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TRAGEDIE.

1673.

PRÉFACE.

Il n'y a guère de nom plus connu que celui de Mithridate: sa vie et sa mort font une partie considérable de l'histoire romaine; et, sans compter les victoires qu'il a remportées, on peut dire que ses seules défaites ont fait presque toute la gloire de trois des plus grands capitaines de la république, c'est à savoir, de Sylla, de Lucullus, et de Pompée. Ainsi je ne pense pas qu'il soit besoin de citer ici mes auteurs: car, excepté quelques événemens que j'ai un peu rapprochés par le droit que donne la poésie, tout le monde reconnoîtra aisément que j'ai suivi l'histoire avec beaucoup de fidélité. En effet, il n'y a guère d'actions éclatantes dans la vie de Mithridate qui n'aient trouvé place dans ma tragédie. J'y ai inséré tout ce qui pouvoit mettre en jour les mœurs et les sentimens de ce prince, je veux dire sa haine violente contre les Romains, son grand courage, sa finesse, sa dissimulation, et enfin cette jalousie qui lui étoit si naturelle, et qui a tant de fois coûté la vie à ses maîtresses.

La seule chose qui pourroit n'être pas aussi connue que le reste, c'est le dessein que je lui fais prendre de passer dans l'Italie. Comme ce dessein m'a fourni une des scènes qui ont le plus réussi dans ma tragédie, je crois que le plaisir du lecteur pourra redoubler, quand il verra que presque tous les historiens ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate.

Florus, Plutarque et Dion Cassius, nomment les pays par où il devoit passer. Appien d'Alexandrie entre plus dans le détail; et, après avoir marqué les facilités et les secours que Mithridate espéroit trouver dans sa marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont Pharnace se servit pour faire révolter toute l'armée, et que les soldats, effrayés de l'entreprise de son père, la regardèrent comme le désespoir d'un prince qui ne cherchoit qu'à pé

4. Mithridate III, Eupator, septième roi de Pont. Il régna soixante ans, et en vécut environ soixante et douze.

rir avec éclat. Ainsi elle fut en partie cause de sa mort, qui est l'action de ma tragédie.

J'ai encore lié ce dessein de plus près à mon sujet : je m'en suis servi pour faire connoître à Mithridate les secrets sentimens de ses deux fils. On ne peut prendre trop de précaution pour ne rien mettre sur le théâtre qui ne soit très-nécessaire; et les plus belles scènes sont en danger d'ennuyer, du moment qu'on les peut séparer de l'action, et qu'elles l'interrompent au lieu de la conduire vers sa fin.

Voici la réflexion que fait Dion Cassius sur ce dessein de Mithridate « Cet homme étoit véritablement né pour entreprendre de grandes choses. Comme il avoit souvent éprouvé la bonne et la mauvaise fortune, il ne croyoit rien au-dessus de ses espérances et de son audace, et mesuroit ses desseins bien plus à la grandeur de son courage qu'au mauvais état de ses affaires; bien résolu, si son entreprise ne réussissoit point, de faire une fir digne d'un grand roi, et de s'ensevelir lui-même sous les ruines de son empire, plutôt que de vivre dans l'obscurité et dans la bassesse J'ai choisi Monime entre les femmes que Mithridate a aim' Il paroît que c'est celle de toutes qui a été la plus vertueus qu'il a aimée le plus tendrement. Plutarque semble ar plaisir à décrire le malheur et les sentimens de ce*** C'est lui qui m'a donné l'idée de Monime; et ’peinture qu'il en a faite que j'ai fondé

dire qui n'a point déplu. Le lecteur tegner en sa place ses paroles telles qu'Amyot les a

arnace?

grâce dans le vieux style de ce tARÈS.

pouvoir égaler dans notre langager Arbate, à ce prix,
« Cette-ci estoit fort renommeter le débris.
quelques sollicitations que lui ster l'avantage;
reux, jamais ne voulut entendués pour mon partage,
ce qu'il y eust accord de maer entre ses mains
envoyé le diadème ou bandeɛamitié des Romains.
La pauvre dame, depuis que ARBATE.

grande desplaisance, ne faie fils de Mithridate,
de plorer la malheureuse tai?

d'un mari, lui avoit donné

conjugale, et que doit av

XIPHARÈS.

N'en doute point, Arbate;

une garde et.garnison d'hops tout Romain dans le cœur,
prisonnière loin du doulx t de Rome et du vainqueur.
voit qu'un songe et une ois à mon père fidèle,

au contraire avoit réellemins une haine immortelle.
soit au pays de sa naissai et ses prétentions
vers elle, et lui eut faict cas de nos divisions.
à mourir, adone elle s'arr?

royal, et, se le nouant alentour du col, s'en pendit. Mais le bandeau ne fut pas assez fort, et se rompit incontinent. Et lors elle se prit à dire : « O maudit et malheureux tissu, ne me serviras-tu point au moins à ce triste service? » En disant ces paroles, elle le jeta contre terre, crachant dessus, et tendit la gorge à l'eunuque. »

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Xipharès étoit fils de Mithridate et d'une de ses femmes qui se nommoit Stratonice. Elle livra aux Romains une place de grande importance, où étoient les trésors de Mithridate, pour mettre son fils Xiphares dans les bonnes grâces de Pompée. Il y a des historiens qui prétendent que Mithridate fit mourir ce jeune prince pour se venger de la perfidie de sa mère.

