Imágenes de páginas
PDF
EPUB

douée des qualités les plus précieuses du cœur et de l'esprit, toute de charité et de dévouement, fut fondatrice des premiers établissements des sœurs de charité de Saint-Vincent de Paul au Mexique et consacra à cette œuvre humanitaire une somme de 162,000 pesos (environ 900,000 fr.) (1).

Son frère aîné, Don Joseph Gomez de la Cortina, comte de la Cortina, célèbre général et ministre au Mexique, se fit connaître aussi dans la littérature par plusieurs ouvrages dont le plus important est un Dictionnaire de synonymes espagnols (2).

Son second frère, Don Mariano, officier du génie de la garde royale d'Espagne, mourut à l'âge de 22 ans, en 1824.

De deux sœurs du marquis de Morante, la cadette, Doña Maria-de-Lorette, épousa en 1832 Don Joseph Gutierrez de Estrada, depuis ministre des affaires étrangères du gouvernement mexicain, lequel se rendit célèbre par sa participation active aux efforts tentés pour consolider le pouvoir de l'infortuné empereur Maximilien, et, obligé d'émigrer après la catastrophe, est mort récemment à Paris.

Au début de la guerre d'indépendance du Mexique, en 1810, le père du marquis, en bon Espagnol qu'il était et dévoué aux intérêts de la métropole, leva à ses frais plusieurs détachements qui se firent connaître dans le cours de la révolution sous le nom de Dragons de Tlahuelilpa, et, lorsque en 1821 le Mexique

(1) D. Bernardo Capca, Apuntes biográficos de la señora Doña Maria-Ana Gomez de la Cortina, condesa de la Cortina; Mexico, 1833, in-12 de 17 pp. (2) Diccionario de sinónimos castellanos; Mexico, 1843, in-4.

se proclama indépendant de la couronne de Castille, le comte de la Cortina retourna en Espagne rejoindre ses trois fils qu'il avait envoyés à Madrid quelques années auparavant pour y faire leur éducation.

Don Joachim, placé, ainsi que ses frères, à la Escuela Pia de San Antonio Abad, école célèbre par la pureté de l'enseignement classique, surtout pour la langue latine, y fit ses études d'une manière trèsbrillante et passa ensuite à l'ancienne Universitas Complutensis à Alcalá de Henares, où en 1829 il obtint successivement les diplômes de bachelier, licencié et docteur en droit canon (en canones), et l'année suivante, ceux de bachelier, licencié et docteur en droit civil (en leyes). Pendant tout ce temps, le père de Don Joachim, qui habitait presque constamment une de ses maisons de campagne, appelée la Esgarabita, aux environs de Alcalá, veillait avec une pieuse attention aux progrès de son fils et pourvoyait à ses besoins avec une grande largesse, au point qu'à Alcalá on a encore conservé la mémoire du faste extraordinaire et de l'ostentation avec lesquels étaient célébrés les grades académiques de Don Joachim.

Ce dernier ne manqua point de justifier les hautes espérances de son père. A peine reçu bachelier, il obtint au concours une chaire vacante de droit canon, qu'au bout de trois ans il céda généreusement à son ancien condisciple et ami, le célèbre jurisconsulte D. J. Aguirre.

En 1836, l'université de Alcalá fut transférée à Madrid, et en 1840, Don Joachim en fut nommé recteur, succédant dans cette charge élevée à D. Pierre

Gomez de la Serna. La mort de son père, arrivée en 1842, l'obligea de donner sa démission et d'aller au Mexique régler ses affaires de famille.

Peu après son retour, en 1844, il fut nommé juge surnuméraire à la Cour d'appel de Madrid (Magistrado supernumerario de la Audiencia); il était déjà à titre honoraire celui de la Cour de Burgos depuis 1840. Pendant les années 1840 à 1842, il était aussi député provincial de Alcalá de Henares.

Le 17 novembre 1847, il reçut le titre nobiliaire de marquis de Morante et peu après fut élevé à la dignité de grand-croix de l'ordre de Charles III, de grand-croix de l'ordre d'Isabelle-la-Catholique et de chevalier de l'ordre militaire de Saint-Jacques.

