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CHAPITRE III

BENOÎT XII

(1334-1342)

Le 13 décembre 1334, conformément aux prescriptions de Grégoire X, les cardinaux, au nombre de vingt

BIBLIOGRAPHIE.

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BALUZE, Vitae.

Sources: Les registres de Benoît XII publiés par G. DAUMET, J. M. VIDAL et A. FIERENS. J. M. VIDAL, Le tribunal d'inquisition de Pamiers, Toulouse, 1906. EUBEL, Bullarium Franciscanum, t. VI. COCQUELINES, Bullarum, etc. A. THEINER, Codex diplomaticus, t. II. DENIFLE et CHATELAIN, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. II. - M. FOURNIER, Statuts et privilèges des Universités françaises, Paris, 1890-1891. -CL. FAURE, Un projet de cession du Dauphiné à l'Eglise Romaine (1338-1340) dans Mélanges, t. XXVII (1907), p. 155-225.

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On trouvera dans U. BERLIÈRE (Les chapitres généraux de l'ordre de Saint-Benoit, Mélanges d'histoire bénédictine, t. IV, Mared sous, 1902, p. 52-171 et Notes supplémentaires, Bruges, 1905) le dépouillement quasi complét de toutes les sources concernant la réforme bénédictine; cfr. aussi P. SCHMIEDER, Die Benediktiner Ordensreformen des 13 und 14 Jahrhunderten, Linz, 1867; L. GUILLOREAU, Les chapitres généraux des abbayes de Saint-Aubin et Saint-Serge d'Angers dans Revue de l'Anjou, t. XLI (1900), p. 29-33, 52-53 et Chapitres généraux bénédictins dans Revue Mabillon, t. IV (1908), p. 243-254; P. MARCHEGAY, Bulletin de la Société archéologique de Nantes, t. IX (1869), p. 215; L. DELISLE, Enquête sur la fortune des établissements de l'ordre de Saint-Benoît en 1338, Paris, 1910 (Ex. des Not. et Ext. des mss., t. XXXIX).

Monographies. M. KARL JACOB a donné une copieuse bibliographie dans Studien über Papst Benedikt XII, Berlin, 1910. Son livre, quoique incomplet et non exempt d'inexactitudes, est actuellement la meilleure monographie. E. MÜNTZ, Note sur le tombeau de Benoit XII à Avignon dans Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, 1882, p. 261-263. — J. M. VIDAL, Notice sur les œuvres du pape Benoît XII dans RHE, t. VI (1905), p. 557-565, 785-810. - E. DÉPREZ, Les préliminaines de la Guerre de Cent Ans. La papauté, la France et l'Angleterre,

quatre, s'enfermèrent en conclave dans le palais pontifical, sous la double garde du sénéchal de Provence et du recteur du Comtat-Venaissin. Sept jours après, le 20, vers l'heure de vêpres, Jacques Fournier était élu, par voie de scrutin, à l'unanimité des suffrages, et prenait le nom de Benoît XII'. Le 8 janvier 1335, son couronnement avait lieu dans l'église des Frères Prêcheurs, à Avignon.