Je ne dis rien de Pharnace car qui ne sait pas que ce fut lui qui souleva contre Mithridate ce qui lui restoit de troupes, et qui força ce prince à se vouloir empoisonner, et à se passer son épée au travers du corps pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis? C'est ce même Pharnace qui fut vaincu depuis par Jules de r, et qui fut tué ensuite dans une autre bataille.

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séré tout ce qui pouvo

LA FLEUR.

mens de ce prince, je veuse quantité d'autres

mains, son grand courage, sa.

cette jalousie qui lui étoit si nate, et déjà dé- } Mlle CHAMPMESLE. la vie à ses maîtresses.

ouverneur

BRÉCOURT.

HAUTEROGHE.

La seule chose qui pourroit n'être1is de diffé- CHAMPMESLÉ. c'est le dessein que je lui fais pre Comme ce dessein m'a fourni une réussi dans ma tragédie, je crois que redoubler, quand il verra que presque ce que je fais dire ici à Mithridate.

Florus, Plutarque et Dion Cassius, r

il devoit passer. Appien d'Alexandrie et le bosphore Cimmérien, et, après avoir marqué les facilités et leriquc. espéroit trouver dans sa marche, il ajou prétexte dont Pharnace se servit pour faire et que les soldats, effrayés de l'entreprise dèrent comme le désespoir d'un prince qui

4. Mithridate III, Eupator, septième roi d ans, et en vécut environ soixante et douze.

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On nous faisoit, Arbate, un fidèle rapport :
Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort.
Les Romains, vers l'Euphrate, ont attaqué mon père,
Et trompé dans la nuit sa prudence ordinaire:
Après un long combat, tout son camp dispersé
Dans la foule des morts, en fuyant, l'a laissé;
Et j'ai su qu'un soldat dans les mains de Pompée
Avec son diadème a remis son épée.

Ainsi ce roi qui seul a, durant quarante ans,
Lassé tout ce que Rome eut de chefs importans,
Et qui, dans l'Orient balançant la fortune,
Vengeoit de tous les rois la querelle commune,
Meurt, et laisse après lui, pour venger son trépas,
Deux fils infortunés qui ne s'accordent pas.

ARBATE.

Vous, seigneur! Quoi! l'ardeur de régner en sa place Rend déjà Xipharès ennemi de Pharnace?

XIPHARÈS.

Non, je ne prétends point, cher Arbate, à ce prix,
D'un malheureux empire acheter le débris.

Je sais en lui des ans respecter l'avantage;
Et, content des Etats marqués pour mon partage,
Je verrai sans regret tomber entre ses mains
Tout ce que lui promet l'amitié des Romains.

ARBATE.

L'amitié des Romains? Le fils de Mithridate,
Seigneur? Est-il bien vrai?

XIPHARÈS.

N'en doute point, Arbate; Pharnace, dès longtemps tout Romain dans le cœur, Attend tout maintenant de Rome et du vainqueur. Et moi, plus que jamais à mon père fidèle, Je conserve aux Romains une haine immortelle. Cependant et ma haine et ses prétentions Sont les moindres sujets de nos divisions.

ARBATE.

Et quel autre intérêt contre lui vous anime?
XIPHARÈS.

Je m'en vais t'étonner cette belle Monime,
Qui du roi notre père attira tous les vœux,
Dont Pharnace, après lui, se déclare amoureux....

Hé bien, seigneur?

ARBATE.

XIPHARÈS.

Je l'aime et ne veux plus m'en taire,
Puisque enfin pour rival je n'ai plus que mon frère.
Tu ne t'attendois pas, sans doute, à ce discours;
Mais ce n'est point, Arbate, un secret de deux jours.
Cet amour s'est longtemps accru dans le silence.
Que n'en puis-je à tes yeux marquer la violence,
Et mes premiers soupirs, et mes derniers ennuis !
Mais, en l'état funeste où nous sommes réduits,
Ce n'est guère le temps d'occuper ma mémoire
A rappeler le cours d'une amoureuse histoire.
Qu'il te suffise donc, pour me justifier,
Que je vis, que j'aimai la reine le premier;
Que mon père ignoroit jusqu'au nom de Monime
Quand je conçus pour elle un amour légitime.
Illa vit. Mais au lieu d'offrir à ses beautés
Un hymen, et des vœux dignes d'être écoutés,
Il crut que, sans prétendre une plus haute gloire,
Elle lui céderoit une indigne victoire.

Tu sais par quels efforts il tenta sa vertu;
Et que, lassé d'avoir vainement combattu,

Absent, mais toujours plein de son amour extrême,
Il lui fit par tes mains porter son diadème.

Juge de mes douleurs quand des bruits trop certains
M'annoncèrent du roi l'amour et les desseins;

Quand je sus qu'à son lit Monime réservée
Avoit pris avec toi le chemin de Nymphée!
Hélas! ce fut encor dans ce temps odieux

Qu'aux offres des Romains ma mère ouvrit les yeux ?
Ou pour venger sa foi par cet hymen trompée,
Ou ménageant pour moi la faveur de Pompée,
Elle trahit mon père, et rendit aux Romains
La place et les trésors confiés en ses mains.
Quel devins-je au récit du crime de ma mère!
Je ne regardai plus mon rival dans mon père;
J'oubliai mon amour par le sien traversé :

Je n'eus devant les yeux que mon père offensé.

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