A la même époque il fut élu membre de l'Académie gréco-latine.

Investi pour la seconde fois de la charge de recteur de l'Université de Madrid, en 1851, il y renonça au bout de deux ans, après avoir été nommé membre du Tribunal suprême de justice. Enfin, en 1859, il fut élevé à la dignité de sénateur.

Il est à noter qu'il ne voulut jamais toucher les émoluments de ses charges, et qu'il en faisait un généreux abandon, soit à l'État, soit au profit des nécessiteux.

En dehors de ces fonctions honorablement remplies, le marquis de Morante a sa place marquée comme un des plus illustres bibliophiles espagnols. La passion pour les livres, qui devint la plus grande préoccupation de sa vie entière, se révéla chez lui de très-bonne heure, Encore simple étudiant à l'Université de Alcalá,

il consacrait tout l'argent qu'il recevait de son père pour ses dépenses personnelles, après en avoir prélevé une part pour faire des aumônes, à l'acquisition des livres qui devaient constituer le noyau de sa bibliothèque colossale.

Cette passion toujours grandissant finit par l'absorber complétement. De ses revenus, revenus, évalués approximativement à 125,000 francs, les deux tiers étaient sacrifiés pour les livres et les riches reliures, ce qui explique qu'il laissa la plus grande bibliothèque qu'ait possédée aucun particulier, composée d'environ vingt-cing mille ouvrages et de plus de cent vingt mille volumes.

Un examen attentif de la composition de sa bibliothèque permet de deviner ses idées et ses prédilections à cet égard. Son culte particulier et enthousiaste pour la belle latinité explique ces séries interminables des meilleures éditions de Virgile, d'Horace, de Cicéron, etc., avec les prolégomènes, ainsi que des grands latinistes modernes, dont l'ensemble ferait envie à plus d'une bibliothèque publique.

Le marquis de Morante n'agissait pas en bibliomane, mais en bibliophile éclairé. On ne trouve, pour ainsi dire, dans sa vaste collection, aucun livre étranger à sa sphère d'études. C'est pourquoi sa bibliothèque, même dans sa gravité austère sur certains points, offre un ensemble coordonné et motivé. Cependant, à côté de ce caractère savant, on aperçoit aisément les goûts délicats du vrai bibliophile. Sans se contenter des meilleures éditions au point de vue littéraire, il en recherchait aussi de rares, de remarquables sous

le rapport de la beauté typographique, ainsi que des exemplaires de choix, ce qui explique la multiplicité fréquente des exemplaires de la même édition. Il affectionnait plus particulièrement les hautes curiosités de la bibliophilie, et les exemplaires uniques ou réputés tels, dont il possédait un bon nombre.

Le côté extérieur des livres ne le préoccupait pas moins. Non-seulement il surveillait avec anxiété la mise en vénte des volumes couverts de riches reliures, mais aussi il en faisait exécuter pour lui par les meilleurs artistes contemporains dans cet art.

Son amour pour les livres, poussé à l'extrémité, presque au délire, le préservait d'une contemplation stérile de sa bibliothèque, toute considérable qu'elle était. Chaque livre a été consciencieusement examiné et catalogué par lui-même, et son catalogue imprimé en 8 volumes (1), malgré ses imperfections techniques, offre de riches matériaux bibliographiques par les titres in extenso et les sommaires des ouvrages, et surtout par une foule de notices biographiques, souvent originales et complétement incon

nues.

Généreux et même prodigue sous tous les rapports, le marquis de Morante était extrêmement avare pour ses chers bouquins et n'en a jamais voulu prêter à personne. Quand il s'agissait des volumes rares, il prenait pour prétexte qu'ils étaient à la reliure pour

(1) Catalogus librorum doctoris D. Joach. Gomez de la Cortina, march. de Morante, qui in ædibus suis exstant; Matriti, apud Euseb. Aguado, 1854-1862, 8 vol. in-8. Après la mort du marquis il a été publié encore un ge volume, mais sans aucunes notes, sous ce titre : Additio ad Catalogum librorum, etc. Matriti, apud F. Lopez Vizcaino, 1870, in-8.

« AnteriorContinuar »