Originaire de Saverdun, petite ville du comté de Foix, le nouveau pape était issu d'une humble famille. Entré tout jeune au monastère cistercien de Boulbonne Paris, 1902. E. GÖLLER, Mitteilungen und Untersuchungen ueber das päpstliche Register- und Kanzleiwesen im 14 Jahrhundert besonders unter Johann XXII und Benedikt XII, Rome, 1904. - MORTIER, Histoire des maîtres généraux de l'ordre des Frères Prêcheurs, Paris, 1907, t. III. H. DENIFI.E, Die Entstehung der Universitäten des Mittelalters bis 1400, t. I, Berlin, 1885. — CH. DOUAIS, La procédure inquisitoriale en Languedoc au XIVe siècle d'après un procès inédit de l'année 1337, Paris, 1900. F. EHRLE, Die Spiritualen, ihr Verhältniss zum Franciskanerorden und zu den Fraticellen dans Archiv, t. IV (1888), p. 1-190. CL. FAURE, Contribution à l'histoire du Faucigny au XIVe siècle, Annecy, 1909 (Ext. de la Revue Savoisienne). — F. TourneBizE, Les cent dixsept accusations présentées à Benoît XII contre les Arméniens dans Revue de l'Orient chrétien, t. XI (1906), p. 163-181, 274-300, 352-370. P. SCHMIEDER, Zur Geschichte der Durchführung der Benedictina in Deutschland im 14 Jahrhundert dans Studien und Mittheilungen aus dem Benediktiner und dem Cistercienser Orden, t. IV (1883), p. 278-289; t. V (1884), p. 100-110. G. DAUMET, Le monument de Benoît XII dans la basilique de Saint-Pierre dans Mélanges, t. XVI (1896), p. 293-297. L. DUHAMEL, Le tombeau de Benoît XII à la métropole d'Avignon dans Bulletin monumental, 1888, p. 381-412, 596. N. VALOIS, Un plaidoyer du XIVe siècle en faveur des Cisterciens dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XLIX (1908), p. 352-368.

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1. Villani est seul à rapporter l'historiette suivante. Les cardinaux auraient été divisés en deux factions: un parti français dirigé par Talleyrand de Périgord; un parti italien conduit par Jean Colonna. La faction française aurait exigé de son candidat, Jean de Comminges, la promesse formelle de ne pas ramener le Saint-Siège en Italie. Jean de Comminges ayant noblement refusé, les cardinaux essayèrent leurs voix sur la personne de Jacques Fournier dont ils n'estimaient pas la candidature sérieuse. Cette manœuvre réussit à l'opposé de leurs vues et Jacques, aussi surpris de son élection que ses propres électeurs, se serait écrié : « Vous avez élu un âne. Cfr. MURATORI, t. XIII, col. 766. MATTHIAS DE NEUEnburg (Böhmer, Fontes, IV, p. 205) prétend que Benoît ne recueillit que les deux tiers des voix.

(Haute-Garonne), il y fit bientôt profession. Son oncle maternel, Arnaud Nouvel, l'attira dans le monastère de Fontfroide (Aude) dont il était abbé et l'envoya au collège de Saint-Bernard, à Paris. Là, Jacques Fournier fréquenta assidûment les cours de l'Université, conquit ses grades en théologie jusqu'au doctorat et tint même une chaire. Entre temps, en 1311, il succéda à son oncle, créé cardinal, dans la charge d'abbé de Fontfroide. De plus hauts honneurs lui échurent dans la suite le 19 mars 1317, il fut nommé évêque de Pamiers et, le 3 mars 1326, évêque de Mirepoix '.

L'épiscopat de Jacques Fournier à Pamiers est caractérisé par le zèle avec lequel il poursuivit les hérétiques, vaudois, cathares ou albigeois, réfugiés dans son diocèse qui était devenu comme la terre promise de l'erreur. D'accord avec l'inquisiteur de Carcassonne, il établit un tribunal d'inquisition et se mit vigoureusement à l'œuvre. Du 15 juillet 1318 au 9 octobre 1325, sa cour de justice ne siège pas moins de trois cent soixante-dix jours pendant lesquels témoins et prévenus comparaissent cinq cent soixantedix-huit fois. Il est la terreur des hérétiques qui, en retour, lui prodiguent les injures et les imprécations. Les uns le traitent de diable, d'esprit du mal. — << Puisse-t-il choir dans un précipice », dit un autre. << Pour peu qu'il vive encore, c'est la mort pour tout le monde; c'est un démon qui infeste le pays », gémit un troisième 2.

