objet d'un legs. Ainsi, par exemple, il existait à Forcalquier, dans l'église SaintJean, une chapelle fondée par un particulier. Cette chapelle fut ensuite léguée à la ville, qui en avait le patronage, et à laquelle appartenait le droit de présentation au décès du titulaire1.

479. Cette chapelle fut, dans une occasion, une grande cause d'embarras pour Forcalquier. En 1487 l'occupant mourut. Le seigneur de Gréoulx, qui était alors capitaine général, député dans le comté de Forcalquier2, présenta un de ses affidés, quemdam suum magistrum, å l'approbation du conseil. D'un autre côté le syndic Garcin prétendait au bénéfice pour son fils; enfin de Laventure, autre syndic, disait avoir promis son suffrage au prieur de Dauphin, qui était alors Raymond Arnaud, mon parent. On peut se faire une idée de la perplexité du conseil, qui désirait ménager tout le monde. Ainsi que tous les gens faibles, il se tira d'affaire par un moyen dilatoire, il renvoya l'élection à un mois 3. Il fallait cependant prendre un parti. La politique l'emporta. Par délibération subséquente, les autres concurrents furent écartés, et le candidat du seigneur de Gréoulx fut nommé, parce que, dit naïvement la délibération, ce gentilhomme pouvait rendre service à la ville in majoribus. En Provence aussi bien qu'ailleurs, on sait ménager les puissants. Cela n'empêcha pas

1 Délibération du conseil municipal de Forcalquier, fo 108 vo, bis. * Cette charge n'était que temporaire. La Provence sortait à peine de la guerre causée par la succession du roi Réné.

3 Délibération du conseil municipal de Forcalquier, fo 211 vo. Délibération du conseil municipal de Forcalquier, fo 212 vo.

pourtant Raymond Arnaud de parvenir à ses fins. Il fut pourvu d'une autre chapellenie à Forçalquier, s'il n'obtint pas celle-là. Il fut ensuite nommé chanoine.

480. Philippe Amel révèle dans son testament un fait qui n'est pas à son avantage. Il avait une fille naturelle, circonstance qui peut faire douter de la pureté de ses mœurs; et il la dote, chose beaucoup plus louable. Je dois dire que ce fait se présente rarement dans les annales de la classe bourgeoise, car, si nos ancêtres avaient les passions de l'espèce humaine, la ferveur de leur croyance religieuse les garantissait de certains écarts. Ils étaient protégés en outre par leurs habitudes de circonspection et par le sentiment de leur dignité personnelle.

Quoi qu'il en soit, Philippe Amel dota sa fille naturelle. Il lui donna dix livres, monnaie courante, à charge de substitution au profit de son héritier universel, en cas de décès sans enfants : de plus un lit garni de draps, unum lectum pannorum; une couronne ou bandeau d'argent de la valeur de trente sous, unum plecum seu garlandam1: enfin cinq cannes de drap vert, du prix de vingt sous la canne2; le tout dans le cas où elle se marierait. Ce drap, dans l'intentention du testateur, devait évidemment servir à faire la robe de noces.

481. Les livres dont il est question dans le testament étaient sans doute des livres provençales. L'acte ne s'en

1 Coronula aurea, que vulgariter garlanda dicitur, redimitur. Coronula, sertum, strophium, nostris guirlande. Charta an. 1344. Nulla mullier vana portet aliquam garlandam ne que velum in capite. Du Cange. Closs. Vo garlanda.

La canne était de la longueur d'une toise, ou d'environ deux mètres.

P

explique pas d'une manière précise, mais ce qui justifie cette conjecture c'est que le testament parle de monnaie courante, or celà ne pouvait s'entendre que de la livre provençale. Ce n'est que très exceptionnellement qu'on s'en servait, car en Provence, d'après tout ce que j'ai vu, on ne comptait que par florins, sous et deniers. S'il est quelquefois question du marc d'argent, on ne le trouve que dans les ordonnances de nos Comtes, et jamais dans les actes passés entre particuliers. Faute d'unité monétaire d'une valeur uniforme, on l'employait comme étalon quand il s'agissait de prononcer une peine pécuniaire. On se servait alors du marc d'argent fin dont la valeur ne pouvait guère varier.

482. Je disais ci-dessus que, très probablement, le nombre des témoins assistants le notaire dans la confection des testaments, n'était fixé ni par la loi, ni par l'usage. Le testament de Philippe Amel en est une nouvelle preuve. Il mentionne qu'il a été passé en présence des sept témoins, tandis que le testament précédent en énumère dix. Je trouve encore sept et huit témoins dans deux testaments postérieurs.

483. Le testament suivant est remarquable par la quantité de legs pieux qu'il contient. Je n'en donnerai que des extraits, car il est d'une longueur excessive, ne tenant pas moins de neuf pages de l'extensoire. Maintenant que nous connaissons la forme de cette espèce d'acte, il suffira d'en extraire les dispositions les plus remarquables. Cependant le préambule contenant une variante, je crois devoir le rapporter :

<< In nomine sancte et individue trinitatis, etc. anno M° CCC XLIIII° die xvia mensis Marcii, etc. in presentia mei subscripti notarii et testium infra scriptorum ad

hec specialiter vocatorum et rogatorum per nobilem virum dominum Jacobum Arduyni, filium quondam nobilis viri domini Fulconis Arduyni, Militis de Cuneo, scientem et prudentem, in bona memoria in sospitate anime, ac corporis constitutum, per gratiam JesuChristi, fuit hoc presens nuncupativum testamentum recitatum et factum, quod disposuit facere, de omnibus bonis suis, et condidit et ordinavit pro sua ultima voluntatate, dicens et asserens, quod alias, diversis temporibus, diversa condidit testamenta, unum scriptum fuit manu Jacobi Rayrelini, notarii, alium vero manu Guillelmi Augerii, notarii de Forcalquerio, que testamenta et alia si qua reperirentur revocat et annullat, et hoc solum testamentum ultimum et voluntatem ultimam, valere vult, et a suis suscriptis heredibus observari et efficater adimpleri etc1. »

Constatons d'abord que Jacques Ardouin était un homme considérable, puisque son père était chevalier. Il était originaire de Coni, en Piémont, où il possédait de grands biens. Il avait également d'importantes possessions en Provence. Son train de maison était à l'avenant de sa fortune. Je trouve en effet qu'il avait un écuyer nommé Tassile de Podio Euzino, natif de Forcalquier. Un pareil luxe n'appartenait guère qu'à des gens haut placés.

Je juge de sa fortune par les dons qu'il fit au clergé. Comme trait de mœurs je les rapporte tous :

<< In primis, vult et ordinat, quando placuerit omni potenti Deo, quod anima sua transeat ex hoc mundo et a corpore separetur, eligit sepeliri in ecclesia monasterii Beate Marie de Nazaret de Aquis, in sepulchro quod

1 Notaire G. Autric. Notaire Mille, à Manosque.

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