Que peut-on faire? JUNIE. O ciel, sauvez Britannicus! SCENE IV. - AGRIPPINE, JUNIE, BURRHUS. AGRIPPINE. Burrhus, où courez-vous? Arrêtez. Que veut dire.... BURRHUS. Madame, c'en est fait, Britannicus expire. JUNIE. Ah! mon prince! AGRIPPINE. Il expire? BURRHUS. Ou plutôt il est mort, Madame. JUNIE. Pardonnez, madame, à ce transport. Je vais le secourir, si je puis, ou le suivre. SCENE V. AGRIPPINE, BURRHUS. Quel attentat, Burrhus! AGRIPPINE. BURRHUS. Je n'y pourrai survivre, Madame; il faut quitter la cour et l'empereur. AGRIPPINE. Quoi! du sang de son frère il n'a point eu d'horreur! BURRHUS. Ce dessein s'est conduit avec plus de mystère. A peine l'empereur a vu venir son frère, Par les mêmes sermens Britannicus se lie. La coupe dans ses mains par Narcisse est remplie, Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie. 1 La moitié s'épouvante et sort avec des cris; « Ce mal dont vous craignez, dit-il, la violence Pour moi, dût l'empereur punir ma hardiesse, AGRIPPINE. Le voici. Vous verrez si c'est moi qui l'inspire NÉRON, AGRIPPINE, BURRHUS, NARCISSE. AGRIPPINE. Arrêtez, Néron j'ai deux mots à vous dire. Moi? Voilà les soupçons dont vous êtes capable. AGRIPPINE. Non, non, Britannicus est mort empoisonné; NÉRON. Madame!... Mais qui peut vous tenir ce langage? NARCISSE. Hé! seigneur, ce soupçon vous fait-il tant d'outrage? De vos propres bontés il vous auroit punie. Soit donc que malgré vous le sort vous ait servie, Laissez les pleurs, madame, à vos seuls ennemis : Qu'ils mettent ce malheur au rang des plus sinistres : Mais vous.... AGRIPPINE. Poursuis, Néron avec de tels ministres Par des faits glorieux tu te vas signaler; Poursuis. Tu n'as pas fait ce pas pour reculer : Ta main a commencé par le sang de ton frère; Je prévois que tes coups viendront jusqu'à ta mère. Dans le fond de ton cœur je sais que tu me hais Tu voudras t'affranchir du joug de mes bienfaits. Mais je veux que ma mort te soit même inutile : Ne crois pas qu'en mourant je te laisse tranquille; Rome, ce ciel, ce jour que tu reçus de moi, Partout, à tout moment, m'offriront devant toi. Tes remords te suivront comme autant de furies; Tu croiras les calmer par d'autres barbaries; Ta fureur, s'irritant soi-même dans son cours, D'un sang toujours nouveau marquera tous tes jours. Mais j'espère qu'enfin le ciel, las de tes crimes, Ajoutera ta perte à tant d'autres victimes; Qu'après t'être couvert de leur sang et du mien, Tu te verras forcé de répandre le tien; Et ton nom paroîtra, dans la race future, Aux plus cruels tyrans une cruelle injure. Voilà ce que mon cœur se présage de toi. Adieu; tu peux sortir. NÉRON. Narcisse, suivez-moi. SCENE VII. AGRIPPINE, BURRHUS. AGRIPPINE. Ah, ciel! de mes soupçons quelle étoit l'injustice! Il vous accablera vous-même à votre tour. BURRHUS. Ah, madame! pour moi, j'ai vécu trop d'un jour. SCENE VIII. AGRIPPINE, BURRHUS, ALBINE ALBINE. Ah, madame! ah, seigneur! courez vers l'empereur Il se voit pour jamais séparé de Junie. AGRIPPINE. Quoi! Junie elle-même a terminé sa vie? ALBINE. Pour accabler César d'un éternel ennui, Madame, sans mourir elle est morte pour lui. Et mouillant de ses pleurs le marbre de ses pieds, << Prince, par ces genoux, dit-elle, que j'embrasse, grandes choses; de cette âme que rien n'étonne, que rien ne fatigue! Mais, Monseigneur, il faut être plus retenu à vous parler de vous-même; et je craindrois de m'exposer, par un éloge importun, à vous faire repentir de l'attention favorable dont vous m'avez honoré; il vaut mieux que je songe à la mériter par quelques nouveaux ouvrages: aussi bien c'est le plus agréable remercîment qu'on vous puisse faire. Je suis avec un profond respect, MONSEIGNEUR Votre très-humble et très-obéissant RACINE. PRÉFACE. Titus, reginam Berenicem.... cui etiam nuptias pollicitus ferebatur.... statim ab urbe dimisit invitus invitam 1. C'est-à-dire que « Titus, qui aimoit passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyoit, lui avoit promis de l'épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » Cette action est très-fameuse dans l'histoire; et je l'ai trouvée très-propre pour le théâtre, par la violence des passions qu'elle y pouvoit exciter. En effet, nous n'avons rien de plus touchant dans tous les poëtes, que la séparation d'Enée et de Didon, dans Virgile. Et qui doute que ce qui a pu fournir assez de matière pour tout un chant d'un poëme héroïque, où l'action dure plusieurs jours, ne puisse suffire pour le sujet d'une tragédie, dont la durée ne doit être que de quelques heures? Il est vrai que je n'ai point poussé Bérénice jusqu'à se tuer, comme Didon, parce que Bérénice n'ayant pas ici avec Titus les derniers engagemens que Didon avoit avec Enée, elle n'est pas obligée comme elle de renoncer à la vie. A cela près, le dernier adieu qu'elle dit à Titus, et l'effort qu'elle se fait pour s'en séparer, n'est pas le moins tragique de la pièce; et j'ose dire qu'il renouvelle assez bien dans le cœur des spectateurs l'émotion que le este y avoit pu exciter. Ce n'est point une nécessité qu'il y ait du ng et des morts dans une tragédie : il suffit que l'action en soit ande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y Suétone, chap. VII. |