Les interrogatoires que dirige Fournier, dénotent en lui un inquisiteur expert, arrachant les aveux avec une souveraine habileté, peu tendre, dur même pour les inculpés. Toutefois la haine qu'il professe pour l'hérésie ne l'aveugle pas il se montre juge intègre,

1. MOLLAT, n. 3206 et 24542.

2. J. M. VIDAL, Le tribunal, p. 76 et 77.

profondément scrupuleux, poussant la conscience jusqu'à assister à tous les actes de la procédure et à ne se décharger que très rarement sur ses subalternes du soin de remplir les formalités secondaires. Lorsque les aveux sont obtenus, il use de longanimité et de ménagements. Il est indulgent dans la répartition des peines et tempère la rigueur du code inquisitorial : quatre vaudois et un cathare relaps sont les seules victimes qu'il livre au bûcher '!

Son zèle fut récompensé : à deux reprises différentes Jean XXII 2 le félicita chaudement d'avoir extirpé l'hérésie tant du diocèse de Pamiers que de celui de Mirepoix; le 18 décembre 1327, il le créa cardinal-prêtre du titre de Sainte-Prisque.

Pendant son cardinalat, Jacques Fournier acquit la confiance entière et l'estime de Jean XXII. L'examen des causes d'inquisition, qui viennent en appel devant la cour d'Avignon, lui est confié; de 1330 à 1334, il figure comme juge dans les procès intentés au fraticelle allemand Conrad, à l'inquisiteur de Carcassonne Jean Galand, au prêtre breton Yves de Kérinou, au dominicain anglais Thomas Walleis, au chevalier Adhémar de Mosset 3. C'est surtout à l'occasion des fameuses controverses qui s'élèvent au sujet de la pauvreté du Christ et de la vision béatifique, qu'il déploie sa science de la théologie. Jean XXII, qui avait su deviner son talent, tenait à posséder ses avis et lui fournit l'occasion de composer différents écrits. Les œuvres de cette époque comprennent un traité contre les fraticelles, une réfutation des erreurs de Joachim de Flore et de maître

1. VIDAL, Le tribunal, p. 75-81, 115-119, 235, 243-246. 2. Ibidem, p. 254 et 255.

3. EUBEL, Bullarium, t. V, n. 842, 857; DENIFLE, Chartularium, t. II, n. 971, 973, 976, 979, 980, 986; J. M. VIDAL, Un inquisiteur jugé par ses victimes. Jean Galand et les Carcassonnais, Paris, 1903, p. 28-30; cfr. aussi supra, p. 38.

Eckart, un traité sur les doctrines de Michel de Césène, de Guillaume Ockam et de Pierre Jean d'Olive, un traité sur l'état des âmes saintes avant le jugement général, des questions sur les doctrines de Durand de Saint-Pourçain '.

En un temps où l'hérésie agitait la chrétienté, les regards des cardinaux se reportèrent tout naturellement vers celui que J. M. Vidal a nommé à juste titre « la lumière théologique du Sacré-Collège ».

Benoît XII ne trompa pas l'attente de ses électeurs. Il se hâta de clore les discussions sur la vision béatifique, en définissant que les âmes justes, n'ayant aucune faute à expier, « voient l'essence divine d'une vision intuitive et même faciale » immédiatement (Constitution Benedictus Deus du 29 janvier 13362); il entreprit ensuite de déraciner les abus qui sévissaient dans l'Église, en inaugurant une série de réformes visant la cour pontificale, les ordres religieux et le clergé séculier.

D'« innombrables abus >>> suivant l'expression même de Benoît XII — s'étaient glissés dans la haute administration de l'Église. Les officiers de la cour se montraient sans vergogne dans leurs agissements. Les sous-ordres du maréchal surtout commettaient les pires malversations; la moindre de leurs peccadilles consistait à extorquer de grosses gratifications aux bonnes gens. Le 13 janvier 1335, une bulle ordonna à Jean de Cojordan d'ouvrir une enquête sans retard. Les personnes compromises n'attendirent point l'issue de l'information judiciaire : il leur était trop facile d'en prévoir le résultat; elles se mirent à l'abri du châtiment et s'enfuirent d'Avignon. L'enquête, en effet, prouva le bien-fondé des plaintes qui affluaient de tous

1. J. M. VIDAL, dans RHE, t. VI, p. 788-795. 2. Cocquelines, t. III, pars II*, p. 213-214.

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