Il était impossible à l'abbesse de fournir les titres demandés mais elle fit dresser un mémoire pour prouver ses droits en fournissant, à défaut de titres originaux, des extraits des annales manuscrites de l'abbaye, de l'histoire de N. Dame de Messines par le père Barnabé, de Sanderus, de Meyerus, de l'histoire des saints de la province de Lille, de Miræus, de Grammaye, de Bruzen de la Martinière, etc. espérant que ces extraits pourraient tenir lieu du titre primordial égaré. Ce mémoire est du 17 mai 1760. Le 18 juillet elle adressa au prince Charles de Lorraine un nouveau mémoire qui rappelait le contenu des requêtes et mémoire précédents, et dans lequel elle finissait par supplier qu'on lui accordat aumoins l'autorisation d'admettre seulement deux postulantes, sujettes de S. M. très chrétienne.

Tout fut inutile: le gouvernement ne voulait point de religieuses françaises, l'abbesse n'en voulait pas du pays de la domination de S. M. Impériale, et en 1770, époque de la mort de madame de Haudion, des treize religieuses que nous avons nommées ci-dessus, il n'en restait plus que neuf, dont voici les noms, l'âge et les années de profession.

Marie-Josèphe de Coupigny, prieure, âgée de 74 ans, professe de 55 ans.

Marie-Hyppolite-Alexandrine-Josèphe de Noyelles, âgée de 73 ans et professe de 57 ans.

Antoinette-Pharaïlde de Genevières, âgée de 66 ans, professe de 49 ans.

Thérèse-Josèphe de Mortagne de Landas, âgée de 62 ans, professe de 29 ans.

Marguerite-Robertine-Josèphe de Mortagne de Landas, âgée de 57 ans, professe de 29 ans.

Marie-Ernestine de Mortagne de Landas Goyencourt, âgée de 53 ans, professe de 29 ans.

Marie-Isabelle-Robertine-Josèphe de Coupigny de Louverval, agée de 45 ans, professe de 27 ans.

Rénée-Pulchérie-Josèphe de Coupigny del Barque, âgée de 41 ans, professe de 22 ans.

Marie-Eugénie de Nédonchel, âgée de 40 ans, professe de 23 ans.

Toutes ces dames étaient de l'Artois à l'exception de Me de Genevières qui était de Steenbeque, Flandre-française. Les trois demoiselles de Mortagne étaient sœurs, ainsi que les deux demoiselles de Coupigny qui les suivent.

Madame Anne-Madelaine de Haudion dernière abbesse et comtesse de Messines, princesse de Croisette, dame de Deulemont, Noordschoote, Zuydschoote, Wydtschaete, etc. mourut à l'âge de 66 ans le 27 juin 1770 à sept heures du soir, dans la Noble et Royale abbaye de Messines qu'elle avait gouvernée pendant 19 ans.

Elle avait pour devise: L'ESPÉRANCE ME SOUTIENT.

Le lendemain de la mort de l'abbesse, la Prieure et les religieuses, capitulairement assemblées, firent sceller du grand cachet de l'abbesse le coffre aux priviléges et titres de l'établissement et firent ensuite briser les deux cachets de la défunte, selon la coutume observée jusqu'ici. Le même jour elles s'adressèrent au Prince Charles de Lorraine afin de lui annoncer

(1) Nous plaçons en tête de ce dernier chapitre de l'abbaye les armoiries des seigneuries etc. appartenant aux abbesses telles qu'elles ont été enregistrées par d'Hozier à l'Armorial général de France, Registre Dunkerque, par ordonnance de Messieurs les commissaires généraux du conseil député sur le fait des Armoiries. Cet enregistrement eut lieu le 27 avril 1699, sous l'administration de l'abbesse Marie-Louise-Victoire de Créquy. Elles représentent no 1 Ville et comté de Messines. No 2 Chambre de Hors et Hofland de Messines. No 3 Cour féodale de Messines et no 4 Village de Deulemont.

la mort de l'abbesse et le prier de vouloir envoyer des commissaires à Messines pour recueillir les voix des dames religieuses et procéder ainsi à l'élection d'une nouvelle abbesse.

Pour satisfaire en apparence à cette demande, le Gouvernement désigna le conseiller Fierlants, du conseil privé, et le secrétaire de Hess du même conseil, qui demandèrent à la Prieure de leur envoyer une liste des dames religieuses, indiquant leur lieu de naissance, leur âge, l'année de leur profession et l'emploi qu'elles occupent; ainsi qu'un état du temporel de l'abbaye.

La Prieure s'empressa d'obéir à cette injonction, elle adressa au conseil privé la liste demandée, contenant les noms des neuf religieuses dont nous avons parlé plus haut, ainsi que l'état du temporel de l'abbaye, dont l'ensemble des revenus montait à 25792 fl. 15 s. 81⁄2 d. et celui des charges à 22106 fl. 9 s. 4 d.

Le 10 août 1770 des commissaires furent nommés définitivement, non pour procéder à l'élection d'une nouvelle abbesse, mais pour prendre inspection du temporel de l'abbaye et vérifier l'état présenté par la Prieure.

Messieurs les commissaires arrivèrent le 23 septembre à Messines pour procéder à cette vérification; mais déjà le 19 du même mois, la Prieure avait reçu de la part de l'Impératrice l'ordre de faire connaître, dans la quinzaine, quels quartiers ou degrés de noblesse on prétendait être en droit de requérir des récipiendaires et quelles preuves on exigeait à cet égard. Elle devait produire en outre les titres sur lesquels la maison se fondait pour soutenir ce prétendu droit et s'expliquer à ce sujet avec tous les détails convenables.

En exécution de ces ordres, la Prieure et les dames religieuses présentèrent le 3 octobre au Conseil de Flandre, un nouveau mémoire qui n'était que la reproduction de celui présenté le 17 mai 1760.

La célèbre abbaye s'éteignait doucement! Le 2 novembre 1770 mourut Me Marie-Marguerite-Robertine-Josèphe de Mortagne de Landas, à l'âge de 55 ans; le 5 septembre de

l'année suivante, Me Marie-Hypolite-Alexandrine-Josèphe de Noyelles, âgée de 75 ans ; le 18 avril 1772 Mile Marie-Ernestine de Mortagne de Goyencourt, à l'âge de 54 ans et le nombre des dames religieuses survivantes fut ainsi réduit à six!

Vers la fin de 1771, ces dames restantes firent de nouvelles démarches pour obtenir une nouvelle abbesse, mais leurs instances restèrent sans résultat, et l'établissement fondé en 1060 par Adèle de France, succomba enfin sous l'édit de Marie-Thérèse, après une existence de plus de sept siècles.